Opinion
Pourquoi la confiance dans les médias diminue — ce que le journalisme doit faire maintenant

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Photo: Shutterstock
Une crise de crédibilité envers les médias relevée chez nos voisins allemands pointe sur un phénomène plus répandu d’érosion de la confiance du public.
Que ce soit la couverture médiatique pendant la période Covid, celle des conflits internationaux ou le traitement des partis d’opposition allemands, la confiance dans les médias est fragilisée. Cités parmi les critiques, un parti pris rédactionnel, la mise à l’écart de voix critiques, jusqu’à des accusations de censure.
On reproche aussi à « la quatrième puissance » une proximité indue avec le pouvoir.
La crise de confiance est mesurable — et internationale. Une vaste étude de l’université d’Oxford montre qu’un nombre croissant de personnes évitent activement les informations. En 2022, 38 % des sondés déclaraient le faire, contre 29 % en 2017.
En Allemagne, selon le Reuters Digital News Report 2024, seulement 43 % font encore confiance aux informations qu’ils consomment. Chez les moins de 25 ans, ce chiffre tombe à 38 %, avec une tendance à la baisse. Fait particulièrement préoccupant : plus des deux tiers des personnes interrogées disent éviter activement les informations, 14 % le faisant même souvent. Parmi les motifs cités figurent l’épuisement émotionnel, la surcharge de stimuli et le sentiment d’impuissance.
Une enquête de l’université de Mayence (2025) constate certes une « confiance de base stable », mais relève que la moitié des sondés estiment que les médias établis en République fédérale ne sont que le porte-voix des puissants. Quelque 41 % des personnes interrogées sont d’accord avec l’affirmation selon laquelle la population allemande est systématiquement trompée par les médias, 20 % d’entre elles y adhérant même totalement ; 38 % des personnes interrogées ont déclaré penser que les médias traditionnels restreignent au moins en partie la liberté d’expression.
Selon l’étude, la confiance dans les médias avait atteint 56 % durant la première année de la pandémie, en 2020. En 2023, elle avait chuté à 44 %.
Pour l’année dernière, les auteurs indiquent un niveau de 47 %.
La perception d’une liberté d’expression en déclin
Outre la perception de la crédibilité des médias, le ressenti individuel quant à la liberté d’expression a également changé. Selon l’indice de liberté de l’Institut de sondage Allensbach, en 2023 seulement 40 % des personnes interrogées estimaient pouvoir exprimer librement leur opinion politique — le niveau le plus bas depuis le début de la série en 1990. L’année passée, cette proportion est remontée à 47 %.
Il y a plusieurs explications à cette évolution : pendant la période Covid, quiconque exprimait une critique des mesures politiques se voyait rapidement qualifié de « négationniste ». Des prises de position depuis lors confirmées par des instances officielles avaient alors été stigmatisées ou discréditées.
La couverture de la guerre en Ukraine a, elle aussi, révélé une logique de fronts. Quiconque faisait référence à l’histoire géopolitique ou aux stratégies de l’OTAN était diffamé et qualifié de « sympathisant de Poutine ». Selon les auteurs de l’étude menée à Mayence, 40 % des sondés font confiance à la couverture du conflit en Ukraine.
Les reportages et images en provenance de Gaza inspirent nettement moins de confiance : il y a autant de sondés validant leur crédibilité que ceux qui s’en méfient : seulement 27 % font majoritairement ou totalement confiance aux comptes rendus, tandis que 27 % déclarent ne pas avoir confiance.
La complexité a fait place à la polarisation
Univoques, les récits orientés dominent dans la couverture de Gaza. Selon la position du média, les voix critiques — qu’elles soient juives, palestiniennes ou internationales — ont un espace limité si elles ne cadrent pas avec le récit attendu.
Se pose la question suivante : « Quelle dose de censure une démocratie peut-elle tolérer ? »
En Allemagne, le traitement médiatique de l’opposition a sans doute contribué à ébranler la confiance dans les médias établis. Chiffres à l’appui : en février 2025, le mois suivant la dernière législative, les Verts, avec 13 invitations en talk-shows, représentaient 21 % des apparitions télévisées des hommes et femmes politiques — pour un résultat électoral à 11,6 %. L’AfD, qui avait obtenu 20,8 % des voix, n’a reçu qu’une seule invitation — soit 1,6 % des apparitions, rapporte le magazine suisse Weltwoche.
Trente-cinq ans après la fin du régime est-allemand, la mise à l’écart, le traitement asymétrique et l’éviction de sujets et d’interlocuteurs ont entraîné une situation dans laquelle on reparle de censure en Allemagne — même si celle-ci n’est pas formelle mais s’opère via des mécanismes algorithmiques ou des décisions internes de rédaction.
