« Le rétablissement de l’autorité à l’école est une nécessité, les élèves en ont besoin », déclare Sophie Audugé, déléguée générale de SOS Éducation

"Avec l'« affaire » Oudéa-Castéra, certains essayent de masquer la réalité du wokisme en créant des faux débats et en veillant à ne pas parler du déclassement de l'école française"

Par Julian Herrero
24 janvier 2024 14:51 Mis à jour: 15 avril 2024 12:53

ENTRETIEN – Sophie Audugé est déléguée générale de l’association SOS Éducation. Pour elle, le pouvoir de nuisance de certains syndicats d’enseignants qui représentent une minorité hurlante et politisée bloque des décisions qui sont pourtant essentielles pour redresser l’école. Elle juge nécessaire le retour de l’autorité dans les établissements scolaires et la responsabilisation des parents des élèves qui ne respectent pas le règlement intérieur. La spécialiste de l’éducation pense également que les annonces faîtes par Emmanuel Macron sur le port de l’uniforme et l’apprentissage de la Marseillaise lors de sa conférence de presse le 16 janvier sont purement « cosmétiques ».

EPOCH TIMES – Madame Audugé, vous êtes déléguée générale de l’association SOS Éducation. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur l’origine de l’association, ses missions, ses objectifs ainsi que ses futurs projets ?

SOPHIE AUDUGÉ – SOS Éducation est une association d’intérêt général née en 2001, qui a pour objectif de rassembler tous les citoyens qui veulent agir pour améliorer le système éducatif français. Nous défendons une école qui instruit, qui respecte l’autorité parentale et qui soutient ses professeurs dans leurs missions d’instruction. Nous défendons également une école qui instruit des savoirs. Par conséquent, SOS Éducation s’oppose à toutes les idéologies, présentées comme des savoirs, qui infiltrent l’école et manipulent les enfants, influençables du fait de leur âge, notamment l’idéologie du genre qui fait croire aux élèves que le genre est un ressenti et que la réalité du sexe biologique et la différence des sexes n’existent pas.

Selon le dernier classement PISA sorti au mois de décembre, la France se trouverait à la 23e place. Le niveau des élèves de l’hexagone aurait particulièrement baissé en mathématiques et en français. Quelle est votre analyse ? Quelles solutions préconisent SOS Éducation pour relever le niveau des élèves français ?

C’est une chute historique. Depuis la création du classement PISA, la France n’avait jamais autant chuté entre deux classements. Il traduit l’incapacité du président Macron, au pouvoir depuis 7 ans, à enrayer le phénomène de la baisse du niveau des élèves. L’argument donné lors de la conférence de presse que son bilan ne peut pas être observé dans ce dernier classement, car son action se limite au dédoublement des classes de CP et donc les élèves qui en ont bénéficié n’ont pas atteint le niveau de classe évalué dans PISA, est particulièrement osé. Tant pis pour tous les autres élèves de France qui n’étaient déjà plus en CP l’année de l’élection d’Emmanuel Macron, l’École ne peut rien pour vous, c’est la faute de mes prédécesseurs les enfants ! Ce n’est pas recevable, le Président de la république doit mettre en place sa vision pour tous les élèves, il ne choisit pas les niveaux de classe qui l’intéresse. D’autant que le bilan du dédoublement des classes de primaire ne produit pas l’efficacité attendue.

Il y a malheureusement une absence totale de politique éducative et un déni de la réalité sur la situation catastrophique de l’école publique française. S’il n’y a pas de la part d’Emmanuel Macron et de la ministre de l’Éducation nationale une volonté forte et courageuse d’agir, l’École publique ne se relèvera pas. Malheureusement, le courage n’est pas la marque de fabrique du gouvernement actuel.

Le courage déjà devant les syndicats d’enseignants, notamment les plus bruyants qui portent une parole politique qui n’est pas soutenue par la base. Cela fait 40 ans qu’ils font la pluie et le beau temps sur l’école publique, avec une partie des médias dans leurs poches, refusant toutes les réformes structurelles et mettant la pression sur le ministre de l’Éducation nationale dès qu’il est nommé. Il s’agit bien sûr de le placer d’emblée dans un rapport de force stérile, pour montrer qui est le vrai patron à l’Éducation nationale. On a vu le résultat et les derniers événements ne laissent pas présager que cela va changer dans les prochains mois… Compte tenu de la situation actuelle, chez SOS Éducation, nous demandons que tous les moyens de l’État soient concentrés sur deux objectifs : instruire les enfants de manière exigeante et garantir la sécurité de tous, en premier lieu, des élèves, mais également des enseignants.

