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Opération „Midas"

Le détail du scandale de corruption en Ukraine : opération « Midas » avec 70 perquisitions pour démanteler un empire de l’ombre

L'Ukraine traverse l'une de ses pires crises internes depuis le début de l'invasion russe. Un gigantesque système de corruption dans le secteur de l'énergie vient d'être mis au jour, impliquant des proches du président Volodymyr Zelensky et provoquant la chute de deux ministres.

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Herman Halushchenko, ministre ukrainien de l'Énergie, Bridget Brink, ambassadrice des États-Unis en Ukraine, et Patrick Fragman, président-directeur général de Westinghouse Electric Company, près de la ville ukrainienne de Khmelnytsky, le 11 avril 2024.

Photo: SERGEI SUPINSKY/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 5 Min.

Le Bureau anticorruption ukrainien (NABU) a frappé fort lundi dernier. Baptisée « Midas » en référence au roi légendaire transformant tout en or, l’opération a mobilisé des dizaines d’enquêteurs pour 70 perquisitions simultanées.

Pour le secteur énergétique : 100 millions de dollars détournés

Le butin découvert : un réseau criminel ayant détourné 100 millions de dollars dans le secteur énergétique. Cinq personnes ont été arrêtées à ce stade, dont un ancien conseiller du ministère de l’Énergie et un cadre d’Energoatom, l’opérateur nucléaire public ukrainien.

Le système de la « taxe de survie » : 10 à 15% de corruption obligatoire

Les mécanismes révélés par l’enquête glacent le sang. Les sous-traitants d’Energoatom devaient systématiquement reverser entre 10 et 15% de leurs contrats sous forme de pots-de-vin. Sans ces versements illicites, ils risquaient le blocage de leurs paiements ou la perte de leur statut de fournisseur.
Plus inquiétant encore : les cerveaux de ce système avaient établi une véritable structure parallèle au sein de l’entreprise publique, imposant des « gestionnaires de l’ombre » pour contrôler les décisions. L’argent sale était ensuite blanchi via un réseau de sociétés écrans, principalement basées à l’étranger.

La révélation qui fait trembler : Timour Minditch, l’ami du président

Le véritable séisme est venu avec l’identification du cerveau présumé : Timour Minditch, 46 ans, homme d’affaires et ami proche de Volodymyr Zelensky. L’homme aurait quitté l’Ukraine juste avant l’éclatement du scandale, probablement pour Israël selon la presse.
Minditch est copropriétaire de Kvartal 95, la société de production fondée par Volodymyr Zelensky lui-même à l’époque où celui-ci était encore comédien vedette, avant son entrée fracassante en politique en 2019.
Selon le NABU, Minditch « contrôlait » non seulement le blanchiment des fonds détournés, mais aussi leur redistribution. Plus grave, il aurait influencé des décisions de hauts responsables gouvernementaux, dont l’ex-ministre de la Défense Roustem Oumerov, désormais secrétaire du Conseil de sécurité.

Le président Zelensky contraint à sacrifier deux ministres

Pris de court selon son entourage, le président ukrainien a dû réagir rapidement face à la montée des critiques. Il a exigé la démission de deux ministres, effective mercredi :
Guerman Halouchtchenko, ministre de la Justice et ancien ministre de l’Énergie, accusé d’avoir perçu des « avantages personnels » et Svitlana Gryntchouk, ministre de l’Énergie, non directement visée mais considérée comme une proche de Halouchtchenko
Un ancien vice-Premier ministre, Oleksiï Tchernychov, est également dans le collimateur des enquêteurs. Volodymyr Zelensky a promis une « transparence » totale et affirmé soutenir « pleinement » l’enquête.

L’Allemagne monte au créneau

Si l’Union européenne n’a pas encore réagi officiellement, le chancelier allemand Friedrich Merz, dont le pays est le principal soutien financier européen de Kiev, a publiquement exigé que le président Zelensky combatte la corruption « avec énergie ».

Une longue liste de scandales depuis 2022

Ce n’est malheureusement pas le premier scandale à éclabousser l’Ukraine en guerre :
Septembre 2023 : Le ministre de la Défense Oleksiï Reznikov démissionne après des révélations sur l’achat d’uniformes et de denrées alimentaires à prix gonflés
Avril 2024 : Arrestation de plusieurs responsables de la défense pour la fourniture d’obus défectueux
2023 : Limogeage de tous les responsables régionaux du recrutement militaire, le système de mobilisation étant gangréné par la corruption

Un combat anticorruption sous tension

Les relations entre la présidence et les organes anticorruption restent électriques. L’été dernier, le pouvoir a tenté de priver le NABU et le Parquet anticorruption de leur indépendance, avant de reculer face à la mobilisation de la société civile et la pression des alliés occidentaux.
Malgré des progrès notables, l’Ukraine reste classée 105e sur 180 pays dans l’indice de perception de la corruption de Transparency International pour 2024. Un bond significatif par rapport à la 142e place de 2014, mais le chemin reste long.
Avec AFP