Nature et destin du communisme soviétique dans « Un jour, nous vivrons sans peur »

29 janvier 2017 09:09 Mis à jour: 23 octobre 2017 18:17

Il y a près d’un siècle, les révolutionnaires bolchéviques renversaient le régime tsariste de Russie et assassinaient la famille impériale pour établir le premier régime communiste au monde.

Ce système totalitaire a perduré pendant près de soixante-dix ans et ses dirigeants ont toujours été confrontés à de forces menaçant leur pouvoir et leur idéologie. Pendant que l’Armée rouge écrasait les ennemis stratégiques du communisme, l’enjeu majeur du Kremlin restait le contrôle du peuple soviétisé. Voilà ce dont traite le récent livre du professeur britannique Mark Harrison intitulé One Day We Will Live Without Fear : Ordinary Lives Under the Soviet Police State que l’on peut traduire par « Un jour nous vivrons sans peur : des vies ordinaires sous l’État policier soviétique ».

(Avec la permission de Mark Harrison)

À travers son ouvrage, le Pr Harrison, de l’université de Warwick, présente une étude audacieuse sur le Comité de la Sécurité de l’État – le fameux KGB – en sept chapitres où se mêlent des épisodes tirés des archives soviétiques, qu’il aura sélectionné « pour leur humanité ou leur cruauté ».

Créer, puis dénoncer les ennemis cachés

Alors que le monde entier entrevoit les signes d’une nouvelle guerre mondiale et s’y prépare, l’Union soviétique est confrontée à un tout autre problème. Ayant récupéré le siège de Lénine, Joseph Staline est entré en guerre contre son propre peuple. À ce moment de l’histoire, des millions de personnes à travers le pays sont asservies ou fusillées sous le coup d’accusations injustifiées d’espionnage, de dissidence ou simplement de relâchement.

En Sibérie orientale, près de la frontière sino-russe contrôlée par le Japon du côté chinois, les services secrets soviétiques ont initié une supercherie à la fois risible et macabre : la mise en place de faux postes-frontières situés sur une fausse frontière et comblés d’Asiatiques soviétiques déguisés en Japonais. Pendant plus de dix ans, la police secrète soviétique recrutera des centaines de milliers de personnes en les chargeant de missions d’espionnage fictives et en les dirigeant vers la frontière factice – tout ceci pour remplir ses quotas d’arrestations « d’ennemis du peuple ». Immanquablement les « Japonais » arrêtent et « démasquent » les pseudo-espions soviétiques, qu’ils encouragent ensuite à devenir de faux agents doubles. Toute cette mise en scène, ce « Moulin » selon l’appellation sinistre donnée par ses initiateurs, s’achève lorsque la police soviétique rapporte avoir découvert les « crimes » de ces « espions » et les punit en conséquence. Des milliers ont payé de leur vie pour cette trahison préfabriquée.

Les dirigeants soviétiques ont été obsédés par l’idée d’un ennemi toujours présent, toujours caché parmi les masses. C’est précisément ce phénomène qui a poussé l’auteur à analyser succinctement les principes pratiques de la sécurité en URSS.

Les personnages de ses récits sont globalement des gens dont nous n’aurions jamais dû entendre parler. Un Polonais qui sert de bouc émissaire par simple commodité, du fait de ses origines suspectes, des intellectuels trop compétents aux yeux des autorités centrales ou un employé de bureau dont la vie tourne à la tragédie après avoir négligé de censurer un éditorial légèrement « inadéquat ».

Le Pr Harrison, historien spécialisé en économie, qui s’est inspiré de rapports et d’autres données éparses, peint habilement le quotidien de ces citoyens accablés par le communisme. L’écriture est claire, facile, et l’auteur entre dans les détails sans nuire aux concepts plus larges. L’emploi des termes « sans peur » dans le titre donne du poids à ce petit recueil de 234 pages. Enfin l’appareil de notes d’une trentaine de pages, à la fin de l’ouvrage, devrait satisfaire le lecteur qui souhaite approfondir le sujet.

L’obligatoire apparence d’un ordre

En décrivant son super-État dystopique, George Orwell précise que « rien ne fonctionne en Océanie, sauf la Police de la pensée ». De la même manière, la cabale des classes dirigeantes obsédées par le contrôle, la sécurité et le secret a délesté l’Union soviétique de toute sa force et de tout son potentiel. Seuls les services de renseignement ont pu se maintenir en tant que garants privilégiés du pouvoir.

Cependant, après la Seconde Guerre mondiale, un tel régime condamne son peuple à être cisaillé par la faim et à subir d’énormes pertes. Le Goulag et la guerre provoquent des millions de morts et font d’autres millions de victimes traumatisées par des persécutions politiques sans fin. L’ouvrage de Mark Harrison reflète non seulement l’évolution des méthodes du KGB, mais aussi les changements par étapes de la société lorsque les situations économique et démographique les forcent à minimiser les tueries et qu’émerge le culte idéologique de Staline.

