Allocations chômage, prestations sociales, formation… Le Sénat se divise sur des mesures anti-fraudeurs
Le Sénat a adopté, jeudi, un renforcement de l’arsenal destiné à lutter contre la fraude aux allocations chômage, accordant à France Travail des moyens accrus pour vérifier la résidence de ses allocataires.

Photo: ANTOINE BOUREAU/Hans Lucas/AFP via Getty Images
Ce dispositif, vivement contesté à gauche, suscite la polémique tout comme d’autres mesures touchant à la formation et aux prestations sociales.
Dans le cadre du projet de loi gouvernemental de lutte contre les fraudes sociales et fiscales, examiné depuis mercredi, les sénateurs se sont penchés sur les articles les plus sensibles du texte : ceux qui ciblent directement les bénéficiaires d’allocations, les salariés ainsi que les assurés sociaux.
Contrôle renforcé de la résidence des allocataires
Un article devenu particulièrement controversé, à l’initiative du Sénat, offre à France Travail de nouveaux moyens d’investigation pour contrôler la résidence effective des demandeurs d’emploi. Dorénavant, l’opérateur pourra accéder aux relevés téléphoniques, consulter les fichiers des compagnies aériennes ou encore interroger le registre des Français établis hors de France. Une suspension conservatoire de l’ensemble des allocations devient possible dès lors que « plusieurs indices sérieux de manœuvres frauduleuses » sont relevés.
Alors que la résidence en France demeure une condition incontournable pour le versement des allocations chômage, les élus de gauche dénoncent une procédure jugée « particulièrement intrusive ». « C’est franchir une ligne rouge, c’est introduire une forme de surveillance généralisée des demandeurs d’emploi assimilés à des fraudeurs potentiels », a pointé le socialiste Jean-Luc Fichet. Pour l’écologiste Raymonde Poncet Monge, ce texte fait courir « un précédent dangereux pour les libertés individuelles ».
Un dispositif salué par la droite sénatoriale
Face aux critiques, la sénatrice Les Républicains Frédérique Puissat a défendu cette disposition, estimant qu’elle permettra de s’attaquer au « premier motif de fraude » détecté par France Travail, soit 136 millions d’euros en 2024. Le ministre du Travail, Jean-Pierre Farandou, s’en est remis à la « sagesse » du Sénat, tout en soulevant des doutes sur la licéité de ces nouvelles prérogatives.
Un autre article, voté malgré les voix discordantes, prévoit désormais de conditionner le versement de l’indemnisation chômage à une domiciliation bancaire en France ou dans l’Union européenne. La droite sénatoriale salue une mesure de « bon sens », facilitant selon elle le recouvrement forcé en cas de fraude : « Il est beaucoup plus simple de faire du recouvrement forcé », insiste Frédérique Puissat.
Formation : obligation renforcée pour les bénéficiaires du CPF
Les sénateurs ont également adopté l’obligation, pour les détenteurs du compte personnel de formation (CPF), de se présenter aux épreuves de certification, sauf « motif légitime », sans quoi le financement sera retiré par le CPF. Un dispositif visant à « responsabiliser » les bénéficiaires selon le gouvernement et la majorité sénatoriale.
D’autres mesures font débat : la suspension temporaire du tiers payant pour les assurés sociaux condamnés pour fraude, ainsi que l’arrêt du versement d’une prestation sociale en cas de « doute sérieux de manœuvre frauduleuse », mesure à laquelle le gouvernement déclare son opposition.
Lutte contre le travail dissimulé et volet fiscal
Le Sénat a également validé le volet visant le travail dissimulé, introduisant notamment une majoration du taux de CSG pour les revenus issus d’activités illicites et la création d’un dispositif de « flagrance sociale » permettant la saisie conservatoire des actifs de sociétés soupçonnées de travail dissimulé. Mercredi, les sénateurs avaient déjà adopté la plupart des mesures relatives à la fraude fiscale. L’ensemble du projet de loi, qui devrait permettre au gouvernement d’espérer un rendement de 2,3 milliards d’euros dès 2026, sera soumis au vote solennel des sénateurs mardi à 14 h 30 avant d’être transmis à l’Assemblée nationale.

Articles actuels de l’auteur









