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Arthur de Watrigant : « Patrick Cohen et Thomas Legrand ont trahi la mission du service public »

ENTRETIEN - L’audiovisuel public instrumentalisé à des fins politiques : c’est l’accusation qui ne cesse d’enfler depuis la diffusion, par L’Incorrect, d’extraits vidéo compromettants montrant Patrick Cohen et Thomas Legrand en compagnie de deux cadres socialistes, dans ce qui apparaît comme une discussion stratégique visant à affaiblir la candidature de Rachida Dati à la mairie de Paris et à favoriser l’ascension présidentielle de Raphaël Glucksmann. Très vite, une partie de la gauche et du milieu journalistique a volé au secours des deux éditorialistes de France Inter, dénonçant une « vidéo tronquée », des « méthodes condamnables » ou encore une « instrumentalisation d’extrême droite ». Arthur de Watrigant, directeur de la rédaction de L’Incorrect, y voit une manœuvre de la gauche cherchant à « défendre l’indéfendable » en disqualifiant les faits sous prétexte de fausses interprétations.

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Arthur de Watrigant, directeur de la rédaction de L’Incorrect.

Photo: DR

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Durée de lecture: 11 Min.

Epoch Times : Pour vous, quel est le principal enseignement de cet échange entre les quatre protagonistes que votre média a révélé ?
Arthur de Watrigant : Cette affaire évoque immanquablement le fameux « mur des cons », ce mur infamant découvert dans un local du Syndicat de la magistrature et révélé par des photographies que Françoise Martres, alors présidente du syndicat, s’était empressée de qualifier « d’images volées ».
À l’époque, la révélation de ce mur n’avait, en vérité, pas surpris grand monde : elle n’offrait qu’une preuve visuelle de ce que beaucoup savaient déjà. Aujourd’hui, nous nous trouvons dans une configuration identique. Nul n’a été réellement étonné de voir, en vidéo, que Thomas Legrand et Patrick Cohen roulent à gauche et qu’ils s’acoquinent avec le Parti socialiste.
Ce qu’il est intéressant d’observer, ce sont tous ces journalistes qui prennent la défense des intéressés. Pourquoi défendre l’indéfendable, et affirmer par des contorsions que dans ces vidéos nous ne voyons pas ce que nous voyons ? Nier l’évidence, c’est souvent révéler sa propre complicité.
Libération fustige une vidéo « volée », Le Monde, « des enregistrements vidéo non autorisés d’une conversation » et Mediapart, une « vidéo pirate ». Patrick Cohen dénonce, lui, un « vol de conversation privée » et compte déposer plainte. Que répondez-vous à ces accusations ?
Je rappelle tout d’abord que la plupart des grands scandales politico-médiatiques de ces dernières décennies (Cahuzac, Clearstream, Bygmalion, Bettencourt…) ont éclaté grâce à des enregistrements, des images ou des propos tenus « off », saisis à l’insu de leurs auteurs.
Or, voici que la gauche feint aujourd’hui de s’indigner de l’usage d’une méthode journalistique qu’elle a, en réalité, largement contribué à inventer et dont elle a souvent tiré profit. Dans l’affaire Bettencourt, par exemple, Mediapart s’enorgueillissait d’avoir obtenu des enregistrements clandestins des conversations de Liliane Bettencourt avec son gestionnaire de fortune.
Il faut aussi rappeler qu’avant de rendre publiques ces vidéos, qui nous ont été transmises, L’Incorrect avait publié un article avec un travail de retranscription, de contextualisation et de mise en perspective. Ce n’est qu’après que ce papier a été immédiatement qualifié de « fake news » que la vidéo fut diffusée, afin d’apporter une preuve irréfutable.
Ces vidéos, nous en avons vérifié l’authenticité ; nous avons jugé la source fiable ; et nous avons décidé de les publier parce qu’elles offrent un éclairage d’intérêt général sur la manière dont une partie du monde médiatique de l’audiovisuel public s’acoquine avec la sphère politique de gauche.
Par ailleurs, je dois rappeler à Thomas Legrand ses propres écrits : « Les bandes sonores récupérées par le site d’infos en ligne Médiapart (que l’on a entendu sur les radios mais très peu à la télé) sont des objets journalistiques tout à fait conformes à l’exercice de notre métier. Médiapart est un site internet composé de journalistes professionnels. Ils ont obtenu cette bande, ils ne l’ont pas volée, ils ont vérifié sa véracité et ils ont jugé leur source fiable. Et cet enregistrement apporte des tas d’informations ! Des informations très éclairantes sur la façon dont une partie du monde économique et financier utilise le monde politique. »
C’est exactement ce que nous pensons.
Dans la troisième séquence vidéo que vous avez publiée, Thomas Legrand estime que Le Figaro est un journal avec lequel il n’est certes pas d’accord, mais qui « ne ment pas ». En revanche, il assimile le FigaroVox à la « bollosphère », qu’il dénigre. Quelle lecture faites-vous de cette scène ?
Tous les journalistes des médias appartenant au groupe Bolloré mentent, selon eux. Voilà qui fera plaisir à ceux qui travaillent chaque jour sur CNews ou Europe 1… Lorsque la discussion glisse vers Le Figaro, Thomas Legrand prend la défense du média soutenant qu’ils ne mentent pas, mais Patrick Cohen s’inscrit en faux : « Si, t’en as au Figaro ». Réplique immédiate de Legrand : « Figaro Vox ! »
