Les propriétaires n’ont pas fini de payer la suppression de la taxe d’habitation

Par Victor Fouquet
5 novembre 2022 11:09 Mis à jour: 5 novembre 2022 11:09

Depuis la loi de finances pour 2018, le coefficient de revalorisation forfaitaire des valeurs locatives, qui sert notamment de base de calcul à la taxe foncière, n’est plus fixé chaque année en loi de finances initiale mais codifié à l’article 1518 bis du Code général des impôts.

Le calcul de ce coefficient revient, très concrètement, à indexer les valeurs locatives sur l’évolution de l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) publié au mois de novembre par l’Insee. Suivant cette formule, la revalorisation légale devrait être de 6,8 % l’an prochain, soit le double de cette année (+ 3,4 %), qui constituait déjà un record depuis 1989.

Cette flambée est l’une des conséquences indirectes de la suppression de la taxe d’habitation sur la résidence principale

Conformément à ce qu’il avait indiqué aux associations d’élus locaux soucieux de préserver leurs recettes fiscales, le Gouvernement n’a pas changé le dispositif dans le projet de budget 2023 présenté fin septembre en Conseil des ministres, et n’a pas davantage prévu de le modifier en cours de navette parlementaire. Ce, malgré l’adoption en commission des finances d’un amendement du député centriste Charles de Courson visant, à titre exceptionnel, à plafonner la hausse à 3,5 % (2,5 % en outre-mer) « afin de protéger les foyers contre l’inflation et une hausse de leur pression fiscale en 2023 ».

L’envolée de la taxe foncière votée par les collectivités territoriales (avec environ 36 milliards d’euros de recettes, cet impôt local représente la principale ressource du bloc communal) et supportée par les propriétaires immobiliers devrait donc se poursuivre, et avec d’autant plus de vigueur que les prochaines élections municipales n’auront lieu qu’en 2026. Entre 2021 et 2022, faisait récemment observer l’Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI), la taxe foncière a déjà crû de 4,7 % en moyenne dans les 200 plus grandes villes de France (hausse liée pour une partie à l’inflation, et pour une autre partie à la hausse des taux décidée par les collectivités).

Cette flambée est l’une des conséquences indirectes – hélas prévisible ! – de la suppression de la taxe d’habitation sur la résidence principale et, corrélativement, de l’amenuisement de l’autonomie fiscale des collectivités locales. Il était sûr que moins d’impôts prélevés sur les locataires aboutirait à plus d’impôts ponctionnés sur les propriétaires immobiliers. Car, malgré l’obsolescence des valeurs locatives cadastrales sur lesquelles son paiement était assis, la taxe d’habitation – laquelle servait à financer des services publics concourant généralement à la qualité du logement occupé – donnait aux contribuables-résidents principaux la qualité d’électeur local, en conformité avec le principe du lien entre taxation et représentation.

Un autre danger menace les propriétaires immobiliers

Or, en reportant l’intégralité de la charge fiscale sur les propriétaires, la suppression de la taxe d’habitation sur les résidents principaux et l’augmentation subséquente de la taxe foncière rompent ce lien, et cassent le ressort intime de la démocratie décentralisée en déconnectant la fixation de l’impôt de l’effort fiscal. Le problème véritable posé tient, au fond, à ce grand écart entre ceux qui paient l’impôt (une fraction de résidents principaux et les résidents secondaires, qui souvent ne votent pas dans la commune afférente, et les propriétaires au titre de la taxe foncière, qui ne sont pas nécessairement électeurs) et ceux qui en décident (la majorité des résidents principaux, désormais dégrevée ou exonérée de taxe d’habitation, et les locataires, qui ne paient pas de taxe foncière).

Un autre danger menace les propriétaires immobiliers : la décorrélation du taux de la taxe d’habitation sur la résidence secondaire de celui de la taxe foncière sur les propriétés bâties, réclamée aux parlementaires par un grand nombre de maires afin de leur permettre d’alourdir la fiscalité sur les résidents secondaires, réputés pourtant consommer moins de services publics locaux. Un éloignement trop prononcé de la population des contribuables de celle des électeurs témoigne d’une démocratie en mauvaise santé. Il serait périlleux de s’enfoncer encore un peu plus dans cette voie, en ciblant immodérément les propriétaires fonciers.

Article écrit par Victor Fouquet, avec l’aimable autorisation de l’IREF.

L’IREF est un « think tank » libéral et européen fondé en 2002 par des membres de la société civile issus de milieux académiques et professionnels dans le but de développer la recherche indépendante sur des sujets économiques et fiscaux. L’institut est indépendant de tout parti ou organisation politique. Il refuse le financement public.

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