L’Europe doit être moins naïve alors que la Chine relance son opération de charme

Pékin courtise à nouveau l'UE alors que sa situation intérieure se détériore et que ses relations avec les États-Unis se dégradent

Par Peter Dahlin
24 février 2023 18:10 Mis à jour: 25 février 2023 09:57

La mi-février a marqué la reprise de ce qui était autrefois le dialogue bisannuel entre l’Union européenne (UE) et la Chine sur les droits de l’homme. La conférence de Munich sur la sécurité a également eu lieu du 17 au 19 février, et la Chine y a joué un rôle bien important.

Ce ne sont que deux des nombreuses occasions utilisées par l’État-parti chinois pour convaincre l’Union européenne et l’Europe entière qu’il change sa politique étrangère, qu’il cherche à établir des relations sino-européennes meilleures et plus stables, tout en prétendant de croire que l’UE peut et doit être une grande puissance à elle seule et qu’elle doit rompre ses liens avec l’Amérique. En fait, la délégation chinoise a passé la plupart de son temps à accuser les États-Unis de mettre en péril la sécurité européenne et à chercher à creuser un fossé entre Washington et Bruxelles – tout cela sous couvert du soutien de « l’autonomie stratégique » européenne.

Ce n’est pas la première fois que nous assistons à un tel changement drastique de la politique chinoise envers l’Europe.

La politique étrangère de la Chine semble dépendre de deux facteurs clés qui déterminent en grande partie sa politique envers l’Europe. Le premier facteur concerne le sentiment de sécurité du Parti communiste chinois (PCC) en Chine continentale, en ce qui concerne son emprise sur le pouvoir. Des manifestations, le ralentissement de l’économie chinoise, des problèmes du marché intérieur ou une énième erreur politique de Xi Jinping peuvent amener Pékin à adoucir le ton. Le deuxième facteur est international, surtout les relations avec les États-Unis. Lorsque les choses se gâtent avec l’Amérique et, dans une moindre mesure, avec le Japon ou l’Australie, le ton de la politique du régime à l’égard de l’Europe tend également à s’adoucir.

Bien entendu, cela ne signifie pas que sa politique réelle change, il s’agit plutôt de la manière dont elle est présentée. Il y a rarement beaucoup de changements, car la vision du monde par le PCC semble être gravée dans le marbre.

Ce n’est pas la première fois que nous assistons au passage de la politique agressive à la politique plus nuancée d’apaisement. Et il est peu probable que ce soit la dernière.

À l’heure actuelle, ces deux facteurs favorisent fortement l’apaisement et un ton amical de Pékin. Bien que nous devions aujourd’hui avoir suffisamment appris, je crains quand même, en tant qu’Européen, que nous devions poser cette question : l’UE se laissera-t-elle de nouveau prendre au piège ?

Sur le plan intérieur, l’économie chinoise est en difficulté – la fin de la politique du zéro Covid n’a pas donné le coup de pouce espéré par Pékin. La crise démographique n’est plus théorique, mais a un impact direct sur la croissance économique actuelle et future du pays. Les mesures draconiennes liées au Covid ont entraîné des manifestations contre le régime du PCC et Xi Jinping, le départ du pays de riches Chinois qui emportaient leur argent avec eux et l’augmentation rapide du nombre de demandeurs d’asile chinois à l’étranger – tout cela indique une situation intérieure bien difficile.

Sur le plan international, les choses ne vont pas beaucoup mieux. Récemment, les États-Unis ont pris l’initiative de s’opposer à la mise en place par Pékin sur le sol étranger des « postes de service » de police chinoise qui traquent et harcèlent les fugitifs provenant de la Chine. Les États-Unis ont également limité leur implication dans les affaires avec les sociétés chinoises appartenant ou liées à l’armée. De plus, l’Amérique est de plus en plus suivie par d’autres pays dans ces domaines et au-delà, ce qui constitue peut-être une menace encore plus grande pour le régime chinois.

