L’immigration clandestine nourrit le travail illégal qui se multiplie en France

Par Sarita Modmesaïb
23 novembre 2023 22:10 Mis à jour: 23 novembre 2023 22:10

L’emploi de migrants clandestins par des filières criminelles se multiplie en France, facilité par les failles d’une administration des travailleurs étrangers.

Plusieurs cas ont récemment fait la une des médias, notamment en cette période récente de vendanges qui nécessitent une main-d’œuvre nombreuse et peu qualifiée.

Aussi se souvient-on peut-être de la découverte par les gendarmes d’une cinquantaine de travailleurs clandestins étrangers entassés dans un immeuble au sud-est de Reims afin d’y effectuer les vendanges dans des conditions indignes. Ces hommes, originaires du Mali, du Sénégal, de la Gambie ou encore de la Mauritanie,  avaient été « recrutés » porte de la Chapelle au nord de Paris et acheminés en bus vers la capitale du champagne.

Dans la même région et en cette même période des vendanges, à Mourmelon-le-Petit, 160 Ukrainiens clandestins étaient aussi exploités afin de cueillir le précieux raisin.

En France, les réseaux criminels qui exploitent la misère des sans-papiers prend une ampleur inquiétante. Selon une enquête menée par Le Figaro, ce sont 13.834 affaires qui ont été répertoriées par les gendarmes de l’Office central de lutte contre le travail illégal (OCLTI) l’an dernier sur tout le territoire, dont 4491 sont liées à l’emploi d’étrangers sans titre de séjour et 162 à la traite des êtres humains.

Outre les zones agricoles, l’exploitation des sans-papiers touche bien sûr les zones urbaines, gangrénant les filières des services comme de la production.

« Outre les métiers de l’agriculture, le phénomène du travail illégal percute de plein fouet les secteurs de l’hôtellerie-restauration, du bâtiment et des travaux publics, du gardiennage et de la sécurité privée, de l’entretien ou encore des ménages, note le général José-Manuel Montull, chef de l’OCLTI. Le phénomène est surtout constaté en zone urbaine, où les classes populaires sont de moins en moins présentes alors qu’y subsistent des besoins de main-d’œuvre sous qualifiée et peu rémunérée. »

Le Figaro décrit ainsi comment les dirigeants d’une société de nettoyage ont été condamnés, dont une femme, à dix-huit mois d’emprisonnement et  275.000 euros d’amendes, 198.000 euros ayant été saisis sur des comptes. Cette société exploitait une quinzaine d’Ukrainiens qui se tuaient à la tâche, multipliant les ménages dans des locations.

Une plateforme de gestion de la main-d’œuvre étrangère aux failles béantes

Ces réseaux criminels semblent tirer profit d’une faille existant au sein de la récente plateforme numérique mise en place en avril 2021 dans le cadre de la réforme de l’immigration professionnelle. Cette plateforme nationale est sensée simplifier les procédures de demande d’autorisation de travail et mieux maîtriser les flux de l’immigration professionnelle vers les métiers qui ont des difficultés de recrutement, en s’appuyant notamment sur une liste des métiers en tension actualisée, lit-on par exemple sur le site de la préfecture de Nouvelle-Aquitaine.

Seulement, ces filières criminelles ont pu contourner cet outil en usurpant, entre autres, les numéros d’identité SIRET d’employeurs pour délivrer de faux contrats de travail aux migrants clandestins. De la main-d’œuvre bon marché est ainsi recrutée directement dans le pays d’origine, moyennant une somme faramineuse de « 5000 à 15.000 euros », confie un enquêteur au Figaro, concernant des filières marocaines. « Une partie de la somme est versée tout de suite et le reste de la dette est remboursé une fois arrivée en France, quitte à ce qu’ils finissent de payer jusqu’au dernier centime en travaillant à la plonge dans l’arrière-cuisine d’un restaurant ou comme commis chez un boucher hallal ».

À cela, vient s’ajouter la main des syndicats qui, sous réserve de se syndiquer, orientent les migrants clandestins vers des dispositions leur permettant de demeurer sur le territoire, comme par exemple, le fait de déposer plainte ou de témoigner comme victime dans une affaire de traite d’être humain. Cette action leur permet ainsi d’obtenir un visa temporaire de séjour portant la mention «vie privée et familiale» d’une durée d’un an renouvelable, rapporte Le Figaro.

Des fraudes favorisées aussi par des métiers en tension

Dans le dernier plan national de lutte contre le travail illégal «2023-2027» publié en mai dernier, les auteurs alertent donc sur les fraudes détectées sur ces plateformes numériques, « caractérisées non seulement par des situations de recours à des faux statuts mais également d’emploi de travailleurs étrangers sans titre de travail, de sous-traitance en cascade et des conditions de travail très dégradées, voire indignes ».

Il faut pourtant noter que, dans le cas du travail saisonnier et, notamment, des vendanges, les besoins n’étant pas suffisamment assurés par des travailleurs français, les employeurs se tournent vers une main-d’œuvre étrangère, acheminée parfois légalement sur le territoire français. L’exemple de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) ayant fait venir 900 travailleurs marocains en Corse en octobre 2020 afin de « sauver les récoltes » de clémentines est révélateur.

Afin de lutter contre ces fraudes entraînant l’exploitation de personnes et la traite d’êtres humains, l’OCLTI, créé en 2015, est doté d’une quarantaine de gendarmes ainsi que de centaines d’enquêteurs déployés sur tout le territoire. Les enquêtes émanent principalement de signalements provenant de la Caisse primaire d’assurance maladie, de Pôle emploi ou encore de l’Inspection du travail.

Travaillant actuellement sur une cinquantaine d’affaires, les gendarmes de l’OCLTI ont relevé l’an dernier pas moins de 121 millions d’euros de fraudes liées au travail dissimulé.

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