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France Inter suspend Thomas Legrand après des propos controversés sur Rachida Dati

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France Inter a annoncé vendredi soir la suspension d'antenne à titre conservatoire de son chroniqueur Thomas Legrand, suite à la diffusion d'une vidéo le montrant tenir des propos litigieux concernant la ministre de la Culture Rachida Dati devant des responsables du Parti socialiste.

Photo: : PATRICK KOVARIK/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 9 Min.

France Inter a annoncé vendredi soir la suspension d’antenne à titre conservatoire de son chroniqueur Thomas Legrand, suite à la diffusion d’une vidéo le montrant tenir des propos litigieux concernant la ministre de la Culture Rachida Dati devant des responsables du Parti socialiste. Cette affaire, révélée par le mensuel L’Incorrect, soulève des questions cruciales sur la déontologie journalistique et l’indépendance du service public audiovisuel à moins de deux ans des élections municipales parisiennes.

Une vidéo compromettante filmée à l’insu des participants

L’enregistrement, réalisé en juillet dernier dans un restaurant parisien à l’insu des participants, révèle des déclarations troublantes de Thomas Legrand. « Nous, on fait ce qu’il faut pour Dati, Patrick (Cohen) et moi », déclare l’éditorialiste politique, faisant explicitement référence à son opposition à la candidature de la ministre à la mairie de Paris lors des municipales de 2026.
Cette séquence montre le journaliste de France Inter et chroniqueur à Libération s’exprimant devant Pierre Jouvet, secrétaire général du Parti socialiste, et Luc Broussy, président du conseil national du PS. Patrick Cohen, également chroniqueur sur France Inter et France Télévisions, participait à cette rencontre informelle au cours de laquelle les deux journalistes analysaient la situation politique parisienne.
Rachida Dati, officiellement investie par Les Républicains en août dernier pour les municipales de 2026, dispose d’une équipe de campagne déjà structurée et bénéficie d’une position favorable dans les sondages pour reconquérir l’Hôtel de Ville.

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Une réaction immédiate du service public

« Nous avons décidé de suspendre Thomas Legrand de l’antenne à titre conservatoire. Il ne sera pas à l’antenne ce dimanche », a réagi France Inter dans un communiqué laconique. Cette décision intervient dans un contexte où la radio publique fait l’objet d’une attention particulière concernant le respect de la pluralité et de l’indépendance journalistique.
Thomas Legrand, figure de l’éditorial politique de France Inter depuis 2008, avait récemment modifié son rôle au sein de la station. Estimant avoir « fait le tour de la question », il avait cessé son émission matinale quotidienne en juin 2025 pour se consacrer à une nouvelle émission hebdomadaire, tout en conservant ses chroniques dominicales.
Cette suspension marque un tournant dans la carrière du journaliste de 62 ans, reconnu pour ses analyses politiques incisives mais parfois polémiques. Sa double casquette à France Inter et Libération, bien que légale, soulève régulièrement des interrogations sur les conflits d’intérêts potentiels.

Les accusations de Rachida Dati et la réponse du journaliste

La ministre de la Culture n’a pas tardé à réagir sur le réseau social X, demandant explicitement des sanctions contre les deux chroniqueurs. « Des journalistes du service public et Libération affirment ‘faire ce qu’il faut’ pour m’éliminer de l’élection à Paris. Des propos graves et contraires à la déontologie qui peuvent exposer à des sanctions. Chacun doit désormais prendre ses responsabilités », a-t-elle écrit.
Face à ces accusations, Thomas Legrand a tenté de nuancer ses propos auprès de l’AFP vendredi soir. « Mon travail est de combattre les mensonges de Mme Dati et son attitude face à la presse. Je ne la combats pas politiquement », a-t-il affirmé, cherchant à distinguer son rôle journalistique d’un engagement partisan.
Cette défense apparaît cependant fragile au regard des termes employés dans la vidéo, qui suggèrent une coordination explicite avec Patrick Cohen dans une démarche clairement hostile à la candidature de Rachida Dati. Le journaliste s’est par ailleurs refusé à tout commentaire concernant sa suspension par France Inter.

Un enjeu déontologique majeur pour l’audiovisuel public

Cette affaire intervient à un moment particulièrement sensible pour France Inter et plus largement Radio France. L’institution publique fait face à des critiques récurrentes concernant l’orientation politique perçue de ses programmes, notamment de la part de la droite et de l’extrême droite qui dénoncent régulièrement un parti pris de gauche.
La proximité révélée entre deux chroniqueurs influents du service public et des responsables socialistes, dans un contexte d’analyse stratégique électorale, pose des questions fondamentales sur l’indépendance journalistique. Cette situation rappelle les polémiques récurrentes autour des relations entre journalistes et responsables politiques, particulièrement dans l’écosystème médiatique parisien.
Patrick Cohen, également impliqué dans cette rencontre, n’a pas fait l’objet de sanctions annoncées à ce stade, bien qu’il apparaisse clairement dans la vidéo comme participant aux échanges. Cette différence de traitement pourrait soulever des interrogations sur la cohérence de la réponse institutionnelle.

Les enjeux parisiens de 2026 déjà sous tension

Les élections municipales parisiennes de 2026 s’annoncent particulièrement disputées, avec de nombreux candidats déjà déclarés depuis l’annonce d’Anne Hidalgo de ne pas briguer un troisième mandat. Rachida Dati figure parmi les candidats les mieux perçus dans les sondages, aux côtés de Gabriel Attal, et pourrait bénéficier d’un soutien élargi au-delà des Républicains.
Cette affaire Legrand-Cohen intervient donc dans un contexte électoral déjà tendu, où les stratégies de communication et d’influence médiatique revêtent une importance cruciale. La révélation de cette vidéo par L’Incorrect, mensuel fondé par des proches de Marion Maréchal et revendiquant une ligne « conservatrice », s’inscrit également dans une logique de guerre médiatique entre différentes sensibilités politiques.

L’Incorrect, un acteur médiatique engagé

Le rôle de L’Incorrect dans cette révélation mérite d’être souligné. Fondé en 2017 par des proches de Marion Maréchal, ce mensuel se revendique « conservateur » et milite pour une union des droites. Sa décision de diffuser cette vidéo s’inscrit dans une stratégie éditoriale assumée de remise en cause de ce qu’il perçoit comme l’hégémonie de la gauche dans les médias mainstream.
Cette publication illustre les nouveaux équilibres médiatiques français, où des supports ouvertement idéologiques jouent un rôle croissant dans la révélation d’affaires politico-médiatiques. L’efficacité de cette stratégie, mesurée à l’aune de la suspension immédiate de Thomas Legrand, témoigne de l’influence grandissante de ces nouveaux acteurs dans le paysage informationnel.

Des conséquences durables pour l’écosystème médiatique

Au-delà du cas particulier de Thomas Legrand, cette affaire pourrait avoir des répercussions durables sur les pratiques journalistiques et les relations entre médias et responsables politiques. Elle souligne la nécessité pour les journalistes du service public de maintenir une distance claire avec les acteurs politiques, particulièrement dans des contextes électoraux.
La suspension de Thomas Legrand constitue un précédent qui pourrait influencer les comportements futurs des éditorialistes et chroniqueurs politiques, les incitant à plus de prudence dans leurs échanges privés avec les responsables partisans. Elle rappelle également que l’ère numérique ne tolère plus l’étanchéité traditionnelle entre sphères publique et privée, particulièrement pour les personnalités médiatiques exposées.