En souvenir du massacre de la place Tiananmen

Par Epoch Times
4 juin 2019 07:00 Mis à jour: 13 juillet 2019 12:28

Par Mei CHEN

Un si grand arbre
Ta tête frôle le ciel, tes pieds foulent le sol
Te tenant debout, droit, au milieu des rafales de vent et des averses
Toujours à la verticale, sous les déferlements de neige et de grésil
« Viens », dis-tu à la tempête
Penche-toi sur les contes que mes feuilles vertes soufflent
Sens leur allégresse et leur douleur

Il s’agit d’une chanson désormais inconnue écrite par un artiste en l’honneur de Hu Yaobang, ancien secrétaire général du Comité central du Parti communiste chinois, qui est décédé le 15 avril 1989. Sa mort a marqué le début du mouvement étudiant qui a mené au tristement célèbre massacre de la place Tiananmen le 4 juin 1989.

Mes yeux se remplissent de larmes quand je pense à cette chanson, non pas pour Hu Yaobang, mais pour ma patrie, la Chine.

Hélas, Chine, où sont passées cette sagesse, cette beauté et cette justice qui vous furent autrefois si chères ? La violence communiste et la corruption vous ont anéantie pendant 70 ans. Beaucoup de jeunes courageux ont donné leur vie pour vous préserver, mais le siècle dernier n’a pas été bon pour vos fils et vos filles. Aujourd’hui, je suis une fière citoyenne des États-Unis, mais mon cœur aspire toujours à ce que ma patrie retrouve sa pleine gloire.

C’est dans cet esprit que je m’assois pour écrire sur le massacre de la place Tiananmen à l’approche de son 30e anniversaire.

La plus grande tromperie du Parti

La culture chinoise est magique, et sa langue a des secrets. Si vous savez lire les caractères chinois traditionnels, les secrets du monde peuvent se révéler à vous.

Par exemple, l’idéogramme 黨 (parti politique) est composé des caractères 尚 (aspirent à) et 黑 (noirceur ou obscurité), mais 國 (pays) est composé de 囗 (enceinte murée), 戈 (arme), 一 (un) et 口 (bouche, ou personne). Cela révèle qu’un parti politique a tendance à faire des mauvais tours et qu’un pays exige que chacun le protège avec des armes.

Depuis que le Parti communiste chinois a pris le pouvoir en Chine en 1949, le plus grand tour qu’il a joué au peuple chinois (et au monde) a été de confondre le sens de ces deux mots. Chaque jour, la machine à propagande assimile les « enfants de Chine » aux « enfants du Parti », et au lieu de « Mère Chine », elle dit « Mère Parti ». Au lieu de « sacrifice pour le pays », on parle de « sacrifice pour le Parti ».

Le peuple chinois est un peuple nationaliste, et avec le détournement du mot « pays » par le « Parti », les dernières générations de Chinois ont vécu dans une réalité déformée. En tant qu’enfants, vous êtes liés par le devoir d’aimer, de pardonner et de protéger votre mère. C’est tragique si vous croyez que votre « mère » est le Parti communiste.

Malgré tous les torts commis par le Parti – les morts injustifiées causées par le mouvement Anti-droite, la famine de masse du Grand Bond en avant, les effusions de sang dues à la Révolution culturelle, et ainsi de suite – les fils et filles ont pardonné au Parti. La logique du Parti prétend que le Parti est toujours « grand, sage et droit », ou quand il ne l’est pas, qu’il s’autocorrigera pour être toujours « grand, sage et droit ».

Événements ayant mené au massacre

Pendant la Révolution culturelle de 1966 à 1976, le Parti a qualifié de nombreuses couches de la société de « contre-révolutionnaires ». Les intellectuels se classaient au neuvième rang, alors ils ont été étiquetés les « Stinky Niners » (les neuvièmes puants).

Afin de ne plus générer de Stinky Niners, on a mis un stop à l’éducation universitaire dans le pays. Tous les étudiants ont dû déménager à la campagne pour recevoir une rééducation de la part des paysans. Les élèves devaient se « glorifier » en ayant les pieds tachés de bouse de vache et le corps infesté de poux.

Le politiquement correct devait être pratiqué quotidiennement en récitant le Petit Livre rouge de Mao Zedong. Tout désir autre que celui de lire les journaux politiques ou les directives du Comité central du Parti était probablement voué à ne jamais se voir réaliser.

