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Mark Twain, maître de l’humour jusqu’à ses derniers jours : les secrets d’un vieillissement réussi

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Dans son discours d'anniversaire, Mark Twain a souhaité à ses amis un cœur heureux lorsqu'ils atteindraient son âge, leur conseillant de ne pas se comparer aux autres.

Photo: Bibliothèque du Congrès

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Durée de lecture: 12 Min.

Le 5 décembre 1905, 170 amis et écrivains se sont réunis chez Delmonico à Manhattan pour célébrer les 70 ans de Mark Twain. Le président Theodore Roosevelt a envoyé un télégramme de félicitations et d’éloges, la presse a relayé l’événement dans les journaux et des gens de tout le pays ont salué Mark Twain comme le plus grand humoriste et conteur des États-Unis.
Mais ce n’est pas cet événement fastueux qui est resté gravé dans les mémoires, mais plutôt le discours de Mark Twain à son auditoire ce soir-là. Il était dans une forme remarquablement joyeuse, évoquant « l’époque de la vie où l’on atteint une dignité nouvelle et terrible », provoquant des éclats de rire dans l’assistance. Ce discours regorge de sagesse sur le fait de vieillir, parfois implicite, qui pourrait être utile à certains d’entre nous aujourd’hui.

Les invités se sont réunis au dîner d’anniversaire de Mark Twain chez Delmonico’s, à New York, le 5 décembre 1905. (Bibliothèque du Congrès)

Les habitudes de Mark Twain
« J’ai atteint mes 70 ans de la manière habituelle : en m’en tenant strictement à un mode de vie qui tuerait n’importe qui d’autre », avait déclaré Mark Twain ce soir-là. Il avait souligné que, dans les récits des « vieux bavards », on découvre toujours que les habitudes qui les ont préservés nous auraient ruinés » et que « l’on ne peut pas atteindre la vieillesse par le chemin d’un autre ».
Il a développé ensuite les habitudes qu’il pratiquait, tout en admettant qu’elles pourraient être nocives pour d’autres, en commençant par sa routine de sommeil : « Depuis mes quarante ans, j’ai été régulier pour ce qui est d’aller me coucher et de me lever – et c’est l’un des éléments essentiels. Je me suis fixé comme règle d’aller me coucher lorsqu’il n’y avait plus personne avec qui veiller ; et comme règle de me lever quand je n’avais pas d’autre choix. Cela a donné lieu à une régularité inébranlable dans l’irrégularité. Cela m’a maintenu en bonne santé, mais cela nuirait à tout autre. »

Certaines habitudes quotidiennes de Mark Twain étaient peu conventionnelles, mais il encourageait ses lecteurs à trouver le mode de vie qui leur convenait le mieux. (Bibliothèque du Congrès)

À propos de l’alimentation, il a déclaré : « Depuis trente ans, je prends du café et du pain à huit heures du matin, et je ne mange ni ne dîne avant 19h30 du soir. » Quant à l’alcool, il a affirmé qu’il pouvait en prendre ou en laisser : « Je n’ai aucune règle à ce sujet. Quand les autres boivent, j’aime m’y joindre, sinon je reste sobre, par habitude et par préférence. »
Sa consommation de cigares, à laquelle il accordait une attention particulière, choquerait aujourd’hui nombre de personnes soucieuses de leur santé, jeunes ou vieux. « Je me suis donné pour règle de ne jamais fumer plus d’un cigare à la fois […] j’ai toujours eu pour règle de ne jamais fumer pendant mon sommeil et de ne jamais m’abstenir à l’éveil. » Et d’ajouter : « J’admets ici que j’ai arrêté de fumer de temps en temps, pendant quelques mois de suite, mais ce n’était pas par principe, c’était seulement pour me mettre en valeur. C’était pour pulvériser ces critiques qui disaient que j’étais esclave de mes habitudes et que je ne pouvais pas briser mes liens. »
Quant à l’exercice, il préférait s’en passer. « Je n’ai jamais fait d’exercice, sauf pour dormir et me reposer, et je n’ai pas l’intention d’en faire. L’exercice est détestable. Il ne peut être d’aucune utilité quand on est fatigué ; et j’étais toujours fatigué. Mais qu’un autre essaie ma méthode et on verra bien ce qu’il en tirera. »

Mark Twain au lit en 1906. Il affirmait avoir des horaires de sommeil irréguliers, ne se couchant que lorsqu’il n’avait plus personne à qui parler et ne se levant qu’en cas de nécessité. (Bibliothèque du Congrès)

