ANALYSE : La pression exercée par les défenseurs du changement climatique entraîne de grands changements dans l’industrie du voyage

Par Autumn Spredemann
3 août 2023 15:32 Mis à jour: 3 août 2023 15:34

Dans un contexte de changement climatique, l’industrie du voyage est dans la ligne de mire des militants écologistes qui font pression sur les compagnies aériennes, organisateurs de croisières et autres entreprises de tourisme pour qu’ils adoptent des pratiques plus respectueuses de l’environnement.

La pression s’exerce à tous les niveaux, allant des organisations mondiales telles que les Nations Unies et le Forum économique mondial, aux chercheurs scientifiques. Est né le « travel shaming » (« honte de voyager »), un mouvement citoyen visant à réduire les déplacements individuels.

Tandis que ceux rêvant de visiter des destinations exotiques font face à une pression institutionnelle et sociale croissante, l’industrie du voyage s’oriente vers des pratiques plus « vertes », plusieurs mesures visant à réduire leur empreinte carbone étant déployées.

« Il est important que les décideurs politiques et les leaders de l’industrie prennent des mesures concrètes et significatives pour faire face aux risques, aux pertes et aux défis auxquels le secteur du tourisme est confronté », a déclaré Sujit Mohanty, chef du bureau régional des Nations Unies pour la réduction des risques de catastrophes (UNDRR) pour les États arabes, lors d’une conférence en mai.

Lors de cet événement, M. Mohanty a fait remarquer que si des mesures d’atténuation des risques n’étaient pas mises en œuvre, des « effets dévastateurs » s’ensuivraient pour les secteurs du voyage et du tourisme, dont des pertes économiques.

Ce n’est pas la première fois que les Nations Unies pointe du doigt l’industrie du voyage pour ses impacts sur le climat.

Sous la rubrique « Tourism and the 2030 Agenda » (Le tourisme et l’Agenda 2030) de son site Web, l’Organisation mondiale du tourisme (OMT) des Nations Unies rappelle que « la transformation verte du secteur du tourisme est nécessaire ».

Le bureau des Nations unies à Genève, en Suisse, le 20 juillet 2019. (saiko3p/Shutterstock)

Cependant, tous ne montrent pas l’exemple. L’année dernière, les déplacements de certains représentants d’État pour assister à la conférence sur le climat COP27, tenue en Égypte, ont suscité une controverse très médiatisée. Les autorités locales égyptiennes ont d’abord déclaré aux journalistes que 400 jets privés avaient été utilisés pour participer à la conférence sur les changements climatiques. La presse a ensuite confirmé que le nombre était d’au moins 36 jets privés.

Le milieu scientifique a largement condamné les voyages en jet privé, les identifiant comme l’un des plus grands contributeurs d’émissions de ce secteur. Selon une analyse, les déplacements en jet privé ont jusqu’à 14 fois plus d’impact sur l’environnement que les déplacements aériens commerciaux réguliers.

Les leaders mondiaux de la lutte au changement climatique ont été embarrassés par ce scandale, sans compter que la COP27 s’est tenue dans la ville côtière de Sharm el-Sheikh, porte d’entrée égyptienne d’un écosystème fragile et menacé de la mer Rouge.

Néanmoins, le train du changement climatique continue de rouler, alors que, pour l’industrie du voyage et les citoyens ordinaires, le terme « jet-set » fait réfléchir…

Changement de cap

Le 23 mai, la France a officiellement interdit tous les vols intérieurs court-courriers pouvant être effectués en train en deux heures et demie ou moins. Le nouveau décret interdit le transport aérien entre Paris et des destinations clées telles que Nantes, Lyon et Bordeaux.

Cette mesure, visant à réduire les émissions du secteur aérien, suscitent de vives réactions. Selon ses opposants, des mesures sont déjà mises en œuvre par le secteur aérien pour atteindre des objectifs « net zéro », et les interdictions de vols sont contre-productives.

Selon Laurent Donceel, directeur intérimaire d’Airlines pour l’Europe, dans une déclaration à l’AFP, des « solutions réelles et significatives » sont nécessaires, plutôt que des « interdictions symboliques ».

Il ajoute que la suppression des vols courts aura probablement des « effets minimes » sur la production de GES.

Parallèlement, le gouvernement néerlandais met en œuvre un plan visant à réduire de 12% le nombre de vols annuels au très fréquenté aéroport international Schiphol d’Amsterdam.

L’annonce a immédiatement suscité de vives réactions et des recours en justice de la part de grands transporteurs aériens commerciaux tels que KLM, Delta, Corendon et easyJet. L’Association internationale du transport aérien s’y est également opposé.

Amsterdam étant une destination touristique phare, cette mesure, qui devrait prendre effet d’ici 2024, augmentera probablement le coût des billets d’avion et posera des problèmes logistiques aux voyageurs.

L’industrie des croisières tient également compte de ses impacts sur le climat. Contrairement aux compagnies aériennes, de nombreux organisateurs de croisières sont rapidement passé à l’action.