Avec le décès de Mao en 1976, cette emprise a perdu son homme fort. Même si les dirigeants du Parti avaient leur propre approvisionnement assuré en produits de première nécessité, ils pouvaient s’offrir un peu plus de luxe. Deng Xiaoping a pris la tête de la machine du Parti et a déclaré la nécessité du développement économique.

En 1977, l’université a repris ses activités. Le pays avait grand besoin de Stinky Niners, du moins dans les domaines de la science et de la technologie. La domination de la « Mère Parti communiste » ne serait pas très grande sur la scène mondiale à moins d’avoir quelques intellectuels dans l’immédiat.

Deng Xiaoping s’est également rendu compte de la faiblesse de l’économie centralement planifiée, alors il a commencé à distribuer des terres agricoles aux paysans individuels, et il a privatisé certaines affaires d’État. Le processus de privatisation a fortement favorisé les cadres du Parti et leurs cercles internes. Les germes de la corruption étaient alors semés.

Avec une société plus ouverte, les Chinois ont commencé à se renseigner un peu sur le monde extérieur. Même certains chefs du Parti ont été attirés par la démocratie de style occidental qu’ils voyaient dans le monde extérieur. Hu Yaobang était le plus haut dirigeant du Parti ainsi affecté.

En 1986, les collèges et les universités de toute la Chine organisaient des élections d’étudiants. La démocratie a fait un petit pas en avant lorsque les étudiants ont été autorisés à voter pour leurs propres présidents d’associations d’étudiants, au lieu d’être nommés par les branches des comités du Parti.

Mouvement des étudiants

 À Shanghai, les étudiants sont devenus un peu ambitieux. Ils estimaient que les représentants du peuple devraient être élus par le peuple au lieu d’être nommés par les branches locales du Parti communiste.

Il y a d’abord eu de petites protestations, puis des protestations plus importantes, et ensuite des étudiants de tout le pays se sont joints aux protestations. Les chefs du Parti dirigés par M. Deng y voyaient un signe avant-coureur que l’idéal démocratique occidental était dangereux pour le régime du parti unique. La machine de propagande a fonctionné des heures supplémentaires pour écraser « l’anarchisme capitaliste ».

22 avril 1989 : Plusieurs centaines des 200 000 manifestants étudiants pro-démocratie font un face-à-face avec des policiers à l’extérieur de la Grande Salle du peuple sur la place Tiananmen à Pékin, alors qu’ils prennent part à la cérémonie funéraire de l’ancien dirigeant du Parti communiste chinois et réformateur libéral Hu Yaobang. (©Getty Images | CATHERINE HENRIETTE

Hu Yaobang a été contraint de démissionner, et il a admis qu’il avait été trop clément sur la question de l’anarchisme capitaliste. Le mouvement étudiant a été écrasé en 27 jours. Les élèves sont retournés à l’école, mais ils se sont souvenus de Hu Yaobang comme de leur héros. Sur les sept membres du comité qui ont forcé Hu à démissionner, la seule voix dissidente était celle de Xi Zhongxun, le père de l’actuel chef du parti, Xi Jinping.

Depuis le début de la réforme économique de Deng Xiaoping en 1979, le pays a suivi deux voies parallèles selon les deux théories célèbres de Deng Xiaoping. L’une des pistes est l’adhérence douce et économique : « Chat noir ou chat blanc, tant qu’il attrape des souris, c’est un bon chat. » L’autre piste, c’est l’emprise politique serrée : « Quatre principes fondamentaux : premièrement, suivre la voie du socialisme ; deuxièmement, mettre l’accent sur la règle des démunis[changée plus tard en ‘règle particulière de la démocratie populaire’] ; troisièmement, mettre l’accent sur l’autorité du Parti communiste chinois ; quatrièmement, mettre l’accent sur le marxisme/léninisme et le maoïsme. »

Le mouvement étudiant était perçu comme une campagne malveillante d’influence occidentale en faveur d’un coup d’État en douceur pour usurper le pouvoir du Parti en Chine. La machine du Parti pensait qu’il s’agissait d’une tactique de l’Amérique impériale et de l’Occident en général. En effet, on pourrait dire qu’ils avaient raison sur le désir de l’Occident de transformer pacifiquement la Chine en une véritable démocratie. Cependant, le Parti considérait cette intention comme une guerre non déclarée, et il l’a souvent dit au peuple chinois.

