Sainte-Soline, symbole de l’exacerbation des conflits d’aménagement

Par Epoch Times avec AFP
20 avril 2023 11:45 Mis à jour: 20 avril 2023 13:44

La manifestation contre les « méga-bassines » de Sainte-Soline (Deux-Sèvres) fin mars, qui s’est soldée par de violents affrontements, marque une exacerbation des conflits d’aménagement liée à l’urgence climatique, selon des chercheurs interrogés par l’AFP.

Mobilisation pour le parc de la Vanoise, lutte du Larzac, Plogoff, « camps d’été » à Bure, manifestation contre le barrage de Sivens ou occupation de Notre-Dame-des-Landes… « La France possède une longue tradition de conflits sur des enjeux d’aménagement », reconnaît Xavier Desjardins, professeur d’urbanisme à Sorbonne Université. Ce qui se justifie selon lui d’un point de vue militant, « car il est plus facile d’obtenir l’abandon d’un projet de centrale qu’un changement de système global ».

« La contestation prend des formes tactiquement différentes et se radicalise »

À la fin des années 2000, les premières ZAD (zone à défendre) ont marqué un tournant pour relocaliser les luttes face au peu d’effets des grands rassemblements altermondialistes sur les politiques publiques. « Aujourd’hui la contestation prend des formes tactiquement différentes et se radicalise », observe Philippe Subra, géographe et professeur émérite à l’Institut français de géopolitique. Il ne s’agit plus de défendre un site que l’on occupe mais d’occuper un site défendu par les forces de l’ordre. Contournements autoroutiers, fermes-usines, carrières, lignes LGV… À travers une mobilisation ponctuelle et massive, les opposants visent le même résultat qu’en occupant une ZAD pendant des années.

À Sainte-Soline, la mobilisation le 25 mars contre une retenue d’eau a révélé le rôle décisif des Soulèvements de la Terre (SLT) dans un événement qui a rassemblé 6000 à 8000 manifestants selon les autorités, 30.000 selon les organisateurs.

Procédure de dissolution contre SLT

Créé en 2021 dans la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, SLT se définit comme une « coalition large » d’associations, ONG, syndicats paysans… « C’est la tentative de construire un réseau de luttes locales » pour « établir un véritable rapport de force en vue d’arracher la terre au ravage industriel et marchand », explique son site internet. « SLT prolonge la structuration entamée dans les années 2010 à l’échelle nationale par le mouvement ‘contre les Grands projets inutiles et imposés’ (GPII) », observe Jean-Michel Fourniau, directeur de recherche émérite à l’université Gustave Eiffel. « L’organisation, très décentralisée, choisit quelques combats, leur donne une grande résonance médiatique puis passe à de nouveaux combats liés à l’urgence écologique, un thème nouveau », poursuit-il.

Pour le gouvernement, à Sainte-Soline, un cap a été franchi. Dénonçant « un déferlement inouï de la part d’individus armés et violents » proches de l’ultragauche, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a lancé une procédure de dissolution contre SLT. Pour SLT, « l’impératif politique » est d’obtenir « l’arrêt des chantiers », ce qui passe « par le désarmement collectif des infrastructures ». Un « sabotage » revendiqué.

Selon Gérald Darmanin, les services de renseignement enregistrent 42 projets susceptibles de « faire naître des contestations extrêmement violentes », dont l’autoroute reliant Toulouse et Castres. « Le niveau de violence est nettement plus élevé des deux côtés », observe le géographe Philippe Subra. En cause notamment, une perméabilité plus grande entre partisans de l’action violente et opposants pacifiques tentés de considérer la confrontation comme le seul moyen d’être entendus.

Concertation préalable et partage des ressources au cœur des tensions

Autre facteur de mobilisation, le sentiment d’un passage en force des projets, faute de concertation. « Alors que les droits de la participation ont progressé en France depuis les années 1990, plusieurs lois ont fait régresser ces droits depuis 2017 », regrette Jean-Michel Fourniau. Selon lui, beaucoup de grands projets échappent ainsi aujourd’hui à une concertation préalable, et de nouvelles lois pourraient « évacuer les infrastructures ‘vertes’ du débat public afin d’aller plus vite ».

De plus, certains enjeux comme l’eau « sont gérés par des syndicats techniques, loin du regard des citoyens, sans jamais construire de débat sur le partage de la ressource », observe Xavier Desjardins. Tant et si bien que certains projets d’aménagement autrefois considérés comme allant de soi semblent désormais obsolètes. « On est en train de quitter une culture de l’aménagement qui consistait à moderniser et à équiper le territoire, à une culture du ‘ménagement’ où les objectifs de préservation des paysages, des écosystèmes et du climat pèseront beaucoup plus lourds », prévoit M. Subra.

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