Le magnétisme de Puebla

Par Christiane Goor et Charles Mahaux
3 mars 2020 20:33 Mis à jour: 2 avril 2021 13:41

Fondée en 1531, douze ans à peine après le débarquement de Cortes, Puebla est une des plus vieilles villes du Mexique. Elle portait à l’époque le nom de «Cité des Anges» suite au songe pieux de l’évêque de Tlaxcala qui rêva d’anges descendus du ciel avec des cordons pour tracer le plan d’une ville qui allait rapidement devenir la plus espagnole et la plus prospère de la Nouvelle-Espagne. Contrairement à toutes les autres villes coloniales créées sur des sites religieux indigènes dont il fallut intégrer au moins partiellement l’héritage, Puebla est sortie de terre sur un terrain vierge, dans une large vallée bordée par les imposants volcans Popocatépetl et Ixtaccíhuatl dont les sommets flirtent avec les nuages.

Toute la vieille ville de Puebla converge atour de son zocalo, sa grand-place dominée par la cathédrale et cernée par de somptueux édifices qui s’étirent en enfilade. (Christiane Goor et Charles Mahaux)

Des trésors éblouissants

Dès le 16ème siècle le Galion de Manille effectuait la traversée entre Manille et Acapulco une fois par an. L’occasion d’accueillir les négociants et riches entrepreneurs de la Nouvelle Espagne qui échangeaient ici des cassettes d’or contre des mannes de soieries, de porcelaine, d’ivoire, de laque, d’épices et de perles fines. Les précieuses marchandises partaient ensuite à dos de mulets vers le port de Veracruz sur l’océan Atlantique pour être acheminées par la mer jusqu’en Espagne. Puebla était un passage obligé sur cette route et durant deux siècles, la ville en a profité pour s’approprier des expressions artistiques orientales.

Santa Clara, une rue typique bien connue des habitants de Puebla qui vont y chercher des pâtisseries traditionnelles créées jadis par les religieuses du couvent de Santa Clara. (Christiane Goor et Charles Mahaux)

Ainsi en est-il du costume traditionnel des femmes de Puebla qui est inspiré d’une belle esclave d’origine hindoue baptisée cependant la china poblana, la chinoise. Vendue par des pirates, elle avait été achetée par une famille de Puebla. Elle portait un sari brodé une tenue tout à fait étrange aux yeux des Espagnols. Convertie au catholicisme, elle fut affranchie et vécut en toute humilité au sein de l’église. Toutefois par sa beauté et l’exotisme des tenues qu’elle confectionnait elle-même en souvenir de ses origines, elle devint très populaire et ce n’est pas étonnant que les femmes mexicaines se soient approprié ce style de vêtement brodé garni de paillettes.

La casa del Alfeñique ou maison du sucre d’orge mérite bien son nom tant les décorations toutes sculptées semblent garnir une pâtisserie. (Christiane Goor et Charles Mahaux)

Aujourd’hui encore, Puebla ne compte pas moins de quelque 70 églises et plus d’un millier d’édifices coloniaux parmi les plus somptueux du Mexique à tel point qu’elle mérite le surnom de ville baroque. Les architectes et les artistes ont imaginé des façades extravagantes fardées de carreaux de faïence vernissée multicolores et surmontées de corniches qui rappellent des meringues nappées de crème chantilly. Ailleurs ce sont des campaniles de pierre grands ouverts qui semblent moucher des cierges roses qui surplombent des coupoles recouvertes de céramique étincelante.

La façade de pierre de taille de couleur grise de la cathédrale offre un monde de reliefs et de colonnes striées flanquée de deux hautes tours. (Christiane Goor et Charles Mahaux)

Sur le zocalo, la monumentale cathédrale Métropolitaine Nuestra Señora de la Inmaculada Concepción, construite à la fin du 16ème siècle, lance vers le ciel deux tours de 74 mètres, soit les plus hautes de toute l’Amérique Latine. La légende raconte que ce sont les anges qui y ont hissé une cloche de plus de huit tonnes ! Chaque vendredi et samedi soir, on projette sur sa façade un spectacle gratuit de videomapping qui raconte l’un ou l’autre chapitre de l’histoire de Puebla.