Le Parti était bien éveillé à cette « guerre », mais la « guerre » a été menée sans grand préavis par les Américains. Aujourd’hui, une tentative de « transformation pacifique » du socialisme est en train de se faire directement aux États-Unis. L’accord de l’Organisation mondiale du commerce de l’ère Clinton a donné une ouverture au Parti communiste chinois.

M. Hu a subi une crise cardiaque et est décédé le 15 avril 1989. Des étudiants de tout le pays sont spontanément descendus dans la rue pour pleurer son décès. Des étudiants de la région de Pékin se sont rassemblés sur la place Tiananmen.

Cet événement est devenu un paratonnerre qui a déclenché l’insatisfaction refoulée des étudiants face à l’état du pays : forte inflation, chômage et corruption étatique, ainsi qu’un manque de liberté politique, de presse et de rassemblement.

Ils espéraient que le Parti « grand, sage et toujours droit » y verrait un acte de patriotisme. Après tout, ces étudiants s’étaient fait dire à maintes reprises qu’ils étaient l’espoir du Parti (et du pays) et qu’ils étaient la crème de la crème, considérant que seul un très faible pourcentage de diplômés du lycée pouvait se rendre à l’université à ce moment-là.

Il y avait une faction au sein du Parti, dont le dirigeant de l’époque, Zhao Zhiyang, qui était sympathique à leur cause. Malheureusement, M. Deng le voyait très différemment. Il était convaincu que c’était le signe avant-coureur d’une prise de pouvoir capitaliste. Pour lui, la stabilité du pouvoir du Parti était primordiale, le pacifisme n’a pas sa place et le dialogue doit être inflexible.

On peut imaginer le désespoir des étudiants. Ils ont décidé de faire la grève de la faim et ont érigé une réplique de la statue de la Liberté sur la place. Des étudiants de 400 villes ont exprimé leur soutien.

M. Deng fit la déclaration tristement célèbre qu’il y aurait effusion de sang si nécessaire en échange de 20 années supplémentaires de stabilité. Le Parti a décidé de disperser les manifestants par la force militaire. Un couvre-feu a été ordonné à partir du 20 mai, et entre le soir du 3 juin et le matin du 4 juin, l’Armée de libération est arrivée sur la place avec des chars.

Les responsables du Parti ont refusé de communiquer les données sur les victimes. Certains Chinois savaient seulement que le Parti communiste avait expulsé de manière décisive des émeutiers malfaisants et des étudiants qui étaient devenus les marionnettes de certaines forces anti chinoises. Les dirigeants étudiants du mouvement étaient tous étiquetés « émeutiers anti révolutionnaires » et des mandats d’arrêt ont été délivrés contre eux.

Plus tard, le Parti a commencé à procéder à des arrestations massives de participants aux « émeutes », non seulement à Pékin, mais aussi dans d’autres lieux. Les estimations non officielles du nombre de victimes vont de centaines à des dizaines de milliers. De cette façon, la démocratie naissante en Chine a été écrasée.

Depuis le massacre de la place Tiananmen, le 4 juin est considéré comme une date « sensible » pour le Parti. Des pressions constantes ont été exercées sur le régime chinois pour qu’il corrige l’étiquette d’ « émeute » qui avait été donnée au mouvement étudiant de 1989.

(PHILIPPE LOPEZ/AFP/GettyImages)

L’histoire de Fang Zheng

En ce matin fatidique du 4 juin, Fang Zheng était l’un des étudiants qui manifestaient sur la place Tiananmen. Le jeune Fang était un étudiant diplômé de l’Université d’athlétisme de Pékin et mesurait presque 1,80 m. Une jeune camarade de classe était avec lui.

Lorsque les troupes du couvre-feu ont ordonné aux élèves de quitter la place, ils sont sortis par l’angle sud-est de la place, en descendant la rue West Chang’an. Tout d’un coup, il a vu des chars d’assaut se diriger rapidement vers eux par-derrière. Dans un moment d’adrénaline, il a poussé sa camarade de classe par-dessus la barrière des vélos, mais il était trop tard pour qu’il puisse s’échapper du réservoir.

Son dernier souvenir avant de s’évanouir fut de voir du coin de l’œil le canon du char d’assaut, puis de voir les os blancs de ses jambes se faire écraser. Il s’est réveillé 24 heures plus tard dans une salle de réunion de l’hôpital JiShuiTan près de la place, avec un cercle de personnes qui le surplombaient. Il se demandait alors si ce n’étaient pas des anges, parce qu’avec sa stature, il n’avait pas l’habitude de voir quelqu’un planer au-dessus de lui.