Dans une déclaration à Epoch Times, Patricia Carr, conseillère en voyages pour Dream Vacations, souligne que les compagnies de croisières subissent des changements sismiques pour passer à l’action climatique. Elle note que des compagnies de croisière telles que Virgin Voyages et MSC ont instauré des pratiques visant le « zéro déchet » et sont des leaders dans la révolution du « voyage vert ».

« Il ne fait aucun doute qu’elles se développent. Leur engagement en faveur de l’environnement est énorme », a-t-elle déclaré.

Mme Carr a vécu des années près de l’eau, dans les Caraïbes et en Floride. Les conditions météorologiques extrêmes ne lui sont pas étrangères. Selon elle, les événements météorologiques extrêmes de ces dernières années perturbent les projets de voyage.

« Cela affecte des dizaines de milliers de voyageurs. »

Les restrictions limitant l’accès aux navires de croisière dans certaines zones touristiques populaires sont une autre mesure importante.

Un excellent exemple est Venise, en Italie. La ville a accueilli 1,4 million de touristes internationaux en 2021. Parmi cette clientèle en plein essor, 73% proviendrait de bateaux de croisière. Depuis des années, les habitants de Venise font pression sur le gouvernement italien afin de réduire le nombre de touristes qui envahissent la ville historique. C’est ainsi qu’en 2021, l’interdiction d’entrer dans les canaux, pour les navires de plus de 25.000 tonnes ou de plus de 180 mètres de long, est entrée en vigueur.

Un bateau de croisière et une gondole avec des touristes naviguent à l’entrée du Canale Grande (Grand Canal) à Venise, en Italie, le 7 avril 2017. (Miguel Medina/AFP/Getty Images)

C’est-à-dire toute embarcation, sauf les petites embarcations personnelles.

Selon un communiqué du gouvernement italien, cette mesure vise à protéger le « patrimoine environnemental, artistique et culturel de Venise ».

Selon Mme Carr, de nombreuses croisières méditerranéennes qui incluent Venise dans leur parcours, accostent désormais dans la ville portuaire de Ravenne, à plus de deux heures de route.

« En raison de la montée des eaux et de leurs impacts sur l’environnement, le gouvernement italien a décidé qu’aucun bateau de croisière ne pouvait entrer dans la ville », explique-t-elle, ajoutant qu’une lueur d’espoir subsiste pour les villes portuaires à proximité de Venise.

« Le trafic qui arrive maintenant dans ces ports alternatifs crée des emplois et de nouvelles entreprises. »

Venise n’est qu’une des centaines de destinations touristiques emblématiques limitant la circulation de touristes pour des raisons environnementales. Le parc national de Glacier Bay, en Alaska, qui n’est accessible que par bateau, établit des limites journalières et saisonnières pour les bateaux de croisière.

La réduction du trafic de navires de croisière survient surtout à la suite d’incidents impliquant des déversements de déchets de la part de certains opérateurs et au fait que les croisières sont généralement gourmandes en carburant. Néanmoins, ce secteur investit activement dans des matériaux plus durables, des systèmes de recyclage de matières résiduelles et des carburants plus écologiques afin de répondre à l’évolution de la demande du marché.

L’écologie en un coup d’œil

« Il y a eu une évolution notable vers des opérations durables sous la forme de technologies économes en énergie, de réduction des déchets et de pratiques d’approvisionnement responsables », a déclaré Hans Mast à Epoch Times.

M. Mast, conseiller en voyages auprès de la Golden Rule Travel, explique que, pour les touristes comme pour les agents, les temps sont durs. Des deux côtés, les événements climatiques extrêmes plus fréquents ont créé des complications supplémentaires, alors que le secteur s’efforce de trouver des alternatives de voyage plus écologiques.

« En tant que personne très impliquée dans l’industrie du voyage, j’ai été témoin et j’ai personnellement ressenti la pression croissante pour adapter les pratiques commerciales et les plans de voyage aux préoccupations climatiques », a déclaré M. Mast.

« Cette pression découle des attentes croissantes des consommateurs, des réglementations de l’industrie et du fait que les décisions qui tiennent compte de l’environnement sont non seulement essentielles, mais contribuent également au succès à long terme des entreprises. »

Or, pour certains, la conscience écologique est plus une question de label que de réalité.

Michael Kovnick, l’un des fondateurs de Culture Discovery Vacations, organise des voyages dans le sud de l’Europe, en mettant l’accent sur la culture culinaire locale. Une grande partie de sa clientèle est américaine et soulève des préoccupations croissantes face aux impacts des voyages sur l’environnement. Par conséquent, une demande se fait ressentir pour y intégrer des considérations environnementales.

« De plus en plus de gens demandent des produits biologiques, des produits ‘de la ferme à la table’ et d’autres concepts écologiques à la mode.Or, la réalité est que nous faisons déjà ce que les gens recherchent », souligne M. Kovnick à Epoch Times.