Suivez votre propre chemin
En tout début de son discours, Mark Twain revient sur un point essentiel : « Je souhaite maintenant répéter et souligner cette maxime : on ne peut atteindre la vieillesse par le chemin d’un autre. »
Lorsque nous, qui avons vieilli, nous comparons, favorablement ou défavorablement, à nos contemporains… « Il est en bien meilleure forme que moi. » « Je suis content de ne pas avoir besoin d’un déambulateur ! » « Comment fait-elle pour boire une bouteille de vin tous les soirs ! » – il nous faut penser à la maxime de Mark Twain. Il avait compris que le vieillissement, tout comme la vie elle-même, est une combinaison inexplicable de chance, de gènes et d’habitudes, et que ce qui est bon pour l’un peut être néfaste pour l’autre.
La perspicacité de Mark Twain est particulièrement importante à l’ère des réseaux sociaux. Le grand-père aimé lisant les nouvelles d’une personne de 80 ans qui court des marathons voit son estime de soi s’amenuiser, ignorant que ce vieillard, qui engloutit les kilomètres, a depuis longtemps perdu l’affection de ses enfants. La femme âgée de 75 ans qui en a passé 40 à travailler dans un service de maternité voit sur Facebook une personne de son âge qui paraît 30 ans de moins et ressent une pointe d’envie, oubliant qu’elle a réussi dans la vie en aidant à mettre au monde des milliers de bébés.
Évitons les comparaisons et nous serons plus heureux.
Le rire est la meilleure des vitamines
À 89 ans, Betty White, une personnalité appréciée du cinéma et de la télévision, écrivait à propos du fait de vieillir : « Si l’on n’a pas le sens de l’humour, on est en danger. »
Lorsqu’il se tenait devant ses admirateurs pour célébrer son 70e anniversaire, Mark Twain avait déjà connu des difficultés financières et la mort de plusieurs proches, dont sa fille Susy qu’il adorait, et sa femme Olivia, dont il écrivait : « Je suis un homme sans patrie. Où que se trouvait Livy, c’était ma patrie. » Le cynisme amer de ses dernières années à l’égard de l’Amérique, de la religion et de ses semblables reflétait ces tragédies et sa profonde tristesse.
Pourtant, comme le montre son discours à Delmonico, son sens de l’humour et son goût de l’absurde ne l’ont jamais quitté. Son aptitude à rire, souvent dirigée contre lui-même, l’a soutenu dans sa vieillesse.
L’humoriste Phyllis Diller a fait des blagues sur la vieillesse pendant une partie de son spectacle. « On sait qu’on est vieux quand on nous complimente sur nos chaussures en alligator et qu’on est pieds nus. » « Je suis à un âge où mon dos me fait plus souvent défaut que moi-même » et « j’ai tellement de taches brunes que je devrais m’accompagner d’oignons » : autant de plaisanteries qui se moquaient des douleurs qui nous frappent tous avec l’usure de la machine.
Comme le disait Mark Twain, « l’âge est une question de mentalité. Si ça ne vous dérange pas, ça n’a pas d’importance. »
Une bonne dose d’humour nous aide à ne pas nous en soucier.

Mark Twain voyageant en calèche avec des amis, vers 1865. (Fotosearch/Getty Images)

Ce qui n’était que problèmes devient broutilles
À la fin de son discours, l’auteur a exprimé des réflexions plus sérieuses. Selon un journaliste, « les derniers mots ont été prononcés d’une voix tremblante d’émotion », reflétant son changement d’humeur.
« Votre invitation m’honore et me réjouit, car vous me gardez toujours présent à votre mémoire. Mais j’ai 70 ans… 70 ans, et je voudrais me blottir au coin du feu, fumer ma pipe, lire mon livre et me reposer, vous souhaitant le meilleur et toute mon affection, et que, lorsque vous reviendrez au quai n° 70, vous puissiez embarquer sur votre navire l’esprit réconcilié et mettre le cap vers le soleil couchant, le cœur satisfait. »
Pour les lecteurs qui s’interrogent sur sa pipe, sachez que Mark Twain appréciait les pipes en épis de maïs autant que ses cigares, mais ce qui nous frappe ici, c’est la vision de la paix qu’il avait : se blottir au coin du feu et trouver le repos, un esprit de réconciliation et « un cœur satisfait ».

Mark Twain dans la bibliothèque de Stormfield, sa maison de Redding, dans le Connecticut, en 1909. (Paul Thompson/FPG/Hulton Archive/Getty Images)

Aujourd’hui, la plupart d’entre nous n’imaginent pas être assis au coin du feu, mais nous pourrions bien constater que toutes ces angoisses qui nous assaillaient autrefois – les examens scolaires, les enfants qui nous tracassent, les problèmes au travail – ont désormais perdu de leur importance, comme si elles étaient observées par le mauvais bout d’une lorgnette.
Ici, les différences entre « être parents » et « être grands-parents » offrent une analogie intéressante. Le bon parent s’inquiète constamment de faire ce qu’il faut pour son enfant de 3 ans ; le bon grand-parent tire plaisir et joie de ce même bambin.
Le crépuscule
C’est peut-être dans ce changement de perspective que réside la légendaire sagesse de la vieillesse, dans la prise de conscience que peu de choses comptent vraiment dans la vie. Les années passées ressemblent désormais à des incendies qui ont lentement consumé le superflu, l’importance surfaite du pouvoir, de l’argent et de la plupart des nouvelles quotidiennes, ainsi que le poids des doutes et des peurs inutiles. Ne restent que les vérités purifiées de ce qui compte vraiment, comme l’amour, l’honneur et l’amitié.
Le « soleil couchant » de Mark Twain finira par s’évanouir dans l’obscurité. Toutefois, en attendant, pour ceux qui savent appréhender ce crépuscule qui s’approche, il offre une belle lumière.
Jeff Minick, auteur, a quatre enfants et un nombre croissant de petits-enfants. Pendant 20 ans, il a enseigné l’histoire, la littérature et le latin en cours à domicile à Asheville, en Caroline du Nord. Aujourd’hui, il vit et écrit à Front Royal, en Virginie, aux États-Unis.

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