A Paris, 450 ans après, un lieu en hommage aux victimes protestantes de la Saint-Barthélemy

Par Epoch Times avec AFP
16 septembre 2022 16:40 Mis à jour: 16 septembre 2022 16:40

La mairie de Paris a rebaptisé vendredi un jardin en hommage aux victimes de la Saint-Barthélemy, à l’endroit même où démarra le massacre de protestants 450 ans plus tôt. Pour ses initiateurs, le retour du fanatisme religieux donne à l’événement tout son sens.

Quand ils se promènent entre le grand magasin La Samaritaine et le Louvre, Parisiens et touristes savent-ils qu’ils se trouvent au cœur d’un des épisodes les plus dramatiques de l’histoire de France?

« C’est présent dans la mémoire scolaire des Français, mais c’est un événement qui est resté sans lieu clairement identifié à Paris. Ce qui est important, c’est de dédier un lieu », estime Isabelle Sabatier, présidente de la Société de l’histoire du protestantisme français, interrogée par l’AFP.

Assassinat de l’amiral de Coligny et des autres chefs protestants

Dans la nuit du 23 au 24 août 1572, l’assassinat de l’amiral de Coligny et des autres chefs protestants, venus à Paris assister au mariage du futur roi Henri IV avec Marguerite de Valois, fut le déclenchement d’une folie meurtrière qui fera entre 2.000 et 3.000 morts dans la capitale, et 10.000 dans toute la France.

Sonné en pleine nuit, le tocsin de l’église parisienne de Saint- Germain- l’Auxerrois a donné le signal du massacre, « pas loin de là où Coligny a été agressé », rappelle Christian Krieger, président de la Fédération protestante de France (FPF).

« On est dans l’épicentre de cette vague barbare qui d’abord s’est déployée à Paris, puis dans diverses régions », ajoute-t-il.

Le symbole est donc puissant, et c’est une première pour la capitale. La rue située entre l’église et le Louvre s’appelle bien depuis 1972 rue- de-l’Amiral-de-Coligny, représenté par une statue au coin de celle-ci, au chevet du temple protestant de l’Oratoire.

« On l’a honoré comme personnalité représentative du protestantisme de cette époque, mais jamais comme victime », affirme Mme Sabatier pour qui « on a complètement occulté ces victimes dans le paysage parisien ».

Les corps des victimes jetées dans la Seine

En 2016, la maire de Paris Anne Hidalgo avait fait un premier pas en inaugurant une plaque au pied du Pont-Neuf et de la statue d’Henri IV, car les corps des victimes avaient été jetées dans la Seine.

Une trop « maigre place pour cet événement qui a quand même marqué les esprits durablement », estime M. Krieger.

« C’était un hommage un peu incomplet », renchérit Ariel Weil, le maire de Paris Centre, qui précise que la statue de Gaspard de Coligny a été érigée « à un moment où la République cherchait à mettre en scène un apaisement des tensions », en 1889.

Entre-temps, « il y a eu peu de commémorations historiques » et l’inauguration de vendredi vient « corriger un travail de mémoire », estime M. Weil.

« Le fanatisme religieux fait plus que des dégâts à nouveau »

Pour Laurence Patrice, l’adjointe en charge de la mémoire, la commémoration d’un événement « qui est l’expression de l’intolérance religieuse et du fanatisme » prend « beaucoup de sens à une période où le fanatisme religieux fait plus que des dégâts à nouveau ».

L’élue communiste met en garde contre la « velléité de certains de réécrire l’histoire », en visant l’ex-candidat d’extrême droite à la présidentielle Eric Zemmour qui, dans une tribune au quotidien Le Figaro, avait expliqué la haine du protestantisme en France par le fait que celui-ci « s’alliait avec les puissances huguenotes qui étaient les adversaires de la France ».

Un jardin de la Saint-Barthélemy « a un sens parce qu’on a pu entendre, dans cette campagne électorale, un candidat falsifier l’histoire, dire que (le maréchal) Pétain (à la tête du régime français dit de Vichy pendant la Seconde Guerre mondiale, NDLR) avait protégé les juifs français et se répandre sur les plateaux en disant que les protestants l’avaient bien cherché en embêtant le petit peuple catholique », estime Mme Patrice.

« Une tuerie de masse qui ne faisait pas discussion »

« On pouvait penser que c’était une tuerie de masse qui ne faisait pas discussion », insiste-t-elle.

Pour Christian Krieger, qui souligne que l’autre partie de la place du Louvre rend hommage à des déportés juifs, « il est important, d’abord, de se souvenir des mécanismes de la haine et de l’intolérance qui ont pu provoquer ce massacre afin de conjurer ces mêmes mécanismes aujourd’hui et demain ».

Pour le président de la FPF, l’autre « élément à conjurer » est « la collusion du religieux et du politique ».

Ce jardin est donc l’occasion pour lui de « réaffirmer notre attachement à la laïcité, comme principe garantissant à la fois la liberté religieuse mais aussi la neutralité et le juste positionnement d’un Etat ».

 

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