Mesures anti-fraudeurs
Suppression des allocations chômage pour les résidents à l’étranger : la gauche dénonce « une ligne rouge franchie »
Le Sénat a renforcé jeudi l'arsenal de lutte contre la fraude aux allocations chômage en donnant à France Travail des outils pour vérifier le lieu de résidence des allocataires.

Photo: LUDOVIC MARIN/AFP via Getty Images
Un dispositif critiqué à gauche, comme d’autres mesures visant la formation et les prestations sociales.
Dans le cadre du projet de loi gouvernemental contre les fraudes sociales et fiscales, examiné depuis mercredi, les sénateurs se sont penchés jeudi sur les articles les plus irritants de ce texte : ceux qui visent directement les allocataires, les salariés et les assurés sociaux.
L’un des plus sensibles, introduit par le Sénat, offre à France Travail de nouveaux moyens d’enquête pour vérifier la résidence effective des allocataires. L’opérateur pourra ainsi consulter les relevés téléphoniques, ou encore interroger le fichier des compagnies aériennes. Cela ouvrirait alors la voie à une suspension conservatoire de toutes les allocations lorsque « plusieurs indices sérieux de manœuvres frauduleuses » sont observés.
Une mesure « particulièrement intrusive »
Alors que la résidence en France est une obligation pour les bénéficiaires d’allocations chômage, la gauche s’est insurgée contre cette mesure qu’elle juge « particulièrement intrusive ».
« C’est franchir une ligne rouge, c’est introduire une forme de surveillance généralisée des demandeurs d’emploi assimilés à des fraudeurs potentiels », a lancé le socialiste Jean-Luc Fichet. L’écologiste Raymonde Poncet Monge a craint un « précédent dangereux pour les libertés individuelles ».
« France Travail nous demande des outils. On lui donne des outils pour pouvoir contrôler », a rétorqué la sénatrice Les Républicains Frédérique Puissat, à l’origine de la mesure qui permettra selon elle de s’attaquer au « premier motif de fraude » détecté par France Travail, sur un montant global de 136 millions d’euros en 2024.
Le ministre du Travail Jean-Pierre Farandou s’en est remis à la « sagesse » du Sénat, doutant toutefois du « caractère licite de l’accès à ces données ».
Indemnisation chômage, CPF, assurés sociaux
Un autre article, adopté lui aussi malgré des critiques, vise à conditionner le versement de l’indemnisation chômage à la domiciliation des comptes bancaires en France ou dans l’Union européenne. La droite sénatoriale a salué une mesure de « bon sens » : avec un compte en France, « il est beaucoup plus simple de faire du recouvrement forcé », a insisté Frédérique Puissat.
Les sénateurs ont par ailleurs adopté une mesure visant à obliger le titulaire du compte personnel de formation (CPF) à se présenter aux épreuves de certification sauf « motif légitime », sans quoi sa formation ne pourra plus être prise en charge par le CPF. Un dispositif de « responsabilisation » des bénéficiaires, selon le gouvernement et la droite sénatoriale.
Autres dispositifs critiqués à gauche : la possibilité de suspendre temporairement le tiers payant pour les assurés sociaux condamnés pour fraude, et la suspension possible du versement d’une prestation sociale dans le cas d’un « doute sérieux de manœuvre frauduleuse ». Le gouvernement s’opposait également à cette dernière mesure.
Fraude fiscale : le Sénat valide l’essentiel
Le Sénat a également adopté le volet du projet de loi relatif au travail dissimulé, avec entre autres mesures une majoration du taux de CSG des revenus issus d’activités illicites, ou encore la création d’un dispositif de « flagrance sociale » permettant de saisir à titre conservatoire les actifs de sociétés suspectées de travail dissimulé.
Mercredi, la chambre haute avait adopté l’essentiel des mesures visant la fraude fiscale. L’ensemble de ce projet de loi, grâce auquel le gouvernement espère récupérer 2,3 milliards d’euros dès 2026, sera soumis au vote des sénateurs mardi à 14h30, avant sa transmission à l’Assemblée nationale.

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