Incontournable, l’église Santo Domingo et sa chapelle du Rosario, entièrement décorée avec des feuilles d’or, un modèle de l’art baroque. (Christiane Goor et Charles Mahaux)

L’église dont la décoration est la plus exubérante est celle de Santo Domingo, bâtie à la même époque. Derrière une façade austère, elle renferme un retable magistral autour de l’autel principal mais surtout une chapelle ruisselante d’or, la Capilla del Rosario, avec son décor en marbre et en onyx, en bois et en stuc dorés à la feuille d’or, sur lesquels jaillissent une ribambelle d’angelots et de chérubins souriants qui semblent entonner les louanges de Dieu le Père.

Autre trésor, la bibliothèque Palafoxiana, la première bibliothèque publique du Nouveau Monde. Elle date du 17ème siècle et abrite aujourd’hui plus de 45000 volumes traitant entre autres de théologie, d’architecture ou de philosophie ainsi que plusieurs incunables à savoir des ouvrages imprimés avant 1500. L’occasion d’y découvrir des ouvrages classiques rares rangés dans un décor d’origine, des étagères de cèdre sculpté. On comprend que l’Unesco ait accueilli en 2005 cet exceptionnel ensemble dans le registre Mémoire du Monde.

La terrasse du Musée Amparo permet de découvrir le skyline de la vieille ville hérissée de clochers er de dômes. (Christiane Goor et Charles Mahaux)

De la tradition vers la modernité

Un espace contemporain installé dans des bâtiments coloniaux, un palais et un hôpital, complètement reconvertis, tel est le visage séduisant offert par le Musée Amparo ouvert en 1991. On peut y admirer des collections couvrant toutes les cultures précolombiennes du pays ainsi qu’une section d’art colonial espagnol sans oublier des expositions temporaires d’art contemporain. Ce musée créé par une fondation imaginée par un riche financier en souvenir de son épouse prénommée Amparo a été un des pionniers dans l’utilisation des technologies interactives. Une très belle ligne du temps qui occupe tout un mur guide le visiteur tout au long de l’histoire du Mexique depuis les temps les plus reculés avec en parallèle les événements qui ont marqué d’autres cultures du monde, une manière de découvrir d’un regard toute l’histoire de l’humanité www.museoamparo.com

La vue panoramique qui s’ouvre depuis le téléphérique du centre du 5 mai permet de découvrir l’étendue de la ville dominée au loin par la silhouette de volcans. (Christiane Goor et Charles Mahaux)

Autre quartier historique, celui des forts de Loreto et de Guadalupe plus communément appelé Centro Cívico Cinco de Mayo en souvenir de la bataille historique du 5 mai 1862 quand une petite armée mexicaine est parvenue à mettre en déroute les troupes de l’envahisseur français, une victoire commémorée chaque année pour montrer à qui veut bien l’entendre la capacité du Mexique à résister aux attaques impérialistes. Le centre s’est développé récemment autour des forts qui se visitent mais aussi autour d’un planétarium, d’un centre de congrès, d’un téléphérique qui offre une vue imprenable sur l’étendue de la ville et d’immenses espaces verts où ont été reconstitués en version miniature des sites importants à découvrir dans le pays ainsi qu’une lagune, le lac de la Concorde, où chaque week-end, un spectacle de sons et lumières projette des images sur un rideau d’eau avec en arrière-plan la ville illuminée, une heureuse manière de conter des légendes, entre autres celle de la China poblana.

