La France, comme une grande partie de l’Europe, fait face à des étés de plus en plus chauds, marqués par des vagues de chaleur de plus en plus fréquentes. En 2003, la canicule avait causé près de 15.000 décès, révélant les failles d’un pays peu préparé aux températures extrêmes.
Vingt ans plus tard, les épisodes caniculaires se multiplient, et la question de la climatisation, autrefois marginale, vient s’imposer dans le débat public. Si elle est perçue comme une solution évidente pour maintenir le confort thermique, elle suscite aussi des controverses politiques, notamment de la part des écologistes qui dénoncent son impact environnemental.
En plein épisode de canicule dans l’Hexagone, la cheffe de file du Rassemblement National, Marine Le Pen, réclamait le 30 juin « un grand plan pour la climatisation », relayée par Éric Ciotti qui souhaite équiper en priorité « écoles, hôpitaux et maisons de retraite ». « Laisser des enfants, des personnes âgées, des personnes vulnérables souffrir parce qu’il n’y a pas de climatisation, plutôt que de développer un plan climatisation, c’est totalement absurde », déclarait la patronne du parti nationaliste à l’Assemblée.
À quoi la patronne des Écologistes Marine Tondelier a répondu en ironisant sur « le programme écologique de Marine Le Pen » qui se bornerait selon elle à « acheter des climatiseurs ».
Un besoin croissant dans un climat qui change
Le réchauffement climatique a transformé les étés français. Selon Météo-France, les températures moyennes estivales ont augmenté de 1,7 °C depuis le début du XXe siècle, et les vagues de chaleur sont devenues plus fréquentes et intenses en France et en Europe.
On a vu par exemple ces dernières années des températures dépasser les 40 °C dans des grandes villes du nord, un seuil autrefois atteint seulement dans le Sud. Ces conditions ont amplifié la demande de climatisation, non seulement dans les foyers, mais aussi dans les écoles, les hôpitaux et les transports publics.
D’après l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), environ 25 % des ménages français étaient équipés d’un climatiseur en 2023, contre seulement 5 % en 2000. Mais des données plus précises du Ceren (Centre d’études et de recherches économiques sur l’énergie) estimait qu’en 2023 le taux d’équipement était davantage entre 18 % et 22 %, en comptant comme « équipements » de petits appareils mobiles « qu’on déplace d’une pièce à l’autre, peu efficaces et peu coûteux », précise l’organisme.
En réalité, seulement 4 % des foyers français seraient équipés d’un système fixe, selon Cyril Radici du Synasav, le syndicat des entreprises spécialisées dans la maintenance de ces équipements. Ce chiffre est incomparable à ceux des États-Unis (90 %), du Japon (85 %) ou de l’Italie (70 %), où la climatisation est omniprésente.
La fermeture d’écoles publiques à cause de la chaleur
En France, la climatisation est encore perçue comme un luxe ou une commodité réservée aux espaces commerciaux et aux bureaux.
C’est pourquoi, le 1er juillet, près de 1350 écoles publiques ont été fermées «totalement ou partiellement» faute de systèmes de refroidissement adaptés. Dans les écoles, des salles de classe surchauffées nuisent en effet à la concentration des élèves. Les syndicats d’enseignants ont d’ailleurs appelé à équiper les établissements scolaires, arguant que l’absence de climatisation compromet le droit à l’éducation dans des conditions décentes.
Équiper ces espaces de climatiseurs garantirait des conditions de travail et d’étude optimales, un argument particulièrement pertinent dans les pays qui valorisent l’éducation et la performance. Le manque de préparation et l’idéologie écologiste, présente au plus haut niveau du gouvernement, empêchent des dizaines de milliers d’enfants de pouvoir aller en classe dans de bonnes conditions.
Une question de santé publique et de bien-être individuel
La climatisation sauve des vies. Lors des canicules, les températures élevées, surtout la nuit, empêchent le corps de récupérer, augmentant les risques d’hyperthermie, de déshydratation et de problèmes cardiovasculaires.
Les climatiseurs permettent de maintenir des températures intérieures stables et fraîches, en particulier pour les populations à risque. Par exemple, dans les Ehpad, où les résidents sont souvent fragiles, la climatisation peut réduire significativement la mortalité liée à la chaleur.
Pour ses défenseurs, la climatisation est une nécessité vitale dans un monde où les températures extrêmes menacent la santé publique. Les personnes âgées, les enfants et les personnes souffrant de maladies chroniques sont particulièrement vulnérables aux coups de chaleur.
Une étude de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) estime que les vagues de chaleur pourraient causer jusqu’à 10.000 décès supplémentaires par an d’ici 2050 si des mesures d’adaptation, comme la climatisation, ne sont pas généralisées.
Un atout pour l’économie
Outre la santé, la climatisation améliore la productivité et le confort. Dans les bureaux, des études montrent que des températures supérieures à 27 °C réduisent les performances cognitives et augmentent le stress.
La climatisation soutient alors l’économie en maintenant la productivité. Les commerces, les restaurants et les bureaux climatisés attirent davantage de clients et d’employés, surtout en période de canicule. Dans les transports publics, comme les métros ou les trains, elle améliore l’expérience des usagers, réduisant les tensions et les malaises. À Paris, par exemple, la RATP a investi dans la climatisation de certaines lignes de métro, répondant à une demande croissante des voyageurs.
L’industrie de la climatisation crée également des emplois, de la fabrication à l’installation et à l’entretien des appareils. Avec la hausse de la demande, ce secteur pourrait devenir un levier économique, notamment pour les entreprises françaises spécialisées dans les technologies de refroidissement.