Nous appelons aussi à ce que les professeurs soient tous formés et certifiés dans leur discipline avec pour objectif exclusif de transmettre des savoirs académiques et la passion d’apprendre à leurs élèves, et surtout qu’on les laisse enseigner ! Ils ne sont ni des psychologues, ni des éducateurs, ni des assistantes sociales, ni des militants politiques.

Enfin, le rétablissement de l’autorité à l’école est une nécessité, les élèves en ont besoin, ils se plaignent du bruit en classe et de ne pas pouvoir étudier. Nos classes sont les plus bruyantes des pays de l’OCDE après le Brésil. Il faut rétablir le principe simple et de bon sens d’appliquer les sanctions prévues au règlement intérieur et pour les élèves qui refusent de le respecter, là encore une mesure de bon sens : responsabiliser les parents. L’école doit instruire, les parents donnent l’éducation et sont responsables en cas de manquement aux règles à respecter dans l’établissement.

La ministre de l’Éducation nationale, Amélie Oudéa-Castéra a récemment provoqué la colère de la communauté éducative en justifiant son choix de placer son fils dans un établissement scolaire privé en raison d’ « un paquet d’heures pas sérieusement remplacées » dans le public. Que pensez-vous des propos de la ministre ? A-t-elle eu raison ou tort de mentionner la problématique des heures non-remplacées ?

La polémique est surtout née quand on lui a demandé pourquoi elle avait décidé de placer ses enfants dans un établissement « homophobe ». Cette question lui a été posée parce qu’en marge d’un déplacement au Qatar en décembre 2022, à l’occasion de la coupe de monde de football, elle avait arboré un t-shirt avec des manches arc-en-ciel pour afficher son soutien à la cause LGBT. Certains journalistes ont trouvé opportun de feindre l’incohérence pour l’interroger sur son choix de scolariser ses enfants dans l’établissement privé Stanislas.

Mais la ministre a balayé la question en affirmant qu’elle avait choisi le privé en raison des heures non-remplacées dans l’ancien établissement de ses enfants. À partir de ce moment, elle a commis plusieurs erreurs. Premièrement, elle n’avait pas à rentrer dans un champ personnel puisqu’elle n’est pas ministre de ses enfants, mais ministre des élèves de France.

Ensuite, elle a menti en exprimant une position tranchée et critique sur un établissement en le nommant donc en le mettant publiquement en cause et en défaut de compétence. Le problème est qu’il s’agit d’un établissement public dans un secteur d’habitation très favorisé et dans lequel s’il y a des problème d’heures non remplacées, c’est à la marge et sans commune mesure avec d’autres établissements où c’est effectivement un problème structurel qui pénalise les enfants et les parents. Elle s’est embarquée dans des détails que personne ne lui demandait et a menti sur la situation réelle de son fils et sur ses véritables motivations à changer d’établissement pour rejoindre Stanislas. Quand l’établissement a démenti et que les faits réels des raisons de ce départ ont été diffusés, évidemment son image en a pris un sacré coup.

Mais surtout, madame Oudéa-Castéra a donné le sentiment qu’elle ne connaissait pas notre système éducatif, pas assez pour en défendre les principes et les valeurs. En France, nous disposons du droit fondamental de choisir le mode d’instruction pour nos enfants, c’est-à-dire choisir entre 4 modes d’instruction : l’école publique ou privée, avec ou sans contrat, et même l’instruction en famille, bien que cette dernière ait été restreinte par Emmanuel Macron. Elle n’avait donc pas à se justifier, comme tout autre parent d’ailleurs puisque le parent reste le premier éducateur de son enfant et le seul responsable des conséquences de ses choix pour ses enfants, dont celui du mode d’instruction.

A-t-elle relancé une guerre entre l’école privée et publique comme certains de nos confrères l’affirment ? La mairie de Paris a annoncé suspendre provisoirement ses financements à l’école privée catholique Stanislas.

