David Matas : « La profonde dévotion de David Kilgour pour certains principes et son immense empathie pour les victimes des violations des droits de l’homme perdureront »

Par David Matas
11 avril 2022 23:06 Mis à jour: 12 avril 2022 10:07

J’ai connu David Kilgour tout au long de ma vie d’adulte. Il a toujours été gentil, extraverti et sociable.

David était étudiant de premier cycle à l’Université du Manitoba à Winnipeg au début des années 1960, en même temps que moi. Il était un peu en avance sur moi, mais aussi actif que moi au sein de la vie étudiante, et même plus. Nous nous sommes retrouvés par hasard à Ottawa, puis à Paris, à la fin des années 1960, pour poursuivre chacun notre travail et nos études. J’ai assisté à son mariage à Edmonton en 1974, où il était alors procureur.

Nos contacts occasionnels ont radicalement changé en mars 2006 lorsque nous avons commencé, à la demande d’une ONG, une enquête commune pour déterminer si les pratiquants de Falun Gong étaient tués en Chine pour que leurs organes soient vendus à des patients en attente de transplantation. À partir de ce moment, et pendant les 16 dernières années, j’ai été en contact avec David quotidiennement, souvent plusieurs fois par jour.

(De gauche à droite) David Kilgour, David Matas et Ethan Gutmann, auteurs de « Bloody Harvest/The Slaughter : An Update », à Londres, en Angleterre, le 25 novembre 2014. (Simon Gross/Epoch Times)

La première version de notre rapport, publiée en juin 2006, concluait que les mauvais traitements infligés en Chine aux prisonniers de conscience du Falun Gong sur lesquels on nous avait demandé d’enquêter existaient bel et bien. Nous avons réalisé que nous ne pouvions pas nous contenter de publier le rapport et nous éloigner du problème pour retourner à nos autres activités, bien nombreuses. Pour que le dossier reste ouvert, c’était à nous de nous en occuper. Et c’est ce que nous avons fait, en mettant à jour notre rapport, en co-fondant avec le journaliste Ethan Gutmann une ONG sur la question (la Coalition internationale pour mettre fin aux abus en matière de transplantation en Chine), en nous rendant régulièrement à des conférences, à des rassemblements et à des audiences, et en rédigeant des déclarations, des discours, des propositions, des articles, des messages sur Internet et des messages sur les listes de diffusion.

Nous sommes devenus de véritables partenaires, non seulement sur cette question, mais aussi sur toute une série de sujets relatifs aux droits de l’homme pour lesquels nous des causes ensemble – la tyrannie en Iran, les atrocités contre les Ouïghours, les menaces contre Taïwan, la répression à Hong Kong, l’antisémitisme alimenté par des attaques déformées contre Israël, etc. En partageant les mêmes préoccupations sur tant de sujets, de manière aussi approfondie et pendant si longtemps, j’ai appris à connaître David relativement bien. J’ai pu constater qu’il était dévoué à ses principes sans réserve. Les principes qu’il défendait correspondaient à ses profondes et intenses convictions personnelles.

Lorsqu’il s’est retiré du Parlement au bout de 27 ans, il en était alors le membre le plus ancien. Au cours de sa carrière, il a été évincé du Parti progressiste-conservateur pour cause de non-conformisme. Il a alors rejoint le Parti libéral, puis il a démissionné totalement en désaccord avec leurs politiques. Compte tenu de son caractère, ce destin était prévisible. Son ouverture aux autres, ainsi que son indépendance d’esprit et son attachement à ses principes le rendaient hautement éligible. Cette même indépendance a rendu impossible son ascension de ce que le Premier ministre britannique Benjamin Disraeli appelait le mât de cocagne. Savoir suivre le mouvement pour s’en sortir ne faisait pas partie de ses habitudes.

(De gauche à droite) David Matas, avocat spécialisé dans les droits de l’homme internationaux, Irwin Cotler, ancien ministre de la Justice, et David Kilgour, ancien secrétaire d’État pour l’Asie-Pacifique, lors de l’audience du sous-comité parlementaire des droits de l’homme internationaux à Ottawa, le 3 novembre 2016, où Matas et Kilgour ont fait un exposé sur les abus en matière de transplantation d’organes en Chine. (Epoch Times)

Les plus grandes heures de David sont celles qu’il a consacrées aux droits de l’homme après avoir quitté le Parlement. Les questions relatives aux droits de l’homme en général et à la Chine en particulier ont fait ressortir le meilleur de lui parce qu’elles laissaient apparaître le pire chez les autres. De nombreuses personnes sont prêtes à sacrifier leurs principes pour de l’argent ou pour le pouvoir, pour une position ou une opportunité. D’autres prennent des promesses pour la réalité, les mots pour des faits. D’autres encore succombent à la folie des grandeurs pour avoir prononcé les déclarations que tout le monde voulait entendre. Mais pas David Kilgour. Il s’est distingué par son soutien sans faille aux victimes, son rejet continu de l’hypocrisie, son éternelle douleur face à l’impunité.

David est mort le 5 avril. Qu’il repose en paix ! Mais je ne pense pas qu’il le fera… Son esprit souffrira toujours des atrocités de cette planète. Sa colère ne cessera de s’enflammer et sa patience sera sans cesse mise à l’épreuve face à l’assaut perpétuel des criminels. Sa compassion continuera d’embrasser le défilé sans fin des victimes et son inquiétude pour elles s’accroîtra à tout jamais.

Il manquera à tous ceux qui l’ont connu. Pourtant, il ne disparaîtra pas. Son exemple restera pour nous rappeler la différence entre l’ignorance et l’empathie, entre la langue de bois et l’honnêteté, entre céder et tenir bon, entre aller bien et faire le bien. Il ne disparaîtra pas parce qu’il est entré dans notre vie.

David Matas, avocat canadien des droits de l’homme primé et membre de l’Ordre du Canada, siège au conseil d’administration de l’International Centre for Human Rights and Democratic Development, basé à Toronto. Il a été sélectionné pour le prix Nobel de la paix en 2010 pour son travail d’enquête sur les crimes liés au prélèvement forcé d’organes contre les pratiquants de Falun Gong en Chine. Il est le co-auteur du rapport intitulé « PRÉLÈVEMENTS MEURTRIERS : Allégations de prélèvement d’organes sur des pratiquants de Falun Gong en Chine » et a coédité « Organes de L’État : Abus de transplantation d’organes en Chine ».

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