L’Italie se détourne du régime communiste chinois

Par Pingping Yu
14 juin 2021 21:03 Mis à jour: 26 juin 2021 17:03

Le 7 juin, une nouvelle sur divers sites populaires chinois affirmait que, lors d’une interview, le Premier ministre italien Mario Draghi avait admis que la pandémie du Covid-19 provenait d’Italie. Les articles chinois annonçaient que l’Italie avait confondu l’épidémie du Covid-19 qui avait émergé à Milan, à Gênes et à Venise au cours de l’été 2019 avec la grippe.

Captures d’écran des articles de médias chinois affirmant que le Covid-19 provient de l’Italie. (Captures d’écran/Epoch Times)

Cette information a été rapidement dénoncée comme une fausse nouvelle. L’ambassade d’Italie à Pékin a publié le même jour une déclaration soulignant que « l’ambassade d’Italie insiste fermement sur le fait que le contenu de l’article concernant les remarques du Premier ministre est un mensonge complet et que cette information n’a aucun fondement ».

Cela s’est produit peu après le veto imposé par l’Italie à la récente tentative de rachat par Pékin de la société LPE, un fabricant de semi-conducteurs basé à Milan.

Il n’y a aucun moyen de savoir si la fake news sur les origines du Covid-19 est parue en représailles de Pékin pour ce rachat avorté, mais cela n’a certainement pas apaisé les tensions qui montent entre les deux pays.

Avis d’expert : 5 raisons pour lesquelles l’Italie refroidit ses relations avec la Chine

L’arrêt par l’Italie de l’acquisition chinoise a marqué un important changement de cap de ce pays européen qui avait auparavant développé une relation étroite avec le régime de Pékin.

En 2019, l’Italie, sous la direction de l’ancien Premier ministre Giuseppe Conte, est devenue le premier pays du G7 à adhérer, contre l’avis d’autres membres de ce groupe, à la « Belt and Road Initiative – BRI », souvent qualifiée de « nouvelle route de la soie » – un titanesque programme d’investissement chinois visant à renforcer l’influence géopolitique de Pékin.

En 2020, lorsque la pandémie a éclaté, l’Italie a été le pays le plus touché d’Europe. En mars 2020, la Chine lui a fait un don de 31 tonnes d’équipements de protection individuelle et de kits de dépistage du virus et a envoyé dans le pays une dizaine d’experts médicaux.

Au cours des dernières décennies, l’Italie a également été l’un des membres de l’UE les plus pro-chinois. En 2019 et 2000, l’Italie a reçu 15,9 milliards d’euros d’investissements chinois, ce qui en fait le troisième plus grand bénéficiaire d’Europe. Lors des récents troubles financiers, on a vu de nombreuses sociétés basées en Chine acquérir les entreprises italiennes. En 2020, plus de 400 groupes chinois détenaient des participations dans 760 entreprises italiennes situées dans des « secteurs hautement rentables ou stratégiques ».

L’une des acquisitions les plus connues a été celle du rachat pour 740 millions d’euros du club de football AC Milan – le club qui a été précédemment détenu par l’ancien Premier ministre Silvio Berlusconi.

Vue aérienne de la ville italienne de Trieste dont le port fait partie des plans de Pékin dans le cadre de son programme de la BRI. (Alberto Pizzoli/AFP/Getty Images)

Cependant, le changement de la politique italienne envers l’État-parti chinois n’a pas surpris les experts comme, par exemple, Cheng Chin-mo – directeur au département de la Diplomatie et des Relations internationales de l’université Tamkang à Taïwan. « Cela reflète le déroulement des démarches diplomatiques chinoises en Europe », a-t-il expliqué à Epoch Times. « Il y a cinq raisons pour lesquelles cela ne pouvait que se produire. »

Bien que la stratégie chinoise de la « diplomatie des masques » ait permis d’atténuer certaines pénuries immédiates d’approvisionnement pour l’Italie, le pays ne peut pas oublier la dissimulation par la Chine pendant plusieurs mois de l’émergence du Covid-19 à Wuhan et de sa transmission interhumaine. Les Italiens ont eu quatre millions d’infections et près de 127 000 décès causés par le virus du Parti communiste chinois (PCC). La pandémie a été dévastatrice pour l’économie italienne déjà en difficulté, provoquant, en 2020, une contraction de l’économie de près de 11 % et une baisse de 13 % du revenu par habitant. Les masques faciaux gratuits ne suffisent pas à dissiper les nuages, a souligné M. Cheng.

Deuxièmement, au cours de la dernière décennie, la Chine s’est fait une mauvaise réputation en matière d’éthique et de conduite des affaires, a poursuivi l’expert taïwanais, ajoutant que les sociétés et les investisseurs chinois sont connus pour violer les réglementations et les accords, ce qui perturbe énormément les Européens qui apprécient l’intégrité.

« L’argent chinois a été accueilli avec enthousiasme en Italie lorsque le protocole d’accord de la BRI a été signé en 2019. Mais le pays n’a depuis trouvé aucun avantage matériel à cette collaboration », a-t-il ajouté. « Au contraire, certaines entreprises italiennes centenaires ont vu leurs problèmes s’aggraver ou ont même fait faillite après avoir commencé à s’associer avec la Chine. »

Troisièmement, la « diplomatie des loups guerriers » de la Chine a rebuté ses nombreux anciens sympathisants, a indiqué M. Cheng. En réponse aux sanctions prises par l’UE en mars à cause du génocide des Ouïghours du Xinjiang par le régime chinois, son ministère des Affaires étrangères a déclaré que ces sanctions n’étaient fondées que sur « des mensonges et de la désinformation ». Le ministère a demandé à Bruxelles de « réfléchir sur elle-même, de faire face à la gravité de son erreur » et de cesser « d’interférer dans les affaires intérieures [de la Chine] ».

