Yves Jego : « La mise en œuvre d’un protectionnisme aux frontières de l’Europe est indispensable »

Par Julian Herrero
6 juin 2025 16:21 Mis à jour: 6 juin 2025 18:38

ENTRETIEN – La désindustrialisation de la France n’a jamais occupé une place aussi importante dans le débat public qu’aujourd’hui. Et pour cause, avec la fermeture de nombreux sites industriels ou des plans de licenciement massifs. En 2024, 119 usines ont fermé en France, selon le baromètre industriel de l’État. Si Emmanuel Macron défend, depuis sa première élection, sa politique de réindustrialisation de la France, d’autres estiment que le chef de l’État a simplement ralenti le déclin de l’appareil productif français.

Yves Jego est ancien secrétaire d’État à l’Outre-mer, porte-parole et fondateur de la certification Origine France garantie. Il constate que les gouvernements qui se sont succédé, malgré leurs efforts, n’ont malheureusement pas su mettre un terme à ce phénomène. L’ancien député préconise la mise en place d’un protectionnisme mesuré pour préserver l’industrie française et européenne.

Epoch Times : Diriez-vous qu’aujourd’hui, la France est en train de se réindustrialiser ou au contraire toujours en phase de désindustrialisation ? La politique menée par Emmanuel Macron depuis 2017 visant à réindustrialiser la France n’a donc pas été à la hauteur ?

Yves Jego : Malheureusement, nous sommes toujours en phase de désindustrialisation. Les efforts des différents gouvernements et les quelques ouvertures d’usines n’ont pas enrayé ce désastre.

La politique menée par Emmanuel Macron n’a visiblement pas été suffisante. Tant qu’il n’y aura pas de grande ambition française et européenne en faveur de l’économie de production, la guerre commerciale menée par l’Amérique et la concurrence des pays low-cost rendront nos efforts vains.

Vous avez parlé « d’ambition européenne ». Par quoi pourrait-elle se concrétiser ?

Mettons en œuvre le rapport Draghi publié en septembre 2024. Son application nous permettrait à la fois d’investir dans la réindustrialisation de l’Europe pour gagner en souveraineté et continuer le combat pour que l’énergie soit moins chère.

Je rappelle que l’un des grands atouts des États-Unis pour attirer les entreprises est d’avoir une énergie bon marché.

Par ailleurs, nous devons impérativement protéger nos frontières. On ne peut pas continuer à laisser des produits chinois ou asiatiques envahir le marché européen et tuer notre industrie.

La mise en œuvre d’un protectionnisme aux frontières de l’Europe est indispensable. Ne laissons pas Donald Trump et Xi Jinping se répartir les parts du gâteau.

Le protectionnisme est donc pour vous une solution viable pour réindustrialiser le pays ?

S’il est mis en œuvre de manière intelligente et mesurée, il n’y a pas de raison de l’exclure. Il ne faut simplement pas se diriger vers un « ultra protectionnisme ». Cela tuerait notre modèle économique.

Les droits de douane à 50 % sur l’aluminium et l’acier sont entrés en vigueur le 4 juin. L’Europe a-t-elle réellement les moyens de répondre à l’Amérique de Trump ?

Si l’Europe était une unité à la fois économique et politique et que les États étaient capables de mettre de côté leurs divergences, elle aurait les moyens de répondre et de rester le premier marché du monde.

Malheureusement, elle n’a pas été construite de cette manière et aujourd’hui, elle n’est pas en mesure d’unir ses forces pour répondre à Donald Trump.

Mais le plus dangereux est peut-être vis-à-vis des Chinois puisque je rappelle que la balance commerciale de l’Europe à l’égard de l’Empire du Milieu est négative.

Et quand la Chine réalisera qu’elle ne pourra plus autant exporter aux États-Unis, elle inondera l’Europe de produits à bas coûts.

Nous en voyons déjà les prémices avec les entreprises Shein et Temu dans le secteur du textile.

Pour rebondir sur la Chine. Y a-t-il pour vous, de la part des Européens, un manque de prise de conscience de la menace que représente Pékin, notamment d’un point de vue commercial ?

Les entreprises en prennent conscience. Certains secteurs comme le textile subissent de plein fouet cette concurrence non régulée.

Ça sera l’automobile demain, mais malheureusement, les autorités politiques semblent aphones et n’entendent toujours pas mener un bras de fer avec Pékin. Tandis que l’on combat le lion américain à la porte d’entrée, le loup chinois rentre par la cuisine.

Pourquoi nos élites politiques ne comprennent-elles pas le danger que peut représenter la Chine sur ce sujet ?

Le patronat, en France comme en Europe, favorise largement la délocalisation et considère qu’il faut désormais laisser aux Chinois le soin de produire la plupart des biens dont nous avons besoin.

Cette philosophie patronale a largement influencé le monde politique et l’a ainsi empêché de prendre conscience d’un danger qui nous guette : l’absence de souveraineté et la privation de nos libertés premières au profit de ceux qui tiendront la consommation à bout de laisse.

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