Opinion
Géothermie : la France à l’aube d’une révolution énergétique souterraine ?

Cette photo aérienne montre une centrale géothermique où a été installée une unité d'extraction directe de lithium par voie géothermique, à Rittershoffen, dans l'est de la France, le 28 mars 2025.
Photo: SEBASTIEN BOZON/AFP via Getty Images
La géothermie consiste à valoriser la chaleur naturelle du sous-sol sous forme d’électricité ou de chaleur. Elle émet peu ou pas de gaz à effet de serre et permet aussi de produire du froid lorsqu’elle est en surface. Énergie locale et inépuisable, disponible sans intermittence presque partout en France sur une emprise foncière en surface réduite, son coût d’investissement reste néanmoins élevé.
La géothermie ne représente actuellement que 1 % de la consommation de chaleur. Or la chaleur représente 43 % de la consommation d’énergie finale, selon le ministère de la Transition énergétique. C’est pourquoi elle connaît un regain d’intérêt en Europe pour décarboner la production de chaleur et de froid. En France, elle fait partie des axes du gouvernement pour réduire la dépendance du pays aux énergies fossiles, outre la relance du nucléaire et l’essor des autres énergies renouvelables, solaire et éolien.
Le gouvernement a lancé en février 2023 un « plan d’action » visant à quadrupler le rythme de déploiement des projets en géothermie profonde d’ici 2035, avec une production de 8 à 10 térawattheures (TWh) en 2035 contre 2,3 en 2021.
Une énergie bas carbone inépuisable, mais au coût d’investissement élevé
Il existe trois techniques : celle dite « de surface » permet de faire du chaud et du froid en utilisant la température du sous-sol à moins de 200 mètres de profondeur. Au-delà des cinq premiers mètres, elle est de l’ordre d’une dizaine de degrés et stable en toute saison. Suffisamment frais pour l’été, en hiver une pompe à chaleur permet de valoriser les calories du sous-sol.
La géothermie dite « profonde » consiste à aller chercher de l’eau chaude à 1000 ou 2000 mètres de profondeur, où la température de l’eau varie de 80 à 150 °C. Elle est pompée dans la nappe puis réinjectée dans le sous-sol.
La géothermie de haute énergie consiste à aller chercher de la vapeur à des températures supérieures à 150 °C dans les zones à volcanisme actif. Elle permet de produire de l’électricité mais n’est pas présente en France métropolitaine. En Guadeloupe, la centrale géothermique de Bouillante dispose d’une capacité de 15,5 mégawatt (MW). On en trouve en Islande, au Kenya ou au Japon.
La géothermie en Île-de-France
La géothermie profonde est particulièrement présente en Île-de-France, où l’aquifère du Dogger est l’un des plus exploités au monde avec 58 centrales. On la trouve aussi en Alsace et près de Bordeaux.
Le coefficient de performance (COP), rapport entre l’énergie produite et celle consommée pour faire fonctionner les pompes à chaleur géothermiques, est particulièrement élevé, au minimum de trois, c’est-à-dire que les centrales à géothermie produisent trois fois plus d’énergie qu’elles n’en consomment.
Ainsi, pour 1 kilowatt-heure (kWh) d’électricité, on a 3 kWh de chaleur, contre un pour un avec un radiateur électrique classique, explique David Coutelle, du bureau d’études en environnement Ginger Burgeap, également président de la commission géothermies du Syndicat des énergies renouvelables (SER).
« Le frein principal, c’est son coût à l’investissement », indique David Coutelle. « En revanche, c’est une solution économiquement maîtrisée en exploitation. » Selon lui, le coût d’un forage de géothermie profonde se compte « en dizaines de millions d’euros » et celui des campagnes de prospections en « centaines de milliers d’euros, voire en millions d’euros ».
Pour la prospection, un fonds de garantie a été créé en 1982 mais il concerne essentiellement l’Île-de-France. Enfin, la disponibilité des foreurs est « un vrai sujet mais pas le point de blocage majeur », selon David Coutelle.
Au total, un million de Français sont chauffés ou rafraîchis grâce à la géothermie de surface. Outre les collectivités ou les entreprises, la géothermie intéresse aussi les bailleurs sociaux car elle permet de lutter contre la précarité énergétique.
« L’effet du changement climatique fait qu’on aura besoin de rafraîchir des logements, des écoles, des Ehpad si on veut que les gens continuent d’y vivre », ajoute David Coutelle. « La géothermie permet de le faire de manière naturelle. »
Les projets de géothermie profonde s’accélèrent
Les demandes de permis de recherche en géothermie profonde ont doublé en 2023 en France, portant à six le nombre de ces projets d’un coût initial élevé mais rentables pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, selon des chiffres communiqués vendredi par le ministère de la Transition énergétique.
