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Que serait devenue la Chine sans le communisme ? Une histoire alternative dressée par un écrivain de Hong Kong

octobre 15, 2015 11:32, Last Updated: octobre 26, 2015 17:38
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Chan Koon-chung, un célèbre écrivain né à Hong Kong et résidant à Pékin, a récemment publié son dernier roman. C’est l’ouvrage d’une histoire alternative qui explore ce que la Chine moderne serait, si le Parti communiste n’avait pas pris le pouvoir.

Intitulé « La deuxième année du Jianfeng : une uchronie d’une nouvelle Chine » le roman a été publié à Hong Kong le 25 septembre dernier. « Les années fastes », le roman  anti-utopique précédent de l’écrivain n’a jamais été publié en Chine continentale.

Le caractère « Uchronie » en chinois qui provient du caractère « Utopie » est un terme qui caractérise une réalité alternative.

Le roman de Chan Koon-chung présume la victoire du Parti nationaliste dans la guerre civile en Chine il y a plus de 60 ans. Cette guerre a suivi la Seconde Guerre mondiale et a abouti en réalité à l’occupation communiste de la Chine continentale depuis 1949.

Le roman dresse donc une histoire parallèle de la Chine sous la direction nationaliste du général Chiang Kai-shek. En présentant les histoires des gens de différents régions et des différents niveaux sociaux, Chan Koon-chung tisse le récit de trois décennies d’une « nouvelle Chine » allant jusqu’à la fin des années 1970.

Un tel scénario a attiré beaucoup l’intérêt, y compris à l’échelle internationale, tandis que la Chine se modernise et joue un rôle de plus en plus important dans le monde. En même temps le pays se butte aux inconvénients de la ligne nationaliste-Léniniste du Parti et de son attitude particulière envers l’État de droit. Plus tôt cette année, le magazine The Economist a publié un article se questionnant sur comment serait la Chine s’il n’y avait pas eu les politiques totalitaires brutales et inefficaces instaurées par Mao Zedong, fondateur du régime communiste dans ce pays.

Les dirigeants nationaliste et communiste chinois Chiang Kai-shek (à gauche) et Mao Zedong lors des négociations en 1946. (Domaine public)

Ce qui aurait pu se passer

Chan Koon-chung estime que si la Chine s’était intégrée aux marchés étrangers, cela aurait pu contribuer beaucoup plus tôt à la prospérité économique et au progrès social.

« En 1979, la Chine aurait pu être très riche, au moins dans les villes, grâce à ses exportations, sa main-d’œuvre bon marché et son industrie légère développée dans les régions côtières », a souligné Chan Koon-chung dans une interview donnée au site d’informations Initium de Hong Kong.

Le boom économique connu par le Japon et d’autres pays d’Asie du sud-est aurait été moins robuste, car leurs parts auraient été prises par les villes côtières chinoises telles que Shanghai, Tianjin ou Guangzhou.

Hong Kong serait resté un port ordinaire de petite importance différent de son statut de colonie britannique. Celui-ci lui a facilité le commerce de produits étrangers et favorisé le développement de la province chinoise voisine du Guangdong.

« Même les Jeux olympiques auraient été organisés à Nanjing », suggère Chan Koon-chung. Nanjing était la capitale de Chiang Kai-shek avant et après la Seconde Guerre mondiale, et reste toujours le siège du gouvernement républicain dans le roman de Chan Koon-chung.

Pékin ou Beijing, qui signifie littéralement « Capitale du Nord » y conserve son nom de l’époque républicaine « Beiping », c’est à dire « Paix du Nord ». La place Tiananmen, qui au cours de l’histoire moderne a été beaucoup élargie selon les vœux de Mao, serait restée plus petite.

Le titre du roman « La deuxième année de Jianfeng » se réfère au début de la gouvernance de Chiang Ching-kuo, fils de Chiang Kai-shek, qui prend le nom de courtoisie « Jianfeng ». (Chiang Kai-shek avait aussi un nom de courtoisie qui était «  Zhongzheng »). Dans le livre de Chan Koon-chung, comme dans la vie réelle, le vieux Chiang Kai-shek décède en 1975, et son fils est « élu » en tant que Président par l’Assemblée nationale contenant 1 200 membres.

La deuxième partie du livre se compose de sept chapitres racontant l’histoire de différents personnages.

Sun Liren, un général chinois nationaliste qui a combattu pendant la Seconde Guerre mondiale et était connu pour être le « Rommel de l’est ». (Domaine public)

La Chine nationaliste remporte dans le roman une victoire sur le Parti communiste en avril 1946, lorsque le général Sun Liren, connu parmi ses alliés américains comme le « Rommel de l’est » détruisit les armées opposées du commandant Lin Biao en Mandchourie, là où les communistes avaient créé leur base militaire et logistique avec l’aide soviétique.

