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Service militaire par tirage : l’Allemagne relance un débat explosif

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Des soldats de l'armée allemande Bundeswehr participent à un exercice dans le port de Hambourg lors de l'entraînement Red Storm Bravo, le 25 septembre 2025.

Photo: TOBIAS SCHWARZ/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 4 Min.

La question d’un éventuel tirage au sort pour compléter les rangs de l’armée allemande divise la coalition au pouvoir à Berlin et préoccupe une jeunesse déjà inquiète face à la menace russe. En arrière-plan, l’incertitude plane quant à l’engagement militaire des États-Unis de Donald Trump en Europe et aux ambitions de la Russie de Vladimir Poutine.

Le chancelier Friedrich Merz a promis de doter l’Allemagne de « l’armée conventionnelle la plus puissante d’Europe ». Mais au sein du gouvernement, conservateurs et sociaux-démocrates peinent à s’accorder sur la méthode pour y parvenir.

Une stratégie de recrutement contestée

Depuis la fin du service militaire obligatoire en 2011, la Bundeswehr mise sur le volontariat et une communication axée sur les réseaux sociaux pour renforcer son image dans un pays profondément marqué par le pacifisme. Toutefois, les conservateurs redoutent que cette approche ne suffise pas et plaident pour inclure dans la future loi sur la défense un mécanisme de « tirage au sort », en cas de manque de volontaires.

Le ministre de la Défense, Boris Pistorius, issu du Parti social-démocrate (SPD), s’y est opposé, refusant mardi de valider un compromis trouvé entre députés conservateurs et sociaux-démocrates.

Tensions au sein de la coalition

Ce refus a suscité de vives réactions. Le vice-président du groupe parlementaire conservateur, Norbert Röttgen, a accusé Pistorius de « torpiller de front une procédure législative importante ».

Interrogé par le journal Frankfurter Allgemeine Sonntagszeitung, Friedrich Merz a déclaré avoir « de la sympathie » pour la solution rejetée par son ministre de la Défense, relançant ainsi la polémique.

Mais les réserves ne proviennent pas uniquement du SPD. Patrick Sensburg, président de l’Association des réservistes de la Bundeswehr, a critiqué cette idée dans un entretien à Politico, estimant qu’un tirage au sort donnerait l’impression que « l’on tire à la courte paille ».

L’opinion publique partagée

Le débat suscite une vive émotion chez les jeunes Allemands. « C’est comme jouer à la loterie, tout dépend si vous avez de la chance ou non », témoigne Stefan Brunnecke, directeur d’école et père de deux garçons de 18 ans.

Leonhardt Roitsche, étudiant de 21 ans, partage ce scepticisme : « Je comprends que nous ayons besoin d’une armée compétente, mais je ne pense pas qu’une année de service militaire pour les jeunes de 18 ans soit nécessairement la bonne solution. »

Objectif : 460.000 militaires en 2035

Aujourd’hui, la Bundeswehr compte environ 180.000 soldats et 49.000 réservistes. Le projet de loi actuellement discuté au Parlement vise, d’ici 2035, une force totale de 460.000 personnes – dont 260.000 d’active et 200.000 réservistes. L’adoption définitive de la réforme est prévue pour le début de l’année 2026.

Des experts appellent à la prudence

Pour Rafael Loss, analyste au European Council on Foreign Relations, le débat est prématuré : « La mise en place des infrastructures nécessaires à la sélection et à la formation des recrues prendra des années », avertit-il, estimant que « précipiter les choses pourrait réduire la capacité de combat à court terme ».

Patrick Keller, du centre de réflexion DGAP, salue la campagne de recrutement actuelle mais doute de son efficacité en raison du vieillissement démographique et des tensions sur le marché du travail. « Je pense qu’il est bon que nous parlions ouvertement de cette question », note-t-il toutefois, rappelant que « le service obligatoire constitue toujours une atteinte massive à la liberté individuelle. »

Avec AFP