La position politique de Mario Draghi est le quatrième facteur. Il a une attitude très amicale envers les États-Unis et l’UE et il a décrit sa politique étrangère comme « fortement pro-européenne et atlantiste, en accord avec les ancrages historiques de l’Italie ». Élu Premier ministre en février dernier, Mario Draghi, contrairement à son prédécesseur, s’est montré déterminé à rechercher une alliance avec les États-Unis et les autres pays de l’Occident. Peu après sa nomination, il a également réaffirmé l’appartenance de Rome à l’OTAN. Le veto opposé à l’accord de l’acquisition de LPE est considéré comme un signal de la volonté de la nouvelle administration d’endiguer l’influence politique et économique de Pékin en Italie, a noté M. Cheng.

De plus, il a également évoqué le facteur de l’environnement mondial, qui se retourne contre le régime chinois. Les efforts internationaux visant à freiner l’expansion mondiale de la Chine communiste et ses violations des droits de l’homme, ainsi que l’enquête sur son rôle dans l’apparition et la propagation de la pandémie, ont encouragé les membres du G7 à parler ouvertement et à agir contre les atrocités du PCC – ce que ces pays avaient évité pendant de nombreuses années par crainte de nuire à leurs relations commerciales avec Pékin. En même temps, les pays de l’Europe se méfient de plus en plus de la menace que le PCC représente pour leur sécurité nationale après que les instruments d’infiltration de l’État-parti, tels que Huawei et les instituts Confucius, ont été exposés.

L’Italie est toujours influencée par la propagande du PCC

Toutefois, l’attitude des gens envers le régime chinois pourrait mettre un certain temps à changer, vu que de nombreux médias italiens ont fréquemment diffusé des reportages favorables à ce régime tandis que la mentalité de leurs journalistes a été bien influencée par la propagande du PCC. Francesco Galietti, membre du groupe d’experts Policy Sonar basé à Rome, a expliqué au site Breitbart que « les Chinois ont infiltré à 100 % les médias italiens ».

Le site a révélé qu’une série de vidéos en italien consacrée aux « citations classiques de Xi Jinping », produite par la société d’État chinoise China Media Group, avait été diffusée sur la chaîne italienne Mediaset et sur la plateforme chinoise de Cinitalia.

« L’Agence nationale de presse associée (ANSA), l’équivalent italien de l’Associated Press ou de l’Agence France Presse, publiait jusqu’à 50 articles par jour en italien qui provenaient de l’agence de presse Xinhua – l’agence de presse officielle du Parti communiste chinois. Là encore, l’ANSA n’a pas révélé à ses lecteurs que le gouvernement chinois dirige et approuve tout le contenu de Xinhua », peut-on lire dans l’article de Breitbart.

Le panneau d’affichage électronique loué par Xinhua, l’agence de presse du régime chinois, à Times Square à New York, le 1er août 2011 (Stan Honda/AFP via Getty Images)

Depuis 2019, le journal italien Il Giornale publie régulièrement de la propagande du PCC. Un article publié en mai dans ce journal faisant écho à la ligne du PCC en suggérant que les rapports sur le génocide du peuple ouïghour par le régime n’étaient qu’une simple « manipulation médiatique des événements » destinée à utiliser les « préoccupations en matière de droits de l’homme » dans le but de réaliser le programme de politique étrangère de l’Amérique.

L’article de Breitbart note également qu’un magazine publié par Cinitalia « reconnaît ouvertement qu’il crée son contenu italien en association avec l’ambassade de Chine en Italie ».

Il Giornale appartient à l’ancien Premier ministre Silvio Berlusconi, qui a critiqué le PCC jusqu’à ce qu’il vende, en 2017, le club de football AC Milan à des investisseurs chinois à cause de problèmes financiers. Depuis lors, les articles liés à la Chine de ce journal ressemblent beaucoup à la propagande du PCC.

Nouvelle ère dans les relations entre l’UE et la Chine

Les membres de l’UE, y compris l’Italie et la Hongrie, commencent à s’opposer à la coercition du PCC, tant sur le plan économique que politique.

L’UE a condamné les violations des droits de l’homme par le régime chinois lors d’une conférence organisée au début de l’année et, en février, la France a envoyé un navire de guerre et un sous-marin en mer de Chine méridionale pour assurer la « liberté de navigation ».

Le 22 mai, Gabrielius Landsbergis, le ministre lituanien des Affaires étrangères, a déclaré que ce pays balte ne se considère plus comme faisant partie de la plateforme « 17+1 » de Pékin, – une plateforme qui regroupe les États membres de l’UE et 5 pays des Balkans. Il a expliqué que la plateforme chinoise était un « facteur de division » pour l’UE et a appelé les membres de l’UE à poursuivre, dans leurs relations avec la Chine, « une approche 27+1 qui est beaucoup plus efficace ».

Le Premier ministre hongrois Viktor Orban, qui aurait noué des relations chaleureuses avec le régime chinois, notamment par le biais d’importants projets communs, et qui a bloqué à plusieurs reprises cette année les déclarations de l’UE dénonçant les violations des droits de l’homme par ce régime, a interrompu la réalisation du projet commun avec l’université chinoise de Fudan qui a rencontré une opposition de masse. Son gouvernement a annoncé que ce projet sera soumis à un référendum populaire.

Pingping Yu est journaliste, analyste et traductrice à Epoch Times depuis 2007. Elle couvre de nombreux sujets liés à la Chine en mettant l’accent sur des questions des droits de l’homme et des problèmes économiques.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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