Le gouvernement américain admet avoir utilisé les écoles pour effacer la culture des Amérindiens et s’emparer de leurs terres

Par Beth Brelje
22 mai 2022 19:06 Mis à jour: 22 mai 2022 19:06

Éliminer la culture, pousser les enfants à s’éloigner de leurs parents, nier les besoins affectifs des enfants, autant de stratégies qui pourraient faire les gros titres d’aujourd’hui. Il s’agit en réalité des méthodes éducatives éprouvées que les États‑Unis admettent avoir utilisés durant cent-cinquante ans pour forcer l’assimilation des Amérindiens, et plus précisément pour s’emparer de leurs territoires.

Ce mois‑ci, le Bureau des affaires indiennes (BIA) a publié un rapport de 106 pages expliquant comment le gouvernement fédéral américain « a appliqué des méthodes systématiques de militarisation et d’altération de l’identité dans le système des internats indiens fédéraux pour assimiler les enfants amérindiens, amérindiens d’Alaska et amérindiens d’Hawaï par l’éducation ».

« [Le gouvernement a utilisé l’éducation des enfants] pour remettre en place la culture des Indiens et nos biens », affirme le BIA. C’était, poursuit le rapport, « le moyen le moins coûteux et le plus sûr de soumettre les Indiens, de fournir un habitat sûr aux populations blanches du pays, d’aider les Blancs à acquérir des terres convoitées et de modifier l’économie des Indiens de sorte qu’ils se contentent de moins de terres ».

C’est la secrétaire d’État à l’Intérieur, Deb Haaland, qui a sollicité ce rapport l’année dernière. Elle est la première Amérindienne à occuper un poste de secrétaire d’État.

La secrétaire d’État à l’Intérieur, Deb Haaland, s’exprime lors d’un point de presse quotidien dans la salle de presse James Brady de la Maison Blanche, à Washington, le 23 avril 2021. (Alex Wong/Getty Images)

Mme Haaland a demandé une enquête sur les décès et les conséquences à long terme parmi les communautés indiennes du système fédéral de pensionnats indiens.

« Ce rapport montre pour la première fois qu’entre 1819 et 1969, les États‑Unis ont géré ou soutenu 408 pensionnats dans 37 États [ou territoires à l’époque], dont 21 écoles en Alaska et 7 écoles à Hawaï », a écrit Bryan Newland, secrétaire adjoint aux Affaires indiennes, dans une lettre présentant le rapport.

L’enquête doit être approfondie en prévision d’un nouveau rapport.

« La politique fédérale des pensionnats indiens visait intentionnellement … les enfants pour les assimiler et, par conséquent, prendre leurs territoires », a déclaré M. Newland.

Le rapport fait des recommandations pour obtenir de nouveaux financements et relancer les langues tribales et les pratiques culturelles – une démarche nécessaire, selon M. Newland, pour entamer le processus de réparation.

Éloignés de leurs parents

Le Congrès a mis fin aux traités conclus avec les tribus indiennes en 1871 et a commencé à utiliser les lois, décrets et accords pour réglementer les affaires indiennes, explique le rapport. À cette même époque, le Congrès a promulgué de nouvelles lois pour obliger les parents indiens à scolariser leurs enfants et pour autoriser le secrétaire de l’Intérieur à publier des règlements afin de garantir l’inscription et la fréquentation régulière des enfants indiens éligibles, que les autorités considéraient comme les pupilles du gouvernement fédéral.

« De nombreuses familles indiennes ont résisté à la mainmise du gouvernement fédéral sur leur vie en refusant d’envoyer leurs enfants à l’école », indique le rapport Kennedy publié en 1969 et cité dans le rapport actuel.

En vertu de la loi du 3 mars 1893, le Congrès a autorisé le secrétaire de l’Intérieur à retenir les rations, y compris celles garanties par les traités, aux familles indiennes dont les enfants âgés de 8 à 21 ans ne fréquentaient pas l’école. Pas d’école signifiait, pas d’argent ni de nourriture pour la famille.

« Il existe de nombreuses preuves dans les dossiers fédéraux qui démontrent comment les États‑Unis ont contraint, incité ou forcé les enfants indiens à intégrer le système des pensionnats indiens fédéraux », indique le rapport.