Nous devons prendre un peu de recul et réaliser que nous sommes à l’intersection de quatre sujets majeurs du système éducatif français. Le premier, c’est l’enjeu de l’élitisme. Stanislas est un établissement privé d’élite, et certains vont lui reprocher d’être très exigeant au niveau du travail scolaire, de sélectionner des élèves d’un niveau très élevé, d’augmenter le nombre d’heures de cours et de mettre en place des devoirs sur table très régulièrement. En résumé, de mettre en place un modèle d’instruction basé sur la rigueur, l’exigence, l’intransigeance et l’excellence, bien différent de celui de la culture de la victimisation qui sévit dans un grand nombre d’établissements publics. Je tiens à préciser qu’il existe également des écoles publiques élitistes.
Ces attaques contre l’élitisme sont donc inadmissibles parce que ce modèle d’excellence est adapté pour certains enfants, notamment ceux qui ont une grande capacité de travail. Il faut préserver le système scolaire élitiste public-privé. Il ne convient pas à tous les élèves, mais il est essentiel à notre système éducatif.

Ensuite, vous avez le sujet de la soi-disant guerre privé-public. Aujourd’hui, beaucoup de parents ne veulent plus placer leurs enfants dans des établissements publics parce qu’ils n’ont plus confiance dans leur capacité à instruire et à assurer la sécurité des élèves, ils optent par conséquent pour l’école privée. Si guerre il y a, elle a été gagnée par l’excellence académique d’un très faible nombre d’établissements privés et publics dans lesquels un nombre infime d’enfants peuvent suivre le niveau d’enseignement dispensé.

Vient ensuite le sujet du catholicisme puisque plus de 90% des écoles privées sont de confession catholique comme Stanislas. On essaie de nous faire croire qu’il y aurait un entrisme religieux catholique dans ces établissements, pour le mettre sur le même plan que l’entrisme de l’islamisme dans l’école publique documenté par un rapport du sénat en 2020. C’est intellectuellement très malhonnête.

La France est un pays de culture judéo-chrétienne, c’est pour cela que la majorité des établissements privés confessionnels sont catholiques, parce que c’est notre histoire et notre culture. Quant à Stanislas, fondé par trois prêtres en 1804, est effectivement un établissement catholique, et depuis plus de 200 ans ! Donc c’est un peu bête de parler d’entrisme, au contraire même, l’établissement a évolué et s’est adapté à son époque. Il accueille tous les élèves et son directeur général est même laïc.

Je signale qu’un rapport de la Cour des comptes avait démontré que la plupart des parents qui placent leurs enfants dans un établissement privé catholique, ne le font pas pour des raisons religieuses, mais pour la qualité de l’instruction, la sécurité, l’absence de contenus idéologiques dans les cours dispensés et une meilleure organisation pour remplacer les enseignants absents.

Enfin, le quatrième sujet et sans doute le plus fondamental est qu’aujourd’hui, dans l’école publique il y a une « religion » qui se diffuse de manière implicite dans le cerveau des enfants. Cette « religion » décrite par Jean François Braunstein dans son livre La religion woke, s’est installée dans l’école publique. Elle est bien plus dangereuse que les religions confessionnelles qui sont explicites et qui doivent se soumettre au principe de notre laïcité française. La « religion woke » est implicite, elle avance masquée, mais elle endoctrine nos enfants doucement et dans le dos des parents.

Avec cette « affaire » Oudéa-Castéra aujourd’hui, certains essayent de masquer cette réalité en créant des faux débats et en veillant surtout à ne pas parler du vrai et seul sujet qui devrait tous nous mobiliser le déclassement de l’école publique française.

Lors de sa conférence de presse mardi dernier, Emmanuel Macron a fait de grandes annonces concernant l’Éducation nationale. Il a notamment indiqué la généralisation de l’uniforme à l’école dès 2026 en cas de succès des tests dans les établissements volontaires et s’est dit « favorable à l’apprentissage de la Marseillaise à l’école primaire ». Comment accueillez-vous ces mesures en tant qu’organisation intervenant dans le domaine de l’éducation ?

Tout ceci est purement cosmétique. Il n’y a aucun projet pour l’école. La Marseillaise et le port de l’uniforme sont évidemment des symboles forts, mais le fait qu’un président de la République française les présentent comme des grandes réformes pour l’école en dit long sur la déliquescence de notre système éducatif. Ce sont des principes élémentaires qui relèvent tout au plus d’une circulaire du ministère de l’Éducation nationale. Cela ne constitue en rien une ligne directrice ou une vision précise d’avenir pour l’école de la République. Enfin ! Que nos enfants apprennent l’hymne national est une réforme ! Ce n’est pas la base de l’instruction publique que chaque enfant soit fier d’être français et chantent vaillamment la Marseillaise ?

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