Quand l’impression 3D immortalise des instruments de musique d’antan

Par Epoch Times avec AFP
25 janvier 2020 15:00 Mis à jour: 25 janvier 2020 15:13

Comme une machine musicale à remonter le temps: le musée de la musique de la Philharmonie de Paris s’est lancé dans le « clonage » d’instruments d’époque pour mieux les préserver, en faisant appel à l’impression 3D.

De plus en plus populaire dans différents secteurs dès le début des années 2000, cette technique s’installe aussi dans le monde de la fabrication d’instruments et intrigue même les artisans traditionnels.

Le musée de la musique qui rassemble une impressionnante collection de 7.000 instruments d’époque et objet d’art -dont une flûte en os de vautour datant de 2.500 ans, un piano de Chopin ou encore une guitare de Brassens, a expérimenté récemment la reproduction en 3D d’une flûte traversière du début du 18e siècle.

Et le résultat est bluffant.

Au laboratoire du musée, Mina Jang, chercheuse en musique baroque et flûtiste professionnelle à l’origine du projet, en fait la démonstration devant l’AFP en jouant le même morceau sur un fac-similé de la flûte originale (2001) et son clone en 3D (2019).

« Durant ma soutenance, j’ai joué les deux flûtes derrière un paravent… le jury était étonné, il n’avait pas trouvé de différence », explique la Coréenne de 35 ans qui a fait un master en musique, interprétation et patrimoine à l’université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines.

La véritable star de cette expérience est, elle, bien préservée derrière une vitrine du musée: une flûte fabriquée par Jacques-Martin Hotteterre (1673-1763), célèbre fabricant d’instruments de musique.

-Le violon électrique 3d Varius est basé sur un modèle de vrai violon Stradivarius. Photo FREDERIC J. BROWN / AFP via Getty Images.

Respecter la flûte originale

Avant l’impression, une topographie par rayon X grâce au Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France a été effectuée pour identifier les propriétés de la flûte.

« L’idée du départ était de savoir comment obtenir une copie d’un instrument rapidement tout en respectant la flûte originale », explique Mina Jang.

L’impression prend 24h, l’artisanat au moins un mois; et la technique 3D est beaucoup moins chère: quelques centaines d’euros contre quelques milliers chez un artisan.

Toutefois, la démarche est purement patrimoniale, tient à préciser Stéphane Vaiedelich, responsable du laboratoire du musée qui a collaboré aussi avec la Fondation des sciences pour le patrimoine et l’Institut Jean-Le-Rond-d’Alembert à la Sorbonne.

« L’impression 3D, ce n’est pas pour supplanter les fabricants d’instruments », dit-il.

Reconstituer un instrument historique à l’identique

« L’idée est de reconstituer un instrument historique à l’identique, d’en faire apprécier le son auprès du public, et de faire revivre tout un patrimoine d’instruments ».

« C’est un extraordinaire outil pour voyager dans le temps et de se réapproprier les répertoires anciens », assure-t-il, précisant qu’une deuxième flûte a été clonée.

Si la technique est connue, « à ma connaissance, aucun autre musée n’a mené une expérience à un niveau scientifique », d’après le responsable.

-Le musicien et ingénieur français Laurent Bernadac joue sur un violon, le 3DVarius, qui a été imprimé sur une imprimante 3D et a été créé par lui, le 2 avril 2019. Photo par Frank Rumpenhorst / dpa / AFP via Getty Images.

Et s’il y a des cas uniques d’ensembles musicaux jouant des instruments d’époque, comme Les Siècles, fondée par le chef d’orchestre français François Xavier Roth, ce jeu est généralement périlleux pour ce patrimoine, car les instruments à vent supportent mal l’humidité. « Ça dilate le bois et ça casserait » les instruments, explique M. Vaiedelich.

Mais une flûte en bois de buis sonne-t-elle vraiment comme une flûte en plastique? « Les auditeurs peuvent s’y méprendre. Quant à la perception sur les lèvres, il se peut qu’il y ait de très légères différences ».

La flûte traversière a été le premier exemple car le plus évident: « l’essentiel du souffle du musiciens passe à l’extérieur de l’instrument, contrairement au hautbois. Le matériau a donc une influence moins importante sur le timbre », selon M. Vaiedelich.

Nécessairement, la question environnementale s’impose, en raison du plastique. « Dans l’idéal, il faudra imprimer avec des matériaux de récupération ».

Quid des fabricants artisanaux?

Selon Fanny Reyre Ménard, vice-présidente de la Chambre syndicale de facture instrumentale, le seul bémol est justement le matériau utilisé.

« Pour les artisans, le plastique ne peut pas se comparer au bois. Pour le violon, c’est la caisse de résonance en bois qui va donner sa caractéristique sonore, c’est fondamental », précise-t-elle à l’AFP.

Mais l’imprimante 3D est en revanche « une formidable opportunité », dit-elle. « Ce n’est pas un danger mais un très bon outil de partage d’informations et de prototypes entre artisans », comme par exemple la personnalisation d’instruments selon les besoins du musicien.

« Certaines parties gagnent à être adaptés comme les mentonnières des violons ou les embouchures des instruments à vent », précise Mme Ménard. « Et si je trouve une forme qui m’intéresse, j’envoie un fichier à un collègue, il l’imprime, c’est super ».

 

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