Il lui a été douloureux de raconter les 20 années suivantes de sa vie en Chine. L’université a refusé de lui délivrer un diplôme. Ils lui ont intentionnellement fait manquer la séance photo de remise des diplômes avec ses camarades de classe afin de ne pas laisser de traces dans un dossier historique.

Il a été soumis à d’innombrables interrogatoires pour le contraindre à nier avoir été écrasé par un char de l’armée. Ils ont laissé expirer sa carte d’étudiant sans lui en délivrer une nouvelle. M. Fang a travaillé à des petits boulots pour gagner sa vie jusqu’à ce qu’il parvienne enfin à quitter la Chine en 2009.

Aujourd’hui, il est président du China Democracy Fund. Il consacre sa vie à une éventuelle démocratie en Chine. Il n’est pas optimiste à court terme, mais il est sûr que la démocratie s’installera en Chine à long terme.

L’histoire de Feng Congde

Feng Congde était le commandant en chef adjoint du mouvement étudiant de la place Tiananmen. Les dirigeants étudiants ont accordé une grande importance à la pureté du mouvement en refusant de laisser participer des étrangers, estimant probablement que le Parti serait plus coopératif.

M. Feng a échappé à l’arrestation et s’est caché en Chine pendant 10 mois avant de s’enfuir à l’étranger. Il était étudiant et terminait sa dissertation de fin d’études sur l’intelligence artificielle à la prestigieuse Université de Pékin. Il était un poursuivant idéaliste de la démocratie occidentale, qu’on appelait la « Civilisation Bleue », faisant référence à la civilisation occidentale de l’autre côté de l’océan. En revanche, la civilisation chinoise a été appelée la « Civilisation Jaune », se référant à la culture du fleuve Jaune.

À l’époque, il était un athée convaincu, éduqué par le Parti. Cependant, alors qu’il se cachait, il a été hébergé par un groupe d’étrangers qui pratiquaient le qigong, un type de discipline spirituelle. Le groupe prenait un risque extrêmement élevé en le cachant. Les membres du groupe croyaient que la bonne voie pour la Chine était de suivre la voie harmonieuse de la Civilisation Jaune, et non la démocratie occidentale. Cependant, ils pensaient que le régime avait tort de persécuter les étudiants.

Pendant que M. Feng se cachait avec eux, chaque sirène dans la rue et chaque coup à la porte le faisait trembler de peur. Il pria Bodhisattva Guanyin, une divinité que le groupe vénérait, pour sa protection. Il pensait que c’était de la superstition à l’époque et n’y croyait pas, mais il se sentait redevable envers ses sauveteurs, alors par respect pour eux, il a décidé que s’il allait prier avec eux, cela allait devoir être sincère de sa part. C’est ainsi qu’il a vécu son expérience de prière, et ce qui lui est arrivé par la suite l’a fait réévaluer son athéisme.

Il était un leader éminent du mouvement étudiant, et un mandat d’arrêt avec sa photo était affiché partout. Mais d’une manière ou d’une autre, à trois reprises au cours de son évasion, lorsqu’il a failli rencontrer des agents de police ou des soldats, ils ont semblé ne pas remarquer sa présence. Il estimait que c’était inexplicable.

Les membres du groupe lui ont dit que c’était Guanyin qui le protégeait et le dissimulait à la vue de tous. Il était intrigué et a commencé à pratiquer le qigong avec le groupe lorsqu’il s’est caché dans une cabane en montagne pendant trois mois. Sa vision de la Civilisation Jaune a complètement changé.

M. Feng s’est finalement enfui en France en passant par Hong Kong. Là-bas, il a changé ses études pour la religion. Interrogé sur ce qu’il pensait 30 ans après le massacre de la place Tiananmen, il a déclaré qu’il s’était profondément rendu compte que la République populaire de Chine (RPC) n’était pas du peuple, n’était pas une république, ni même chinoise (dans la culture). Le communisme de la RPC vient du marxisme, importé de l’Occident.

« Lorsque le monde partagera la valeur du républicanisme, a-t-il dit, le monde jouira d’une splendide prospérité. Les pères fondateurs de l’Amérique ont fait de l’Amérique une république. » M. Feng estime que le républicanisme est aussi l’essence de la « Civilisation Jaune ».

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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