Opinion
Marc Touati : « Le gouvernement nous propose des petites mesures, alors que le contexte actuel justifie une réforme structurelle »

Photo: Crédit photo Marc Touati
ENTRETIEN – François Bayrou a présenté la semaine dernière les grandes orientations du budget 2026. Objectif : réduire de 43,8 milliards d’euros le déficit. Autrement dit, le faire passer de 5,8 % du PIB en 2024 à 4,6 % en 2026. Le Premier ministre prévoit entre autres la suppression de deux jours fériés, le gel de certaines dépenses sociales, un effort de 5 milliards d’euros d’économies sur la santé et la mise en place d’une « contribution de solidarité » pour les hauts revenus.
Marc Touati est président du cabinet ACDEFI et conseiller économique auprès d’eToro. Le gouvernement est très loin du compte en termes de mesures pour réduire le déficit, estime l’économiste qui préconise une « thérapie de choc bienveillante ».
Epoch Times : Marc Touati, quel regard portez-vous sur les annonces de François Bayrou ? Marquent-elles une rupture avec les discours prononcés jusqu’à présent sur les textes de loi budgétaires ?
Marc Touati : Malheureusement non. François Bayrou est conscient de la situation et fait un bon constat, mais en matière de solutions, nous sommes encore très loin du compte. Le gouvernement nous propose des petites mesures, du saupoudrage alors que le contexte actuel justifie une réforme structurelle de la puissance publique. Rien n’a été dit sur la réduction des dépenses publiques. Elles vont, dans le meilleur des cas, augmenter de 30 milliards l’année prochaine !
Idem sur les dépenses de fonctionnement de la puissance publique qui ont augmenté de 95 milliards d’euros depuis 2021, soit une hausse de 21 %.
Et François Bayrou n’a d’ailleurs pas tenu sa promesse en termes de fiscalité, puisque les impôts vont également augmenter…
Ce budget n’est pas sérieux en réalité. Le Premier ministre aurait pu présenter un projet ambitieux et courageux quitte à être censuré. Mais il ne l’a pas fait et a choisi, tout en posant le bon diagnostic, de ne pas changer de logiciel.
Je pense que seules d’autres élections et l’arrivée d’une nouvelle majorité solide à l’Assemblée changerait la donne. Il est temps que cela change : la France est dans une situation dramatique. Aux yeux de nos partenaires européens, nous ne sommes plus crédibles.
Par ailleurs, je pense que d’ici le mois de septembre, nous allons rentrer dans une crise politique, financière, économique et sociale. Après tout, peut-être que nous devons en passer par là pour que des mesures fortes soient prises.
Que pensez-vous de la suppression des deux jours fériés ?
C’est encore une fois révélateur du manque d’ambition du gouvernement. On a une charge d’intérêts de la dette qui explose et une note financière qui peut être dégradée à tout moment, mais François Bayrou préfère lancer un débat sur la suppression de deux jours fériés. Cela n’a pas de sens !
Comment voyez-vous le gel des pensions de retraite et la suppression de l’abattement fiscal de 10 % des retraités qui est remplacé par un forfait de 2000 euros ?
Le gouvernement prend les retraités pour des « vaches à lait » parce qu’il sait qu’ils n’iront pas manifester leur mécontentement dans la rue.
Mais il commet là une erreur d’analyse. Les retraités ne sont pas nécessairement fortunés. La plupart sont soit modestes, soit un peu plus aisés, sans être pour autant milliardaires. Et très souvent, ils aident leurs enfants et petits-enfants. Trois générations vont donc être impactées par la politique de François Bayrou.
Encore une fois, ce n’est pas aux Français de se serrer la ceinture, mais à la puissance publique. Mais pour l’heure, on ne cesse d’alimenter le mille-feuille administratif et les dépenses de fonctionnement.
Le non-remplacement de 3000 départs à la retraite de fonctionnaires annoncé par le Premier ministre relève d’une plaisanterie. Il y a 6,1 millions de fonctionnaires en France !
Des mesures drastiques doivent être prises c’est-à-dire une réduction des dépenses publiques mêlée à une baisse inédite des impôts. Autrement dit, c’est ce que j’appelle une thérapie de choc bienveillante.
Malheureusement, le manque de culture économique alimenté par certains responsables politiques, les médias et l’Éducation nationale rend les discours de vérité et les solutions qui vont avec presque inaudibles.
Parlons des annonces concernant les dépenses de santé. N’avez-vous pas le sentiment que le Premier ministre a brisé certains tabous et présenté des mesures fortes avec la « dérive » autour des arrêts-maladie, le doublement des plafonds des franchises médicales sur le médicament et la fin du remboursement à 100 % des médicaments sans lien avec l’affection longue durée ?
Ces annonces vont dans le bon sens, mais je ne crois pas qu’elles soient suffisantes pour économiser plus de 40 milliards d’euros.
La manière dont les dépenses de santé sont réalisées doit être complètement repensée. Finalement, dans toutes ces orientations budgétaires qui ont été présentées, il manque l’essentiel : un cadrage macroéconomique.
Aucune prévision de croissance, de taux de chômage, de taux d’intérêt n’a été réalisée. Comment voulez-vous faire baisser le déficit dans ces conditions ? Le gouvernement doit entièrement revoir sa copie.
Vous pouvez également retrouver les chroniques vidéos de Marc Touati sur sa chaîne YouTube, qui compte plus de 230.000 abonnés.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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