Maroc : la militante féministe Ibtissame Lachgar condamnée à 30 mois de prison pour blasphème

Des militantes féministes internationalistes manifestent pour la libération de l’activiste marocaine Ibtissame Lachgar, à Paris le 15 août 2025.
Photo: Henrique Campos / Hans Lucas / AFP via Getty Images
Un tribunal marocain a condamné mercredi la militante féministe Ibtissame Lachgar à 30 mois de prison ferme pour « atteinte à l’islam ». Connue pour son engagement en faveur des libertés individuelles, elle était poursuivie pour avoir diffusé, fin juillet, une photo d’elle portant un t-shirt où figuraient le mot « Allah » (« Dieu ») suivi de la mention « is lesbian » (« est lesbienne »), message considéré comme « offensant envers Dieu » par la justice marocaine.
« Un slogan féministe contre les idéologies sexistes et les violences faites aux femmes »
Lors de l’audience devant le tribunal de Rabat, Ibtissame Lachgar a expliqué que ce t-shirt reprenait « un slogan féministe contre les idéologies sexistes et les violences faites aux femmes […] et n’a aucun rapport avec l’islam ». Elle a précisé avoir déjà publié cette photo en mai 2025 sans susciter de réactions, et porter ce t-shirt uniquement lors de manifestations féministes à l’étranger.
Le tribunal l’a condamnée à 30 mois de prison ferme et 50 000 dirhams (environ 5 000 euros) d’amende. Son avocat, Me Mohamed Khattab, a indiqué vouloir faire appel et s’est déclaré préoccupé par l’état psychique de sa cliente, détenue depuis le 12 août à la prison d’El Arjat, près de Rabat. L’avocat entend également déposer une requête pour solliciter une peine alternative, possibilité offerte par la nouvelle législation marocaine.
Préoccupations sur son état de santé
La situation de santé d’Ibtissame Lachgar est particulièrement préoccupante : elle suit un traitement contre le cancer et doit subir une opération chirurgicale urgente à son bras gauche, selon ses médecins. Le verdict a provoqué l’émotion de sa famille et de ses proches devant le tribunal.
Hakim Sikouk, président de l’Association marocaine des droits humains (AMDH), a dénoncé « un verdict choquant » et « une atteinte à la liberté d’expression ». La publication sur les réseaux sociaux, où la militante qualifie l’islam, « comme toute idéologie religieuse », de « fasciste, phallocrate et misogyne », a suscité des réactions virulentes, dont des appels à son arrestation et des menaces.
Un message considéré comme « offensant envers Dieu » par la justice marocaine
L’article 267-5 du Code pénal marocain punit de six mois à deux ans quiconque porte atteinte à la religion islamique, peine portée à cinq ans si l’infraction est commise publiquement ou via internet. L’un de ses avocats a rappelé qu’Ibtissame Lachgar avait déjà été entendue par la police en 2022 pour ces mêmes faits, sans poursuite à l’époque.
Militante des droits humains et cofondatrice du Mouvement alternatif pour les libertés individuelles (MALI), Ibtissame Lachgar, 50 ans, a déjà mené des campagnes médiatisées contre les violences faites aux femmes et la pédocriminalité, et connu d’autres démêlés avec les autorités, mais sans condamnation avant cette affaire.
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