Le département de l’Intérieur a déplacé les enfants vers des pensionnats hors réserve sans le consentement des parents, souvent dans des États éloignés où les enfants ont enduré « des abus physiques, sexuels et émotionnels généralisés, des maladies, la malnutrition, la surpopulation et un manque de soins médicaux », poursuit le rapport.

Apaches Ciricahua à l’école indienne de Carlisle, Pennsylvanie, 1885 ou 1886, qui viennent d’arriver à l’école. (Bibliothèque du Congrès)

Une fois au pensionnat, les enfants recevaient des noms et des vêtements anglais. On leur coupait les cheveux et on les empêchait d’utiliser leur langue maternelle, de pratiquer leur religion et de garder leurs coutumes. Les enfants étaient triés en unités pour effectuer des exercices militaires. Ils devaient travailler et encouraient des châtiments corporels.

Au pensionnat Kickapoo du Kansas, lorsque les enfants s’enfuyaient de l’école, les responsables partaient à leur recherche et les ramenaient afin qu’ils reçoivent « un coup de fouet administré sainement et dans la prière », devant les autres élèves. Dans cette même école, les enfants dormaient à trois par lit. Les pensionnats étaient généralement surpeuplés.

Toutes ces mesures avaient pour but de briser définitivement les liens familiaux et empêcher les élèves de retourner dans les réserves. Le système a engendré un traumatisme intergénérationnel, précise le rapport.

En 1886, l’Institut Haskell au Kansas a intentionnellement mélangé des enfants indiens de 31 tribus différentes afin de perturber leurs identités tribales, en les empêchant d’utiliser leurs langues respectives. Le département de l’Intérieur poussait les diplômés de tribus différentes à se marier entre eux, afin que leurs enfants utilisent l’anglais comme langue maternelle. Cette année-là, les tribus concernées venaient d’endroits aussi variés que possible : Apache, Arapaho, Cheyenne, Cherokee, Chippewa, Comanche, Caddo, Delaware, Iowa, Kiowa, Kickapoo, Kaw, Mojave, Muncie, Modoc, Miami, New York, Omaha, Ottawa, Osage, Pawnee, Pottawatomie, Ponca, Peora, Quapaw, Seneca, Sac et Fox, Seminole, Shawnee, Sioux et Wyandotte.

Manque d’éducation

Le travail effectué par les enfants dans ces pensionnats constituait probablement une violation des lois sur le travail des enfants dans la plupart des États, selon le rapport Meriam de 1928, préparé à la demande du secrétaire à l’Intérieur de l’époque.

Axé sur la formation professionnelle, le gouvernement a adopté un programme à mi‑temps, les élèves consacrant la moitié de la journée aux disciplines scolaires et le reste du temps au travail. Selon le rapport, ils s’occupaient des animaux de ferme, travaillaient dans l’exploitation forestière, le chemin de fer, la menuiserie, la forge, la fertilisation, le développement de systèmes d’irrigation, creusaient des puits, fabriquaient des meubles (matelas, tables et chaises), se consacraient à la cuisine, la blanchisserie, le repassage ou la confection de vêtements.

Le rapport 2022 montre qu’en 1857, dans les écoles de travail manuel Winnebago au Nebraska, les filles ont fabriqué 550 vêtements pour elles‑mêmes et pour les garçons fréquentant l’école, et 700 sacs pour la ferme. En 1903, un rapport de l’école Mescalero Boarding School au Nouveau‑Mexique montre que les garçons Mescalero Apache ont scié plus de 21 000 mètres de bois en grume, produits plus de 40 000 bardeaux et 120 000 briques.

Les écoles de l’époque ont indiqué qu’elles ne pouvaient pas se permettre de financer leurs activités uniquement avec les fonds fournis par le Congrès. Les élèves devaient donc s’occuper de ces tâches pour faire fonctionner les lieux. Le rapport note que ce travail rapportait de l’argent.

Payé avec l’argent destiné aux Indiens

Les écoles recevaient chaque année des fonds de fonctionnement, mais selon le rapport, le gouvernement fédéral a probablement aussi utilisé des fonds détenus sur des comptes fiduciaires des tribus et le produit de la vente de terres tribales pour faire fonctionner les écoles.