L’histoire alternative de Chan Koon-chung met aussi en évidence la perte tragique des talents littéraires en Chine suite à l’accession des communistes au pouvoir. Il parle du grand potentiel non-réalisé d’écrivains qui ont été étouffés dans l’atmosphère politique destructrice de Mao. Certains de ses personnages sont des écrivains chinois qui ont réellement existé, mais qui ont été condamnés à rester dans l’obscurité.

« J’ai parlé de la première et la deuxième génération d’écrivains. Ces noms sont tous les noms de personnes réelles, même si elles peuvent ne pas être largement connues », a précisé Chan Koon-chung à Initium.

Par exemple, l’écrivain pékinois Lao She, qui a été poussé au suicide pendant la Révolution culturelle initiée par Mao Zedong, n’est plus confronté à une lutte politique sous le gouvernement nationaliste. Chan Koon-chung fait ainsi sortir de sa plume un million de mots au lieu de quelques 80 000 que Lao She avait osé écrire dans la réalité chinoise. Lao She, ainsi que Lin Yutang, un autre écrivain chinois bien connu, deviennent même lauréats du prix Nobel.

L’écrivain chinois Sheng Congwen avec son épouse Zhang Zhao (Domaine public)

Shen Congwen, un romancier de renom qui a été violemment persécuté par les communistes, est aussi un écrivain qui se transforme dans la nouvelle Chine de Chan Koon-chung. Bien que l’effondrement mental et d’autres trauma provoqués par les campagnes politiques communistes aient réduit Shen Congwen au silence jusqu’à sa mort en 1988, Chan Koon-chung lui fait écrire « Le survivant », un chef-d’œuvre comparable à « Cent ans de solitude » de García Márquez.

« On a une bonne base académique pour les romans » mentionne Chan Koon-chung en parlant de la littérature de sa patrie alternative. « Dans une Chine paisible et prospère, ces gens auraient pu faire du bon travail ».

D’autre part, l’écrivain a préféré de ne pas parler des écrivains de gauche bien connus dans la Chine actuelle. Dans son scénario de la victoire nationaliste, ces individus avec le reste des forces communistes s’échappent en Union soviétique et trouvent refuge en Crimée.

Il apparaît que l’auteur dresse aussi une chronologie parallèle au retrait réel de Parti nationaliste de Chiang Kai-shek à Taïwan. C’est aussi un possible hommage à « L’île de la Crimée », un roman de l’auteur soviétique Vassili Aksenov. Alors que la Crimée est une presqu’île, l’uchronie d’Aksyonov la présente entièrement détachée du continent européen. Dans ce livre, le gouvernement des ‘Russes blancs’, qui avaient combattu les bolcheviks de Lénine, survit sur « l’île » qui se développe en indépendance de la Russie continentale communiste. « Il aurait dû être publié depuis bien longtemps à Taïwan, mais il ne l’a pas été », a confié Chan Koon-chung.

Un autre personnage de Chan Koon-chung qui attire attention dans son roman est Zhang Dongsu, un érudit libéral de Hong Kong vivant à Pékin et très peu connu actuellement. En renversant les rôles littéraires, Chan Koon-chung fait que Zhang Dongsu envisage comment serait la Chine si les communistes avaient remporté la victoire. Il écrit ainsi un livre « Tuer Cent fleurs après l’épanouissement : Et si le Parti communiste avait régné sur la Chine ? » en faisant écho à la vraie campagne communiste de « Cent fleurs » des années 1950. Lors de cette campagne Mao avait encouragé les intellectuels à critiquer ouvertement le Parti communiste et les a ensuite impitoyablement persécuté après qu’ils aient exprimé leurs véritables pensées.

Malgré le progrès économique et la modération culturelle, les nationalistes ont aussi eu des problèmes. Chan Koon-chung montre clairement que, comme cela a été dans le cas de Taïwan après la Seconde Guerre mondiale, la Chine républicaine est restée un État autoritaire réprimant les voix démocratiques.

Si cette Chine va oui ou non se libéraliser et se démocratiser – ce qui c’est passé dans la réalité à Taïwan – n’est pas indiqué dans le livre. Pour son roman, Chan Koon-chung a étudié les carnets de bord et les documents relatifs à la vie des principaux fonctionnaires et dirigeants nationalistes, y compris ceux de Chiang Ching-kuo, fils et successeur de Tchang Kaï-chek.

Chan Koon-chung souligne dans son interview à Initium que les carnets de bord de  Chiang Ching-kuo s’arrêtent après 1979. Ainsi les motivations derrière sa politique visant à démocratiser Taïwan ne peuvent pas être facilement identifiées.

« Heureusement que je n’ai pas couvert cette partie », a-t-il précisé.

La suspense politique du roman fait aujourd’hui écho à un vrai dilemme du Parti communiste  en Chine : est-ce que le personnage fictif du Président Jianfeng aurait sacrifié le règne de son parti politique pour répondre aux besoins de son pays ?

Avec la contribution de Jenny Li

Version anglaise : What If China Never Went Communist? Hong Kong Author Envisions an Alternate History

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