Le ministère de la Justice américain inculpe deux agents chinois soupçonnés d’avoir ciblé le Falun Gong aux États-Unis

Deux individus ont tenté de soudoyer un prétendu responsable du fisc pour faire avancer la campagne de Pékin contre un groupe persécuté, selon le ministère de la Justice

Par Eva Fu
30 mai 2023 08:08 Mis à jour: 30 mai 2023 11:17

NEW YORK – Les procureurs fédéraux ont accusé deux hommes d’avoir tenté de corrompre un fonctionnaire avec des dizaines de milliers de dollars dans le cadre d’un plan visant à aider le Parti communiste chinois (PCC) à « renverser » le groupe religieux persécuté Falun Gong.

John Chen, un citoyen américain de 70 ans né en Chine, et Lin Feng, un citoyen chinois de 43 ans, ont tenté de « manipuler le programme de dénonciation de l’IRS, par la corruption et la tromperie », dans le but de priver une entité dirigée par le Falun Gong de son statut d’exonération fiscale, selon des documents judiciaires dévoilés le 26 mai.

Les informations qu’ils ont soumises à l’Internal Revenue Service (IRS ou Administration fiscale des États-Unis) sont « manifestement erronées et contiennent une rhétorique similaire à la propagande que le gouvernement de la RPC utilise pour justifier son assujettissement et son harcèlement des membres du Falun Gong », selon la plainte.

John Chen et Lin Feng, qui résident respectivement à Chino City et à Los Angeles, en Californie, ont été arrêtés à leur domicile tôt vendredi matin, a déclaré à Epoch Times un porte-parole du bureau du FBI à Los Angeles.

Les deux hommes sont accusés de conspiration, de corruption et de blanchiment d’argent. John Chen a été placé en détention sans caution, et l’U.S. Marshals Service a été chargé de son transfert à New York. L’audience de détention de Lin Feng a été reportée au 1er juin. Il restera en détention jusqu’à cette date, a affirmé à Epoch Times un porte-parole du bureau du procureur des États-Unis à Los Angeles.

L’avocat de John Chen s’est refusé à tout commentaire.

Le bâtiment fédéral Edward R. Roybal et le palais de justice américain à Los Angeles, Californie, le 26 mai 2023. (Annie Wang/Epoch Times)

« Choquant » et « insidieux »

C’est la première fois que les autorités américaines engagent des poursuites pour dissuader le régime chinois de s’en prendre au Falun Gong aux États-Unis. Le Falun Gong est une pratique méditative qui met l’accent sur la vérité, la compassion et la tolérance. En Chine, le PCC persécute sévèrement ce groupe depuis 23 ans.

Les inculpations du ministère de la Justice font également suite à l’arrestation de deux personnes qui auraient dirigé un poste de police secrète à New York pour le compte de Pékin. Selon le ministère de la Justice, l’un des deux hommes a organisé des contre-manifestations à Washington en réponse aux manifestations pacifiques des Falun Gong lors de la visite du dirigeant chinois, Xi Jinping, aux États-Unis en 2015.

« Les efforts visant à manipuler et à utiliser les institutions du gouvernement américain pour réaliser les objectifs autocratiques du gouvernement de la RPC sont aussi choquants qu’insidieux », a déclaré le procureur Damian Williams dans un communiqué annonçant les chefs d’inculpation.

De janvier à mai, John Chen et Lin Feng ont œuvré sous la direction de fonctionnaires chinois pour mener une campagne de corruption, selon le ministère de la Justice. Lors d’une conversation téléphonique enregistrée vers le 21 janvier, John Chen a indiqué qu’il voulait atteindre l’objectif du régime chinois de « renverser » le Falun Gong, en précisant que les « dirigeants » chinois seraient « très généreux » dans le montant des paiements illicites, selon le document de la cour.

Lors d’un autre appel enregistré une semaine plus tard, John Chen a insisté sur le fait qu’ « une fois que cette chose aura été faite », selon la plainte, « une récompense pour le travail sera sûrement donnée à ce moment-là ».