« Il est évident que le produit des ventes de territoires indiens aux États‑Unis par le biais de traités – qui ont souvent été signés sous la contrainte – a été utilisé pour financer le fonctionnement des pensionnats indiens fédéraux. Par conséquent, la politique d’assimilation des États‑Unis, le système des pensionnats indiens fédéraux et l’effort d’acquisition des territoires indiens sont liés », indique le rapport.

Le gouvernement des États‑Unis payait des organismes religieux chargés de gérer ces programmes. Selon le rapport, le gouvernement avait des contrats avec L’Association Américaine des Missionnaires de l’Église Congrégationaliste, le Conseil des Missions Étrangères de l’Église Presbytérienne, le Conseil des Missions Nationales de l’Église Presbytérienne, le Bureau des Missions Indiennes Catholiques, et l’Église Épiscopale Protestante.

Dans certains cas, les missionnaires ne recevaient aucune éducation ou formation. Le gouvernement ne disposait d’aucune norme à suivre ni d’aucun contrôle sur ces programmes, indique le rapport.

Les écoles disposaient de sites funéraires

Pierres tombales d’Amérindiens au cimetière indien de Carlisle, où sont enterrés les enfants décédés à l’école indienne de Carlisle, en Pennsylvanie. (Bibliothèque du Congrès)

Généralement les écoles n’ont pas besoin de cimetière, mais ces écoles‑ci en avaient. Une première enquête menée dans 19 écoles a révélé le décès de plus de 500 élèves.

« Le fait de cibler et de retirer intentionnellement (…) les enfants pour atteindre l’objectif d’assimilation forcée des Indiens était à la fois traumatisant et violent », indique le rapport. « Le département a découvert que des centaines d’enfants indiens avaient trouvé la mort dans l’ensemble du système fédéral de pensionnats indiens et il pense que l’enquête approfondie révélera que le nombre approximatif d’enfants indiens qui sont morts dans ces écoles se chiffre en milliers ou en dizaines de milliers. »

Les recherches du département ont permis d’identifier au moins 53 sites d’inhumation différents dans le système scolaire, certains étaient facilement identifiables et balisés, d’autres n’avaient aucune indication, étaient à peine entretenus.

« Les décès d’enfants indiens alors qu’ils étaient sous la garde du gouvernement fédéral, ou d’institutions soutenues par le gouvernement fédéral, ont conduit à l’éclatement des familles indiennes et à l’érosion des tribus », indique le rapport.

Le département s’est entretenu avec les chefs de tribu pour répondre aux préoccupations culturelles concernant les sites d’inhumation, y compris la protection future des sites d’inhumation et le rapatriement ou l’exhumation potentiels des restes. « Le département ne rendra pas publics les emplacements spécifiques des sites d’inhumation associés au système fédéral d’internat indien afin de les protéger contre les pillages de tombes, le vandalisme et les autres perturbations des sites d’inhumation indiens, qui sont bien documentés », indique le rapport.

Recommandations

Le rapport formule des recommandations, dont le financement d’une enquête complète. Le Congrès a alloué 7 millions de dollars de nouveaux fonds pour l’année fiscale en cours, conformément à la loi de finance 2022 (Consolidated Appropriations Act CAA). Le rapport exhorte à approfondir l’enquête grâce à un financement prolongé pour l’année fiscale 2023.

Le rapport suggère également d’identifier les survivants des pensionnats et de documenter formellement leurs récits et expériences passées tout en étudiant l’impact des pensionnats dans leur vie en analysant leur état de santé et en déterminant d’éventuels problèmes de toxicomanie ou de violence.

Enfin le rapport explique qu’en vertu de la Native American Graves Protection and Repatriation Act (Loi sur la protection et le rapatriement des tombes des Amérindiens) les détails concernant les sites funéraires doivent pouvoir rester confidentiels et déroger à la FOIA, la Loi d’accès à l’information.

Le rapport recommande de stimuler la revitalisation des langues autochtones en finançant le développement de programmes favorisant cette démarche à la fois dans les écoles financées par le Bureau de l’Éducation indienne (BIE) et dans celles qui ne le sont pas.

Il appelle également à la promotion de la recherche sur la santé des Indiens, en finançant des études scientifiques sur les effets durables des pensionnats sur la santé.

Pour conclure le rapport suggère que le gouvernement érige un monument national à la mémoire des enfants victimes des pensionnats indiens.

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