En déplacement près de Paris pour inaugurer la nouvelle centrale géothermique de Saint-Denis, destinée à alimenter les 14.000 athlètes du Village olympique en air frais puis à chauffer l’équivalent de 7500 logements, la ministre Agnès Pannier-Runacher avait salué cette « très nette hausse », y voyant « les premiers résultats concrets » du plan national d’action pour la géothermie lancé en février.
« C’est la première année où l’on a autant de demandes de permis », a ajouté auprès de l’AFP l’entourage de la ministre.
Outre des mesures pour étendre le plan d’action à l’Outre-mer (Martinique, Guadeloupe, Guyane, Mayotte, Réunion), la ministre a annoncé le lancement d’une stratégie à l’export pour la filière, surtout composée de PME pour qui « il est difficile de connaître les marchés dans le monde et d’oser candidater », selon son entourage.
La mission a été confiée à Geodeep, un groupe d’entreprises qui fait déjà la promotion des compétences françaises en géothermie à l’étranger.
De trop longues procédures administratives
Les projets impliquent un investissement initial important (pas moins d’un million d’euros), comme à Saint-Denis où l’installation, plongeant entre 1500 et 2000 mètres sous terre, a coûté 29 millions d’euros.
Ils comportent beaucoup d’incertitudes au départ et de longues procédures administratives, mais avec à la clé, un coût de production de la chaleur présenté comme très compétitif et faible en émissions de carbone.
Avec ses 7500 km de réseaux, l’Île-de-France se présente comme la championne mondiale de ce mode de chauffage depuis le premier forage de 1969 à Melun, au sud de Paris.
« Ici, c’est la capitale mondiale de la géothermie », a assuré Yann Wehrling, vice-président de la région Île-de-France chargé de la transition écologique, soulignant que la région, avec son « potentiel énorme », pourrait encore doubler le recours à cette énergie.
Pour la géothermie de surface, destinée aux particuliers ou aux immeubles, en couplage avec une pompe à chaleur, on passerait de 3,9 TWh en 2021 à 15 voire 18 TWh en 2035, selon les projections du gouvernement venant du document de la Stratégie Énergie Climat.
Géothermie et industrie : en France Stellantis avance, Renault renonce
Stellantis a inauguré en décembre 2024 une centrale géothermique dans son usine de Caen (Calvados), alors que Renault a renoncé à son projet de géothermie à Douai (Nord).
À Caen, où Stellantis fabrique des boîtes de vitesse, un investissement de 7 millions d’euros permettra de chauffer les ateliers et bâtiments tertiaires, soit 80.000 mètres carrés, tout en refroidissant d’autres installations.
Cette installation, l’une des premières de ce type sur un site industriel en France, doit permettre de réduire de 70 % la consommation de gaz du site, et de baisser de 75 % ses émissions de CO2.
Cette centrale géothermique, qui a reçu le soutien de l’Ademe et de fonds européens, compte trois kilomètres de tuyaux.
Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), la géothermie a un avenir radieux pour répondre aux besoins croissants en énergie de la planète et des industries, à condition que ses coûts baissent. Or, elle a encore un rôle très limité dans l’industrie, note l’AIE.
De nombreux constructeurs automobiles tentent de réduire au maximum l’empreinte environnementale de l’assemblage des véhicules. Si l’assemblage ne représente qu’une petite partie des émissions liées au véhicule (entre les matériaux qui le composent et son utilisation), ils ont un contrôle direct sur cette partie de son cycle de vie.
En Allemagne, Stellantis étudie également l’alimentation en géothermie de l’usine historique d’Opel à Rüsselsheim, où sont fabriquées la DS 4 et l’Opel Astra. Le constructeur a annoncé début 2023 un projet de récupération d’énergie auprès de la mine de lithium voisine de la start-up Vulcan Energy, qui a démarré en novembre.
Renault avait aussi prévu de se baser sur la géothermie avec Engie pour son usine de Douai (Nord), où il fabrique les R5 et Scenic. Le constructeur comptait y puiser de l’eau chaude (à 130-140 °C) à 4000 mètres de profondeur, pour chauffer l’usine et les machines et remplacer le gaz à 70 %, ou produire de l’électricité.
Mais le constructeur a indiqué début décembre avoir mis fin à ce projet, confirmant des informations de L’Informé. La performance énergétique qui avait été envisagée n’a pas été atteinte, selon une source au sein du constructeur. Celle-ci assure que des « alternatives » sont étudiées pour baisser ses émissions de CO2, alors que le constructeur a déjà des projets dans l’énergie photovoltaïque et la biomasse.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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