Logo Epoch Times
Inéligibilité

Élections : un fichier national des citoyens frappés d’inéligibilité proposé par le Sénat

Le Sénat a franchi jeudi une étape décisive en validant à l'unanimité la création d'un registre centralisé des citoyens frappés d'inéligibilité. Cette initiative législative, portée par la sénatrice Sophie Briante Guillemont du groupe RDSE, répond à une faille béante du système électoral français : l'impossibilité actuelle de quantifier précisément le nombre de personnes interdites de candidature.

top-article-image

Mme Sophie BRIANTE GUILLEMONT, lors de la séance publique parlementaire du Sénat, au Palais du Luxembourg, dans l'hémicycle, à Paris, le 18 juin 2025.

Photo: AUGUSTIN PASQUINI/Hans Lucas/AFP via Getty Images

author-image
Partager un article

Durée de lecture: 3 Min.

« Le constat est sidérant : aucune administration ne peut affirmer aujourd’hui combien de Français sont inéligibles, ni établir leur identité avec certitude », a déclaré la parlementaire devant l’hémicycle. Cette proposition législative est désormais transmise à l’Assemblée nationale pour examen.

Quand un élu illustre les dysfonctionnements

L’urgence de cette réforme s’est imposée lors des élections législatives de 2024 dans le Jura. Un candidat estampillé Rassemblement national avait remporté son scrutin malgré un placement sous curatelle qui le rendait juridiquement inéligible. Cette anomalie administrative n’avait été détectée qu’après la proclamation des résultats.
« Cette aberration génère des dépenses considérables et ébranle la confiance démocratique », a martelé Sophie Briante Guillemont. Selon elle, ce futur dispositif garantira « une transparence administrative indispensable » tout en « consolidant la légitimité du processus électoral ».

Quatre catégories d’interdiction, un contrôle défaillant

Le droit français reconnaît quatre grandes familles d’inéligibilité. D’abord, les sanctions pénales prononcées par les tribunaux. Ensuite, les décisions des juges électoraux sanctionnant notamment les irrégularités dans les comptes de campagne. Viennent ensuite les restrictions liées à l’incapacité juridique, touchant les personnes sous tutelle ou curatelle. Enfin, les inéligibilités « fonctionnelles » destinées à prévenir les situations de conflit d’intérêts.
Les chiffres révélés par le rapport sénatorial donnent le vertige : rien qu’en 2024, pas moins de 16.000 sanctions d’inéligibilité et 65.000 mesures de protection juridique ont été prononcées sur le territoire national.

Un système de vérification au ralenti

La vérification préalable de l’éligibilité des candidats s’apparente aujourd’hui à un parcours d’obstacles. Les services électoraux doivent collecter manuellement une multitude de documents : extraits de casier judiciaire, actes de naissance mentionnant les mesures de protection… Un processus chronophage et incomplet.
Illustration frappante de cette lacune : lors des municipales de 2020, à peine 6% des 900.000 candidats en lice ont vu leur casier judiciaire effectivement contrôlé avant le scrutin.

Un fichier centralisé pour anticiper les annulations

Le répertoire envisagé serait alimenté en continu par l’ensemble des autorités compétentes : différents ministères, Conseil d’État, greffes des juridictions… Le ministère de l’Intérieur assurerait sa gestion et pourrait ainsi effectuer des vérifications automatiques lors du dépôt des candidatures. L’objectif : éviter les invalidations d’élections après coup, sources de troubles et de frais supplémentaires.
Marie-Pierre Vedrenne, ministre déléguée auprès du ministre de l’Intérieur, a reconnu « l’intérêt politique évident » du dispositif. Néanmoins, elle n’a pas accordé son soutien total au texte, pointant les « complexités techniques de déploiement » et l’impact budgétaire non négligeable pour les finances de l’État.

Une mise en œuvre progressive jusqu’en 2029

Conscients des obstacles logistiques et financiers, les sénateurs ont opté pour un calendrier étalé. Le texte prévoit une mise en application effective « au plus tard fin 2029 », laissant ainsi quatre années pour bâtir l’infrastructure nécessaire et coordonner les multiples sources de données.
Avec AFP