Officiellement, l’article 5 de la Loi fondamentale demeure :
« Chacun a le droit d’exprimer et de diffuser librement son opinion par la parole, l’écrit et l’image et de se renseigner sans entrave à partir de sources accessibles à tous. La liberté de la presse et la liberté de reportage par la radio et le cinéma sont garanties. Il n’y a pas de censure. »
« Chacun a le droit d’exprimer et de diffuser librement son opinion par la parole, l’écrit et l’image et de se renseigner sans entrave à partir de sources accessibles à tous. La liberté de la presse et la liberté de reportage par la radio et le cinéma sont garanties. Il n’y a pas de censure. »
Dérives journalistiques : posture plutôt que clarification
La censure dans les démocraties occidentales est aujourd’hui plus subtile. Elle s’exerce par le contrôle des audiences, le poids attribué aux sujets et les règles des plateformes. Les perspectives critiques ne sont pas interdites, mais elles sont repoussées hors de l’espace visible. Le pouvoir étatique y contribue. Des lois comme le DSA et le NetzDG (loi allemande destinée à sanctionner les fake news et contenus haineux sur les réseaux sociaux, ndlr) exercent une pression sur les plateformes pour réguler les contenus. Souvent, ce qui est considéré comme « illégitime » reste flou.
Dans ce contexte complexe, un autre changement apparaît : le repli du journalisme vers des certitudes morales. Ce qui commence par une attitude bienveillante finit souvent par confondre activisme et journalisme.
Le principe classique de la séparation entre information et opinion s’est de plus en plus estompé. L’idéal veut que le journalisme rende compte de façon objective et impartiale des faits et des sujets, afin que le public se forge sa propre opinion. Cet idéal reste sans doute un vœu pieux, comme le souligne le chercheur en communication Michael Meyen dans son nouvel ouvrage Staatsfunk – ARD & Co. sind am Ende – oder müssen neu erfunden werden (« La radio publique – ARD & Co. sont finis – ou doivent être réinventés »). Il cite le journaliste et publiciste Walter Lippmann, qui écrivait déjà en 1922 :
„« Un groupe de personnes qui peuvent priver le public d’un accès sans entrave aux événements arrange les informations de manière à servir leurs fins. »
Walter Lippmann
Cela apparaît d’autant plus clairement aujourd’hui que, dans certaines rédactions, il n’existe plus d’exigence de pluralisme et de diversité d’opinions. Le cas de Julia Ruhs n’est que la partie émergée de l’iceberg. De plus en plus, les journalistes se conçoivent comme des activistes pour des causes sociales, politiques ou écologiques déterminées.
Des clics plutôt que du contexte
Un autre moteur de la crise de crédibilité est la pression économique. À l’ère de l’économie de l’attention, les médias doivent rivaliser avec les plateformes sociales pour l’audience, le temps passé et les émotions. Résultat : titres abrégés, suraccentuation des conflits, des scandales et des informations personnelles — le fameux clickbait (« appât à clics », ndlr).
Parallèlement, les algorithmes de Facebook, YouTube et consorts aggravent la situation en récompensant l’indignation et la polarisation. Celui qui traite un sujet de manière plus complexe perd face à celui qui fait le plus de bruit. De plus en plus d’usagers en tirent les conséquences : ils pratiquent une diète médiatique, comme je le fais moi-même dans le cadre d’une expérience personnelle.
Le journalisme constructif comme remède possible
Une piste possible pour sortir de la crise de crédibilité est le journalisme constructif. Celui-ci n’a pas pour but de maquiller les problèmes, mais de les contextualiser, d’enrichir leur compréhension et d’adopter une approche orientée vers les solutions.
Le journalisme constructif n’est pas du « feel-good journalism ». Il cherche néanmoins « non seulement à montrer les problèmes et les manquements, mais aussi à porter le regard vers l’avenir et à enquêter sur des approches de solution et des possibilités d’action, à présenter des perspectives et de l’espoir », peut-on lire dans l’introduction d’une étude (2018) de Klaus Meier, professeur de journalisme à l’université catholique d’Eichstätt-Ingolstadt.
Le journalisme constructif sera-t-il récompensé ?
Même au sein d’Epoch Times paraissent de plus en plus d’articles adoptant cette approche, par exemple, dans la rubrique Bien-être, sur les effets de la consommation d’aliments fortement transformés et sur les alternatives simples à trouver en rayon, ou des textes qui inspirent par de beaux exemples, comme celui consacrant le présentateur américain Jay Leno et à la constance de son amour auprès de son épouse atteinte de démence. Outre l’actualité politique et des enquêtes de fond fouillées, Epoch Times donne régulièrement la parole à des experts proposant des idées alternatives et des solutions. On y trouve aussi des articles pratiques à forte utilité pour le lecteur, par exemple sur les possibilités d’économies face à la hausse des coûts énergétiques.
Le journalisme de demain n’a pas besoin de davantage de bruit, mais de plus de crédibilité. Et il doit avoir le courage de se remettre lui-même en question. Le journalisme n’est pas un appareil d’éducation. Il est — ou devrait être — une invitation à une interprétation collective de la réalité. Les médias sont forts lorsqu’ils ne craignent pas mais encouragent la capacité d’autonomie de leurs publics, et lorsqu’ils placent la politique sous le contrôle d’un journalisme critique.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

Lydia Roeber a déjà financé ses études à l'université libre de Berlin grâce à ses écrits et a longtemps travaillé comme journaliste de télévision. Ancienne journaliste de voyage, elle s'intéresse aujourd'hui de préférence aux questions sociales urgentes dans le journal Epoch Times, du transhumanisme au contrôle numérique en passant par la crise de l'éducation.
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