Soutenir cette filière, tout en investissant dans des solutions plus durables, pourrait positionner la France comme un leader dans les technologies climatiques, alors que son énergie est une des plus propres au monde et que ses normes permettent d’avoir des équipements de plus en plus performants.
Les arguments avancés par les écologistes
Malgré ces arguments, la climatisation est loin de faire l’unanimité, notamment parmi les écologistes. Leur principale critique repose sur son impact environnemental sur la consommation d’énergie, la pollution et la chaleur créée.
Selon l’ADEME, en France, l’électricité est majoritairement d’origine nucléaire, l’impact sur l’environnement est donc moindre qu’ailleurs. Selon un article du Point, la France est sans doute, de tous les pays frappés par les effets du réchauffement, celui qui dispose des meilleurs atouts pour développer la climatisation, quasiment sans impact sur l’environnement.
“Des études montrent qu’il sera de plus en plus indispensable d’installer des équipements de climatisation à l’horizon 2050″, note l’ADEME, qui estime que « la climatisation est responsable de près de 5 % des émissions d’équivalent CO2 du secteur bâtiment. » Le bâtiment représentant 23 % des émissions nationales, la climatisation représente donc 5 % de 23 % soit 1,15 % du total. Les émissions de CO2 françaises, notamment grâce au nucléaire, représentent moins de 1 % des émissions mondiales de CO2, nous arrivons en conséquence à des chiffres infinitésimaux.
Concernant la hausse de température que pourrait occasionner la climatisation, plusieurs études ont été réalisées dans des grandes villes françaises. Dans des scénarios où 50 % des bâtiments seraient équipés, cela pourrait donner une augmentation de température de 0,2 à 1 °C en moyenne, principalement la nuit, et uniquement dans les zones les plus denses, dépassant les 10.000 habitants au km2. Cela reste néanmoins très en dessous du rôle joué par l’asphalte, le manque d’arbres ou par les transports. Et en dessous de 5000 hab/km2 – ce qui est le cas pour la majorité du territoire français -, l’effet est indétectable.
Un autre problème concerne les fluides frigorigènes utilisés dans les climatiseurs, comme les hydrofluorocarbures (HFC). Ces gaz, bien que moins nocifs que leurs prédécesseurs (les CFC, interdits dans les années 1990), ont un pouvoir de réchauffement global (PRG), mais seulement en cas de fuite à l’installation, à l’entretien ou au recyclage des appareils. De plus, ces technologies évoluent rapidement. Les nouveaux climatiseurs utilisent des fluides à faible impact environnemental – comme le R32 – et sont plus efficaces énergétiquement. Les modèles récents consomment jusqu’à 30 % d’électricité en moins par rapport à ceux des années 2000, selon l’ADEME.
La politisation inattendue de la climatisation
Au-delà des arguments techniques, le débat sur la climatisation a pris une tournure politique inattendue. Certains écologistes, qui cherchent à politiser les moindres libertés individuelles des Français, ont associé l’adoption massive de la climatisation à une vision qualifiée de « capitaliste » ou d’« extrême droite ».
Par idéologie politique, la climatisation est vue par certains écologistes et une partie de la gauche comme un marqueur de l’extrême droite car elle serait, selon eux, mauvaise pour l’environnement, même si elle peut sauver des dizaines de milliers de vies chaque année et permettre au pays de ne pas être à l’arrêt pendant les épisodes de chaleur.
À Strasbourg, en 2021, la municipalité écologiste a par exemple restreint l’installation de climatiseurs dans certains bâtiments publics, privilégiant des solutions comme les brumisateurs ou les fontaines. Cette décision a été critiquée comme étant déconnectée des besoins des habitants, renforçant l’image d’un écologisme punitif et dogmatique.
Des commentateurs, y compris au sein de la gauche, ont cependant dénoncé une caricature qui éloigne les classes populaires des discours écologistes. Pour beaucoup, rejeter la climatisation revient à ignorer les réalités des populations vulnérables, notamment dans les banlieues urbaines où les îlots de chaleur sont particulièrement intenses.
Cette polarisation trouve ses racines dans des visions divergentes de l’écologie. D’un côté, certains écologistes prônent une décroissance radicale, rejetant les solutions technologiques, comme la climatisation, au profit de mesures comme l’isolation thermique, la végétalisation, les puits canadiens – qui peuvent faire partie de la solution pour ceux qui en ont les moyens. De l’autre, des écologistes défenseurs de la climatisation, qui arguent qu’elle répond à un besoin urgent, notamment pour les populations vulnérables face aux canicules.
Cette fracture reflète un clivage plus large dans la société française. Les écologistes radicaux, souvent issus de milieux urbains aisés, sont accusés de promouvoir une écologie punitive, déconnectée des réalités des classes populaires.
Vers une climatisation durable et accessible ?
Pour maximiser les bénéfices de la climatisation tout en minimisant ses impacts, plusieurs pistes sont envisageables. D’abord, accélérer le développement de technologies éco-efficientes, comme les climatiseurs à haute performance énergétique.
Ensuite, encourager des aides financières raisonnables pour équiper les logements sociaux et les bâtiments publics, afin de garantir un accès équitable. A minima, encourager leur utilisation plutôt que de promouvoir la culpabilisation. Enfin, intégrer la climatisation dans des stratégies urbaines plus larges, combinant isolation, végétalisation et technologies innovantes.
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