Flâner dans le quartier de Xanenetla, c’est plonger dans un autre monde coloré qui raconte au travers de quelque 75 peintures murales la vie et les rêves des habitants du quartier. (Christiane Goor et Charles Mahaux)

Le plus étonnant reste cependant la visite de deux tunnels souterrains découverts fortuitement lors de travaux exécutés sur le boulevard du 5 de Mayo. Depuis l’été 2016, ils sont ouverts au public et la promenade à quelques 2 mètres de profondeur permet de découvrir les «secrets de Puebla», à travers les objets qui y sont exposés et son illumination dorée qui plonge le visiteur dans le monde de jadis. Ont-ils servi naguère à unir chapelles et cathédrale ? Ont-ils permis aux troupes de Benito Juarez de se réfugier lors de leur bataille contre les troupes françaises ? On sait que les tunnels couvrent quelque 10 kilomètres mais seul un peu plus d’un kilomètre est accessible. A la sortie on découvre le quartier de Xanenetla qui sous la vice-royauté espagnole était exclusivement réservée aux indigènes puisque les colonisateurs appliquaient un système proche de l’apartheid. D’un côté de la rivière Almoloya, la ville blanche, de l’autre la cité indigène qui a conservé ses maisons basses et rustiques mais a été réhabilitée depuis l’ouverture du tunnel. Des artistes ont été invités à rencontrer les habitants afin de peindre sur les façades de leur maison des fresques murales qui racontent leurs rêves. Le résultat est aujourd’hui un quartier animé et joyeux, complètement revitalisé.

Sans doute plus stylisée que baroque la structure même du MIB frappe l’imagination avec ses formes courbes et simples, toutes en béton blanc. (Christiane Goor et Charles Mahaux)

Impossible de clore cet aperçu de la nouvelle ville sans mentionner le quartier d’Angelópolis, la façade moderne de Puebla où se sont installés de nouveaux centres universitaires, des gratte-ciel de verre, des entreprises innovantes et des centres commerciaux dernier cri avec un étonnant réseau de passerelles aériennes qui permet aux habitants de joindre aisément à pied ou en vélo les différents quartiers de ce nouveau centre sillonné par ailleurs de boulevards où la vie semble ne jamais s’interrompre. Amateurs de shopping, bienvenue !

Mais encore, Angelópolis abrite un musée d’envergure internationale qui a ouvert ses portes en février 2016, le MIB ou Musée International du Baroque. Quand on sait que ce style a été exporté d’abord dans le Nouveau Monde, on peut s’étonner de trouver à Puebla un centre d’exposition qui lui soit consacré. Toutefois, le baroque peut être considéré comme l’un des premiers styles qui se retrouve sur tous les continents, même s’il a pu se décliner avec des variantes. Comme Puebla figure parmi les plus belles villes baroques d’Amérique, elle était bien en droit de s’offrir ce musée qui d’une salle à l’autre présente le baroque à travers le monde dans différentes disciplines : la musique et la danse, la peinture et la sculpture, le théâtre et les arts décoratifs, l’architecture, la littérature et les sciences, etc.

Une maquette de Puebla à l’entrée du MIB permet de découvrir comment toute l’architecture de la vieille ville a été pensée comme un rêve de ville au même titre que Jérusalem et Mexico. (Christiane Goor et Charles Mahaux)

Chaque salle contient des éléments interactifs (écrans tactiles, films, extraits visuels, videomapping, etc.) qui permettent aux visiteurs curieux de mieux s’immerger dans la découverte du baroque et de ses différentes facettes. Même le bâtiment lui-même dans sa conception se veut baroque. Au cœur d’une place publique et bordé d’eau, le musée dessiné par le célèbre architecte japonais Toyo Ito semble surgir de terre comme une immense composition naturelle composée de hauts murs blancs légèrement incurvés qui se superposent sans jamais se toucher en s’alignant autour d’une cour intérieure animée par une fontaine. Une architecture minimaliste mais très fluide et légère qui contribue à donner aux visiteurs l’impression de circuler dans un monde à part, baroque en fait. Un musée qui s’inscrit résolument parmi les institutions de qualité comparables à celles d’autres grandes métropoles américaines et européennes www.mib.puebla.gob.mx

Pour toute info complémentaire, un site : www.puebla.travel en espagnol et en anglais.

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