Mais Patrick Cohen insiste : « Pas seulement ». Et là, il avance un exemple pour le moins stupéfiant : un journaliste du service écologie du quotidien lui aurait confié qu’« il y a des gens tout à fait combattants sur le renouvelable » au sein de la rédaction, mais qu’ils peineraient à faire publier des articles favorables aux énergies vertes. Le mot « combattant » est ici révélateur : c’est le vocabulaire d’un militant, pas celui d’un journaliste.
Ainsi, ce que Patrick Cohen reproche au Figaro, ce n’est pas un manquement au devoir d’informer, mais de ne pas militer davantage en faveur des thèses écologistes favorables aux renouvelables.
Cette polémique a ravivé le débat sur la neutralité journalistique. À vos yeux, existe-t-elle ou s’agit-il d’un mythe ?
Je ne crois pas à la neutralité. Ceux qui prétendent encore s’en draper, ce sont essentiellement les journalistes du service public, car eux seuls continuent d’employer ce terme. Or, le journalisme n’est pas une abstraction désincarnée.
Si un journal n’est pas un instrument de propagande, puisque le rôle premier du journaliste est avant tout de vérifier et de rapporter les faits, pour autant, deux journalistes ne décriront pas une scène de manière totalement identique. Chaque regard est filtré par un prisme : celui de l’angle choisi, de la hiérarchisation des informations, de leur contextualisation… Voilà pourquoi un article ne peut jamais être considéré comme totalement neutre.
En revanche, je crois à la subjectivité honnête. C’est même, à mes yeux, la première qualité d’un journaliste : penser contre soi-même, c’est-à-dire contre ses biais et ses inclinations. C’est cette confrontation qui permet de faire émerger la vérité, ou du moins une vision d’ensemble.
Et c’est ce rôle-là que devrait remplir Radio France : offrir un espace où se croisent des subjectivités. Mais force est de constater que c’est plutôt l’uniformité idéologique qui domine, et non cette confrontation féconde.
Thomas Legrand a été suspendu par France inter « à titre conservatoire ». Patrick Cohen est, lui, maintenu. Comment interprétez-vous cette décision de Radio France ? Après les révélations de l’Incorrect, peut-on s’attendre selon vous à une intervention de l’Arcom ?
Je doute que l’Arcom intervienne : je pense plutôt que l’affaire sera étouffée.
Quant à Radio France, la rapidité de sa réaction en dit long. Quatre heures à peine après la publication de l’article, Thomas Legrand était suspendu. Une célérité inhabituelle pour Radio France, qui ne se presse pas d’ordinaire, surtout face aux révélations d’un petit magazine concernant le mastodonte qu’est l’audiovisuel public. C’est le signe que la faute est jugée grave.
Mais cette précipitation pourrait être aussi une stratégie classique du bouc émissaire. On suspend un fusible à titre provisoire. Puis, si la tempête médiatique enfle et qu’il devient indéfendable, on l’écarte définitivement.
Et Patrick Cohen ? On prétend qu’il n’a rien dit. Pourtant, lorsque Thomas Legrand déclare : « Nous, on fait ce qu’il faut pour Dati, Patrick (Cohen) et moi », est-il d’accord ou non ? Je ne l’ai pas entendu désavouer cette phrase durant la conversation.
À titre personnel, je ne demande pas qu’on congédie qui que ce soit. Ce que j’attends, c’est que la présidente de Radio France prenne ses responsabilités : qu’elle dise si, selon elle, il est normal que deux journalistes de l’audiovisuel public complotent autour d’une élection. Et si elle estime que ce n’est pas acceptable, qu’elle en tire elle-même les conséquences.
Le Rassemblement national et Reconquête appellent à privatiser l’audiovisuel public. À vos yeux, est-ce une bonne solution ?
Plutôt que de vouloir le supprimer, il faudrait, à mon sens, le libérer de l’idéologie gauchiste qui domine à Radio France comme à France Télévisions. Le problème de l’audiovisuel public aujourd’hui ne réside pas dans sa définition, ni dans son principe, mais dans la manière dont il a été pris en otage.
Dans cette optique, je ne demande pas l’éviction de ceux qui pensent différemment, mais simplement que toutes les opinions, toutes les sensibilités puissent s’exprimer. Car nous parlons d’un service public qui dispose largement des moyens de mettre en œuvre cette pluralité, puisqu’il est financé par les Français avec près de 4 milliards d’euros chaque année.
Or, dans les faits, cette radio ostracise la majorité des Français qui la financent. À la place, ils sont contraints d’écouter Thomas Legrand et Patrick Cohen, qui font les yeux doux au Parti socialiste.
Ces journalistes de l’audiovisuel public n’assument pas la responsabilité qui leur incombe. Ils doivent pouvoir être jugés, car ils ne bénéficient d’aucun droit d’exception ni d’un quelconque totem d’immunité. Bien au contraire : rémunérés par l’impôt, ils devraient être tenus avec une rigueur accrue à l’exigence de leur mandat : celui d’un service public destiné à l’ensemble des Français. C’est précisément cette mission qu’ils trahissent aujourd’hui.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.