Le rôle du KGB devient de plus important, car ses exigences s’affinent. Il faut épier les jeunes, empêcher le gens de rire, punir même la plus infime transgression. Si l’ordre ne peut pas être créé, il faut au moins en préserver l’apparence.

Des soldats à Moscou regardent les funérailles du dirigeant soviétique et ancien chef du KGB Yuri Andropov en 1984. Sept ans plus tard, l’Union soviétique s’est effondrée. (AFP / Getty Images)

Si un régime est basé principalement sur son propre désir de se maintenir au pouvoir, les conséquences sont graves pour les citoyens du pays. Même après la période de famine et massacres de masse, les services secrets doivent continuer à briser des vies. Pour illustrer ce phénomène l’auteur présente l’histoire d’un homme parfaitement inoffensif placé sous examen pour avoir pris une photo « sensible ». Il finit par sombrer dans l’alcool : « Ce n’était pas une fin heureuse ni pour Vasily ni pour la société, mais ce n’était plus le problème du KGB. »

Tandis que la vision marxiste perd du crédit dans le cœur et l’esprit du peuple, les dirigeants soviétiques comprennent graduellement que leur système s’effondre. L’auteur analyse alors le mot russe profilaktika dans un chapitre central consacré à la Lituanie.

Ce mot appartenant au jargon du renseignement a été emprunté à l’univers médical. Il désigne l’ensemble des remèdes disponibles pour empêcher la propagation des maladies contagieuses. Pour l’auteur ce terme reflète bien l’attitude du KGB, qui veut « administrer ses traitements » aux habitants non russes de l’État balte qui fait alors partie de l’Union soviétique.

« Ils ont pris le dessus »

Un événement insolite, l’auto-immolation d’un Lituanien désespéré, déclenche une vague de protestations nationales, que les forces de l’ordre ne parviennent à contenir. Les gens se mobilisent dans les rues de Kaunas, la capitale du petit État pris en otage dans le bloc soviétique. La situation s’aggrave et nécessite des renforts. Dans un communiqué du KGB, le griffonnage d’un fonctionnaire témoigne qu’une défaite des plus subversives est sur le point d’avoir lieu : « Ils ont pris le dessus à Kaunas. »

Mais l’État soviétique a été conçu pour empêcher toute contestation, ce que fait également valoir avec netteté la deuxième moitié du livre qui aborde l’ouverture partielle des frontières. De plus en plus de citoyens sont autorisés à voyager à l’étranger, avec parmi eux, des informateurs. En même temps, à l’intérieur du pays les autorités implorent presque leurs citoyens, par le biais de discours anodins et terrifiants à la fois, de se comporter afin de sauvegarder la « stabilité » d’une « société harmonieuse ».

Si le peuple est trop utile pour être détruit, Staline « l’abatteur » s’y est attelé, pour comprendre finalement que mieux valait, tout simplement, se contenter d’avoir les gens à l’œil. Pour clore son livre Mark Harrison a choisi un schéma typique (à ne jamais oublier) : l’histoire d’une famille surveillée alors qu’elle ne représente aucune menace, ni pour le régime ni pour son idéologie.

Après avoir rassemblé tant de récits, en passant par l’épouvantable « Moulin » sibérien, les intrigues des classes dirigeantes post-staliniennes, la réactivité radicale au mouvement lituanien, le livre se termine à la manière d’un « roman d’espionnage sans complot » délibérément boiteux et teinté d’ironie.

Malgré tant de professionnalisme pour appliquer la terreur, les services secrets n’ont servi que les vaines obsessions de leurs intendants. L’Union soviétique s’est effondrée, non pas à cause de l’impossibilité d’imposer son idéologie, mais parce que le socialisme fonctionnait à contre-courant et se dirigeait exactement dans le sens opposé des réalités économiques et humaines. Comme l’a bien écrit le professeur Alexei Yurchak : « Tout était pour toujours, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus rien ». La conception particulière de la société soviétique que le KGB s’est évertué à maintenir, s’est effondrée avec les réformes de Gorbatchev.

Le Pr Mark Harrison est chercheur agrégé à l’Université de Warwick et au Center for Russian and East Europe Studies de l’Université de Birmingham. Son livre peut être acheté sur Internet, en version papier ou en format électronique.

On estime que le communisme a tué au moins 100 millions de personnes, bien que ses crimes ne soient pas recensés et que cette idéologie persiste toujours. Epoch Times tâche d’exposer l’histoire et les croyances de cette doctrine, qui a servi de base à la tyrannie et à la destruction des peuples depuis son émergence. On peut trouver la série complète de ces articles dans la rubrique « Histoire cachée du communisme ».

Version originale: The Nature and Fate of Soviet Communism in ‘One Day We Will Live Without Fear’

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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