Début février, John Chen et Lin Feng ont déposé plainte auprès d’un bureau de l’IRS à New Windsor, dans l’État de New York, plainte que le premier a ensuite déclarée aux autorités comme étant au bénéfice des contribuables américains, selon le document. Cette plainte, qui utilisait à plusieurs reprises le langage diffamatoire du régime pour décrire le Falun Gong, était « manifestement défaillante », selon le dossier. Le bureau de l’IRS a recommandé de rejeter la plainte.

Le 14 mai, les deux complices ont rencontré dans un restaurant un agent infiltré qui s’est fait passer pour un fonctionnaire de l’IRS, promettant de payer un total de 50.000 dollars pour ouvrir un audit sur l’entité liée au Falun Gong, selon le document. Sur la banquette arrière du véhicule de l’agent, John Chen lui a remis un pot-de-vin de 1.000 dollars, en billets de 100 dollars, à titre de premier paiement. John Chen et Lin Feng ont promis que l’agent recevrait 60 % de la récompense accordée par l’IRS au dénonciateur si sa plainte était acceptée, lors de la rencontre qui s’est déroulée à Newburgh, dans l’État de New York.

Les Falun Gong défilent à Manhattan pour célébrer la Journée mondiale du Falun Dafa, le 12 mai 2023, à New York. (Larry Dye/Epoch Times)

Lors d’un appel intercepté deux jours auparavant, les deux hommes ont indiqué qu’ils recevraient des « instructions » d’un responsable chinois pour mettre en œuvre le plan par le biais d’une application de messagerie cryptée basée en Chine. Ils ont ajouté que, dans la mesure où la rencontre ne déroulerait pas comme prévu, ils supprimeraient alors les instructions du responsable et « alerteraient » et « sonneraient l’alarme » auprès du responsable chinois.

Frères de sang

Au cours de cette opération, John Chen a également averti un contact, qui l’avait présenté au prétendu fonctionnaire des impôts et qui coopérait avec le FBI, de faire en sorte que le plan concernant le paiement illicite reste discret, selon le document du tribunal.

« Si vous dites ‘payer’, bon sang, ça laissera une trace en cours de route, et ça sera gênant », aurait dit Chen.

L’identité du fonctionnaire chinois reste scellée, mais John Chen, dans un appel intercepté alors qu’il discutait du projet, a déclaré que ce fonctionnaire était « celui qui était toujours en charge de ces questions », selon la plainte. La plainte note que les efforts de répression visant le Falun Gong sont centralisés à partir du « Bureau 610 », une organisation extrajudiciaire créé le 10 juin 1999 par le dirigeant de l’époque, Jiang Zemin, pour attaquer le Falun Gong, en Chine et à l’étranger. Pendant de nombreuses années, le « Bureau 610 » avait son siège principal dans la mégalopole de Tianjin, dans le nord-est de la Chine.

Le nom de la ville est apparu lors d’un appel la mi-mai, après que l’agent a envoyé par mail à John Chen un document censé indiquer que la plainte avait été transmise au service d’audit. En voyant le mail, John Chen a appelé Lin Feng pour lui demander de se rendre à New York afin de lui remettre l’argent convenu pour le pot-de-vin. John Chen a répondu qu’il « recontacterait Tianjin ».

Lors d’un échange téléphonique avec l’agent à cette même période, John Chen a réaffirmé que les deux hommes menaient la campagne au nom de Pékin. Selon le dossier, ce dernier a dit à l’agent de « faire confiance à ces amis ».

« Ils sont comme des frères de sang. Nous avons commencé ce combat contre [le fondateur du Falun Gong] il y a vingt ou trente ans. Ils sont toujours avec nous », aurait déclaré John Chen. Il a ajouté que « l’argent vient de nous tous », ce qui, selon l’enquêteur du FBI, fait référence aux autorités chinoises.

