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Le poids contraignant de la dette chinoise

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Des ouvriers œuvrant sur un ensemble d’immeubles inachevés à Xinzheng, dans la province centrale du Henan, en Chine, le 20 juin 2023.

Photo: PEDRO PARDO/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 6 Min.

Les difficultés économiques de la Chine découlent, sous bien des aspects, d’erreurs politiques passées. Prenons, par exemple, la crise immobilière persistante qui fait régulièrement la une. Les maux économiques et financiers sont liés directement à trois graves erreurs de politique publique.
Premièrement, les planificateurs de Pékin ont fait la promotion du développement immobilier résidentiel pendant des décennies. À son apogée, ce secteur comptait pour près de 30 % de l’économie chinoise.
Deuxièmement, en 2020, ces mêmes planificateurs ont provoqué la faillite des promoteurs en retirant soudainement le soutien public.
Troisièmement, Pékin a attendu trop longtemps avant d’agir pour limiter les répercussions financières de ces effondrements. Par ailleurs, une autre faute majeure est devenue évidente : Pékin a longtemps dépendu de la dette (en grande partie extérieure) pour financer la croissance.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Selon l’Administration d’État des changes de Pékin, la Chine porte une dette extérieure d’environ 17,6 trillions de yuans (près de 2,4 trillions de dollars), dont la moitié est libellée en dollars. Ce chiffre exclut les dettes détenues par Hong Kong, Macao et, évidemment, Taïwan. Ce montant dépasse largement celui des autres grands États endettés, comme le Mexique, l’Inde ou le Brésil. Certes, l’économie chinoise est bien plus vaste, mais la dette représente tout de même 13 % de la richesse nationale.
Les recettes publiques s’élèvent à environ 22 trillions de yuans par an : il faudrait près de 80 % d’une année budgétaire pour effacer la dette. En supposant un taux d’intérêt prudent de 5 % sur la dette, le service auprès des créanciers étrangers requiert près de 4,5 % du budget annuel chinois.
À ce jour, ce niveau de dette reste gérable. Il n’est pas question de défaut de paiement, et il n’y a pas lieu d’envisager ce risque. Néanmoins, la charge reste inconfortable. Elle suffit à freiner tout nouvel emprunt extérieur, et donc à limiter la capacité de Pékin à répondre à ses difficultés économiques et financières. Parallèlement, le poids de la dette complique sérieusement les choix de la Chine face aux pressions commerciales des États-Unis et, depuis peu, de l’Europe.

Un conteneur de China Shipping empilé au port de Long Beach (Californie), le 10 avril 2025. (Patrick T. Fallon/AFP via Getty Images)

De toute évidence, Pékin doit surveiller attentivement le niveau de sa dette, ce qui limite la portée des mesures de relance. Historiquement, la Chine a eu recours à la dépense d’infrastructure pour stimuler la croissance : routes, ports, barrages, ponts et autres réalisations ont longtemps tiré l’économie et suscité l’admiration des médias occidentaux.
En réalité, le besoin de financer ces dépenses explique en grande partie le fardeau actuel. Désormais, ce cumul impose une limite — difficilement quantifiable — à tout nouveau plan d’investissement public. Le fait que les gouvernements locaux soient eux aussi très endettés et réclament le secours de l’État central freine davantage la possibilité de relancer l’économie selon ce schéma classique.
L’ampleur de la dette extérieure libellée en dollars complique l’évolution souhaitée par les autorités. Le Parti communiste chinois veut passer d’un modèle fondé sur l’exportation à une économie axée sur la demande intérieure. Pourtant, la nécessité de rembourser la dette en dollars pousse la Chine à chercher à maintenir un excédent de dollars dans sa balance des paiements.
La Chine a toujours affiché un fort excédent commercial, principalement en dollars avec les États-Unis. Mais la politique offensive de Donald Trump sur les droits de douane et autres barrières rendra l’obtention de dollars plus difficile à l’avenir, alors même que le service de la dette réclame le maintien de ce surplus commercial.
Dans l’hypothèse extrême (qui demeure aujourd’hui éloignée), Pékin devrait mobiliser ses réserves officielles ou emprunter dans d’autres monnaies pour honorer ses dettes en dollars. Mais même avant d’en arriver là, ce poids contraignant incitera la Chine à conserver un modèle de croissance axé sur les exportations, et ce en dépit des entraves posées par Trump.
La dette en dollars complexifie aussi les politiques monétaires de la Chine. Pour amortir l’effet des tarifs américains, Pékin aurait intérêt à dévaluer le yuan : une baisse augmenterait la compétitivité des produits chinois sur le marché américain (libellés en dollars) et soutiendrait les volumes d’exportation malgré les tarifs.
Mais une dévaluation du yuan impliquerait une augmentation considérable des ventes chinoises aux États-Unis afin d’obtenir les dollars nécessaires au remboursement de la dette libellée dans cette devise. D’autres facteurs monétaires compliquent encore davantage les décisions de Pékin en matière de politique monétaire, mais celui-ci rend également difficile toute décision d’appréciation ou de dépréciation du yuan.
La Chine dispose encore de marges de manœuvre. Elle n’est pas encore dans une impasse totale. Mais nul ne peut nier que Pékin se trouve face à une situation économique, financière et monétaire de plus en plus précaire, où chaque solution comporte des effets indésirables. Xi Jinping et ses proches doivent mesurer à quel point ce carcan résulte de choix politiques antérieurs du Parti communiste chinois.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

Milton Ezrati, auteur, est collaborateur de la rédaction de The National Interest, une filiale du Centre d'études sur le capital humain de l'université de Buffalo (SUNY), et économiste en chef de Vested, une société de communication basée à New York. Avant de rejoindre Vested, il a été chef de la stratégie de marché et économiste pour Lord, Abbett & Co. Il écrit également fréquemment pour le City Journal et blogue régulièrement pour Forbes.

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