« Mais pour aller plus loin, pour obtenir des certifications, les petites entreprises et les agriculteurs doivent non seulement dépenser beaucoup d’argent, ils deviennent moins biologiques, moins proches de la table, moins naturels. Cela s’applique au vin, à l’huile d’olive et à bien d’autres produits », a-t-il déclaré.

Selon M. Kovnick, les produits « slow food » et « bio » font grimper les prix. Or, les produits ou les restaurants non certifiés sont souvent plus respectueux de l’environnement.

« Dans notre cas, nous refusons de jouer le jeu et nous consacrons notre énergie à éduquer nos clients sur la signification réelle de ces termes. »

Bien que le point de vue de M. Kovnick sur ces concepts écologiques soit valable, l’importance de ces labels pour répondre aux attentes des voyageurs demeure indéniable.

Au Cap, en Afrique du Sud, l’éminente entreprise de safaris Go2Africa a pris les devants en matière d’écologie. Comme plusieurs, Go2Africa a senti le poids de l’action climatique peser sur ses épaules.

Des manchots marchent vers l’océan après avoir été relâchés sur une plage de la banlieue du Cap, en Afrique du Sud, le 21 mai 2009. La Fondation d’Afrique australe pour la conservation des oiseaux côtiers a relâché 84 manchots du Cap dans la nature après les avoir traités contre la pollution pétrolière en Namibie. (Gianluigi Guercia/AFP/Getty Images)

« La plupart des partenaires que nous soutenons s’attaquent aux problèmes environnementaux par divers moyens, de plus ou moins grande envergure : compensation des émissions carbone, énergie solaire dans les lodges, bannissement du plastique, grandes usines de recyclage, protection de vastes étendues de terres en Afrique, véhicules de chasse électriques », a déclaré Maija de Rijk-Uys, directrice générale de Go2Africa, à Epoch Times.

Parmi les initiatives lancées par Go2Africa figure ‘Greenpop’, un projet de plantations d’arbres dans des communautés défavorisées de la région du Cap et pour tous les clients voyageant dans la région du Cap-Occidental.

« En tant qu’entreprise, nous souhaitons aussi nous attaquer au changement climatique par l’accréditation auprès de Travellife, qui marque le début de notre parcours en matière de développement durable », relève Mme Rijk-Uys.

Le jeu de la honte

Ces jours-ci, impossible d’ignorer la rhétorique en ligne, de plus en plus répandue, qui vise indirectement ceux essayant de planifier leurs vacances. Les articles d’opinion, les blogs et les médias sociaux regorgent de messages incitant les gens à rester chez soi et à moins voyager afin de contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Le terme « travel shaming » (« honte de voyager ») était initialement connu sous le nom de « flight shaming » (« honte de prendre l’avion »). Le mouvement a débuté en 2019 lorsque des citoyens ont senti de la pression ou coupables de prendre l’avion en raison de son impact sur l’environnement.

Puis est arrivé la pandémie de Covid-19. Tout à coup, le fait d’intimider les personnes qui voulaient ou devaient voyager s’est répandu comme une traînée de poudre. Depuis, la pandémie a pris fin, mais la pression sociale et la culpabilité liées aux voyages sont revenus en force.

« Si quelqu’un veut rester à la maison pour ses vacances ou faire un million de kilomètres en voiture au lieu de prendre l’avion, tant mieux. Qu’il en soit ainsi. Ma famille et moi prendrons l’avion », a déclaré à Epoch Times une habitante de la région de Milwaukee qui a demandé à être appelée par son prénom, Emily.

« Personne ne m’empêche de partir en vacances. Nous avons déjà fait un premier tour de piste pendant le Covid », a-t-elle ajouté.

Emily a indiqué qu’elle visait le juste milieu en planifiant ses voyages. Elle est ouverte aux opérateurs de voyages dont les pratiques sont plus environnementales, mais les coûts sont généralement le facteur décisif.

« C’est une question de prix. Si je regarde deux voyagistes qui proposent le même prix pour une excursion et que l’un d’entre eux affirme pratiquer le tourisme durable, je le choisirai », a déclaré Emily.

Lorsqu’on lui a demandé si elle s’inquiétait de son empreinte carbone en prenant l’avion, elle a répondu : « Euh, non. Pas du tout. L’impact sur l’environnement des entreprises demeurent le plus grand. »

Il semble que Emily ne soit pas loin de la vérité. Selon une analyse, seulement 100 entreprises sont responsables de 71% de l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre depuis 1988.

Les autorités modifient les règles et les restrictions, tandis que d’autres décident de rester chez eux. Or, les destinations lointaines continuent d’attirer de nombreuses personnes. Et la demande de voyages à l’ancienne ne semble pas faiblir.

« La Terre se réchauffe depuis la dernière période glaciaire. Il en va de même pour l’océan. C’est indéniable », affirme Mme Carr, qui admet que les demandes de voyages écologiques n’ont pas été exprimées par une part importante de sa clientèle.

« Pas du tout. Personne ne m’en a parlé ou demandé ».

 

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