Logo Epoch Times
Pollution industrielle

Tunisie : grève générale à Gabès contre une usine polluante

Commerces et bureaux fermés, habitants appelés à descendre dans les rues : la ville de Gabès, dans le sud tunisien est "paralysée" mardi par une grève générale pour réclamer le démantèlement d'un complexe industriel polluant, selon des sources syndicales et un correspondant de l'AFP.

top-article-image

Des parties d'une usine publique de traitement de phosphate dans la ville méridionale de Gabès, le 21 octobre 2025.

Photo: MOHAMED KHALIL/AFP via Getty Images

author-image
Partager un article

Durée de lecture: 4 Min.

Gabès, agglomération tunisienne de 400.000 habitants, vit au rythme d’une mobilisation sans précédent. Depuis deux semaines, la population descend dans la rue pour exiger la fermeture immédiate d’une usine d’engrais accusée d’empoisonner ses enfants. Plus de 200 cas d’intoxication ont été recensés depuis début septembre, touchant principalement les plus jeunes.
 

Un mouvement suivi « à 100% »

Ce mardi, la ville côtière a basculé dans la grève générale. Selon Saoussen Nouisser, responsable de l’antenne régionale de l’UGTT (syndicat), le mouvement est suivi « à 100% ». Avocats, fonctionnaires et citoyens ordinaires se sont rassemblés devant le siège syndical avant une grande manifestation prévue dans l’après-midi.

Des parties d’une usine publique de traitement de phosphate dans la ville méridionale de Gabès, le 21 octobre 2025. (MOHAMED KHALIL/AFP via Getty Images)

« Notre ville est sinistrée »

« La ville est paralysée, tout est fermé à Gabès. Nous sommes tous en colère contre la situation environnementale catastrophique dans notre ville sinistrée », s’indigne Saoussen Nouisser. Pour elle, cette grève constitue une « réponse aux promesses non tenues du pouvoir qui ne fait rien pour sauver la ville ».
Au cœur de la controverse : le complexe du Groupe chimique tunisien (GCT), une usine étatique inaugurée en 1972 en bord de mer. Dénoncée depuis des années pour ses pratiques polluantes, l’installation utilise de l’acide sulfurique et de l’ammoniac pour produire des engrais à base de phosphates. Les résidus gazeux et solides sont rejetés directement dans l’environnement, sans traitement adéquat.
Selon plusieurs experts, la récente intensification des émanations toxiques s’explique par l’augmentation de la production sur des équipements obsolètes et dangereux.

Répression et violences

La semaine dernière, des vidéos montrant des élèves secourus après des malaises ont déclenché une vague d’indignation. Des milliers d’habitants sont descendus dans la rue mercredi dernier, dans une mobilisation qualifiée d’inédite depuis plusieurs années.
La manifestation a été dispersée par des tirs massifs de gaz lacrymogènes. Plusieurs dizaines de personnes ont été arrêtées. Le porte-parole de la Garde nationale, Houcem Eddine Jebabli, a justifié cette « fermeté » en évoquant des « agressions » contre les forces de l’ordre, affirmant qu’elles auraient été « la cible de plus de 50 fumigènes incendiaires et de 800 cocktails molotov, en plus de vols et pillages ».

Entre promesses et réalité économique

En 2017, les autorités tunisiennes s’étaient engagées à démanteler le complexe pour le remplacer par une installation conforme aux normes internationales. Mais l’usine emploie 4.000 personnes dans une région frappée par le chômage, rendant toute décision complexe.
Pour le président Kais Saied, l’exploitation des mines de phosphates – principale richesse naturelle du pays – demeure « un pilier fondamental » de l’économie tunisienne. Un dilemme entre santé publique et impératifs économiques qui perdure.
Face à la pression, le ministre de l’Équipement Salah Zouari a récemment annoncé « des mesures urgentes » à mettre en œuvre dans un délai de « trois à six mois », après la désignation d’entreprises chinoises « pour traiter les émissions de gaz ». Des promesses qui peinent à rassurer une population excédée par des années d’attente et de souffrances.
Avec AFP