« Il est très risqué de faire entrer de l’argent aux États-Unis, il faut utiliser des méthodes spéciales. Cela prend du temps », a affirmé John Chen, selon le document du tribunal. Il a expliqué qu’il retournerait en Chine en juin et qu’il paierait l’agent en plusieurs fois entre juillet et septembre.

« C’est beaucoup. Aux États-Unis, dix mille, c’est limite, et il faut faire une déclaration. Bon sang, je ne veux pas déclarer l’argent », a-t-il indiqué.

Le 18 mai, Lin Feng a remis à l’agent infiltré un autre pot-de-vin de 4.000 dollars en liquide à l’aéroport international John F. Kennedy afin de s’assurer de sa coopération dans le complot. Le même jour, John Chen a dit à l’agent, lors d’un appel téléphonique, qu’il retournerait en Chine pour collecter d’autres fonds et que Lin Feng les remettrait en mains propres en deux versements de 25.000 dollars à l’agent à New York.

Une menace pour « notre système démocratique »

Selon Levi Browde, directeur exécutif du Falun Dafa Information Center, les détails de cette affaire montrent « comment les pratiquants du Falun Gong restent une cible majeure de la répression transnationale du PCC ».

« Cela montre également jusqu’où le PCC est prêt à aller – corrompre un fonctionnaire du fisc pour enfreindre la loi américaine et utiliser les institutions américaines contre des innocents – pour tenter d’arriver à ses fins », a-t-il déclaré à Epoch Times.

« Nous félicitons le gouvernement américain d’avoir pris cette mesure et nous l’encourageons à poursuivre vigoureusement les agents du PCC dans tous les États-Unis, car ils représentent une menace non seulement pour les Américains qui dénoncent les atrocités commises en Chine, mais aussi pour nos fonctionnaires, voire notre système démocratique lui-même, qui sont tous visés par ces stratagèmes illicites. »

Le 26 mai, les procureurs ont décrit cette arrestation comme leur dernier effort pour faire face à la campagne de répression transnationale menée par la Chine.

«Le gouvernement chinois a une nouvelle fois tenté, en vain, de s’en prendre à ceux qui critiquent la RPC aux États-Unis », a déclaré le procureur général Merrick Garland, en utilisant l’acronyme de la République populaire de Chine.

Le procureur général Merrick Garland fait une déclaration au ministère de la Justice à Washington le 11 août 2022. (Drew Angerer/Getty Images)

Il a ajouté que le ministère de la Justice « continuera d’enquêter, de déjouer et de poursuivre les manœuvres déployées par le gouvernement de la RPC pour réduire au silence ses détracteurs et étendre la portée de son régime au territoire américain » et « de défendre les droits de toute personne vivant aux États-Unis ».

« Le ministère de la Justice continue de dénoncer les tentatives éhontées du gouvernement chinois de perpétrer une répression transnationale, cette fois par le biais d’une tentative de corruption », a déclaré Lisa O. Monaco, procureur général adjoint. « Comme le montrent les arrestations d’aujourd’hui et les accusations de complot, de corruption et de blanchiment d’argent, nous ne tolérerons pas les efforts de la RPC ou de tout autre gouvernement étranger pour intimider, harceler ou saper les droits et les libertés dont jouissent tous ceux qui vivent aux États-Unis. »

Le directeur du FBI, Christopher Wray, a affirmé que « le gouvernement chinois a une fois de plus montré son mépris pour l’État de droit et les normes internationales ». Il a promis que son agence « continuera à faire face aux efforts du gouvernement chinois pour violer nos lois et réprimer les droits et les libertés des citoyens de notre pays ».

Le directeur adjoint du FBI à Los Angeles, Donald Always, a déclaré que les agissements présumés étaient « contraires aux valeurs américaines fondamentales ».

« Ceux qui pratiquent l’oppression transnationale au nom du gouvernement chinois doivent rendre des comptes », a-t-il déclaré.

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