L’influence du PCC dépend en grande partie de sa capacité à diviser et à opposer les pays occidentaux – bien que cela soit encore possible, il est de plus en plus difficile pour Pékin d’y parvenir. Pour aggraver les choses, la guerre économique quasi-totale menée par la Chine contre l’Australie s’est avérée être un grand échec, soulignant non seulement la faiblesse du régime, mais aussi le fait que même les relativement petits pays sont beaucoup moins vulnérables aux menaces chinoises que la plupart d’entre nous le pensaient. La Lituanie et la République tchèque ont pris des initiatives audacieuses qui ont contrarié fortement le PCC – des actions qui étaient impensables il y a seulement quelques années.

Milos Vystrcil, le président du Sénat tchèque (à g.), remet à Joseph Wu, ministre des Affaires étrangères de Taïwan, la médaille commémorative du Sénat du Parlement de la République tchèque, à Prague, le 27 octobre 2021. (Michal Cizek/AFP via Getty Images)

Dans ce contexte, il est facile de comprendre pourquoi la Chine tente à nouveau de courtiser l’Union européenne, son partenaire économique très important. Le régime annonce qu’il est « prêt à travailler » avec l’Union européenne pour mettre en œuvre l’accord global sur les investissements (AGI) entre l’UE et la Chine. Cet accord, négocié depuis 2013 et signé en urgence le 30 décembre 2020 sous la présidence tournante allemande de l’Union, avec le soutien appuyé d’Angela Merkel, a été suspendu depuis lors et attend toujours sa ratification.

Après avoir refusé de négocier avec l’UE dans le cadre du dialogue UE-Chine sur les droits de l’homme, le régime chinois se montre soudain ouvert, voire désireux, de le faire. Dans une interview accordée en février au journal Global Times, réputé d’être proche du pouvoir chinois, l’ambassadeur de Chine en France a parlé des perspectives de renforcement des relations entre l’UE et la Chine dans le contexte de la guerre russo-ukrainienne et de la question de Taïwan. On peut bien penser que diverses propositions, accords commerciaux et visites d’État sont discutés dans les coulisses.

Le dialogue entre l’UE et la Chine sur les droits de l’homme est un sujet très important. Non seulement il peut améliorer le traitement des prisonniers politiques en général, mais il peut et a déjà permis à plusieurs défenseurs des droits de l’homme en Chine d’être mieux traités. Sans aucun doute, certains d’entre eux ne seraient pas en vie aujourd’hui si ce dialogue n’existait pas. Je le sais de sources directes.

Il est vrai que l’utilité de ce dialogue a diminué depuis dix ans, car la Chine ressent moins le besoin de tenir compte des appels de qui que ce soit. Toutefois, il s’agit toujours de l’un des rares dialogues institutionnels ayant des résultats directs et positifs pour les défenseurs des droits de l’homme. En même temps, il est clair que le PCC utilise ce dialogue en tant qu’instrument dans le cadre de sa tentative de réengagement plus large avec l’UE – un réarrangement qui vise à surmonter les problèmes intérieurs et internationaux actuels de l’État-parti.

Comme auparavant, une fois que ces problèmes seront réglés, le ton du PCC changera à nouveau. Le Parti communiste reviendra, comme il le fait souvent, à essayer d’appliquer des traités inégaux : le AGI, étant un traité global, est un accord qu’aucun pays particulier n’aurait accepté de conclure en raison de sa nature inégale. Le régime chinois commencera aussi à proférer des menaces chaque fois que l’UE, ou un État membre de l’UE, envisagera de prendre une décision politique qui déplaît à Pékin. Bien sûr, tout cela n’est qu’une question de ton ; la Chine le fera de toute façon, mais peut-être à un rythme plus lent.

Tout apaisement et courtisanerie de la part de Pékin ne sont qu’un exercice de ton, et cet exercice sera abandonné une fois que Xi Jinping sentira qu’il a à nouveau suffisamment de contrôle. Et c’est l’UE, et par extension le monde libre, qui paiera le prix pour s’être laissé prendre à une ruse.

Espérons que cette fois l’Union européenne a des hommes politiques, des fonctionnaires et des conseillers moins crédules, moins ignorants et moins naïfs qu’au cours de la dernière décennie.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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