Au Kirghizstan : des maisons en déchets de riz, écologiques et économiques
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Une vue de l'installation de production de blocs de construction en riz, faits principalement de balles de riz - un sous-produit de la transformation du riz, dans la région de Batken, dans le sud du Kirghizistan, le 22 mai 2025.
Photo: GULIZA URUSTAMBEK KYZY/AFP via Getty Images
Dans son jardin, Akmatbek Ouraïmov observe les maçons qui bâtissent sa future maison. Un chantier ordinaire, si ce n’est le matériau de construction : des parpaings en déchets de riz, composant écologique et économique qui gagne en popularité au Kirghizstan.
« J’ai choisi ceux en riz après avoir réfléchi à d’autres variantes: c’est pratique pour la chaleur, les finances et la construction », assure cet habitant de Kyzyl-Kia, dans le sud de ce pays d’Asie centrale.
Des ouvriers construisent une maison avec des blocs de construction en riz, faits principalement de balles de riz – un sous-produit de la transformation du riz, dans le village de Kyzyl-Kiya, dans le sud du Kirghizistan, le 22 mai 2025. (GULIZA URUSTAMBEK KYZY/AFP via Getty Images)
Avant de se décider, Akmatbek Ouraïmov a d’abord « vérifié de ses propres yeux » ce matériau appelé « balle de riz », obtenu après séparation de la céréale et de son enveloppe.
« Je n’ai aucun doute sur la qualité. Les gens ne connaissaient pas, mais en voyant le chantier, ils s’y intéressent et m’appellent », dit-il à l’AFP.
L’intérêt de scientifiques de tous les continents
Cette technique de construction comme alternative au ciment éveille désormais l’intérêt de scientifiques de tous les continents.
Dans plusieurs études universitaires récentes -en Chine, Inde, Espagne ou sur les continents africains et sud-américains- les experts soulignent les propriétés énergétiques, économiques, physiques et environnementales du riz, pour répondre aux défis climatiques.
L’usage de balles de riz permet, par exemple, d’avoir moins recours au ciment, gourmand en eau et responsable d’environ 8 % des émissions mondiales de CO2, selon les chiffres de 2023 du forum économique mondial.
La maison reste « chaude en hiver et fraîche au printemps »
Habitant un village d’une région montagneuse et aride, Ykhval Borieva a elle aussi opté pour le riz, dont elle loue les propriétés isolantes, démontrées par les scientifiques.
Grâce à la faible conductivité thermique du riz, sa maison reste « chaude en hiver et fraîche au printemps ». « On économise du charbon. Les murs gardent bien la chaleur et la fraîcheur », se félicite-t-elle.
En cinq ans « 300 maisons »
Ces maisons ont vu le jour grâce à l’ingéniosité de Noursoultan Taabaldyev, l’un des précurseurs de ce procédé en Asie centrale.
« Cette idée m’est venue enfant, en faisant de la menuiserie avec mon père », explique l’ingénieux Noursoultan, qui n’a pas attendu de lire des études scientifiques pour se lancer.
A 27 ans, il a déjà construit « 300 maisons » en cinq ans, d’abord avec de la sciure de bois, puis avec du riz. Les briques sont « composées à 60% de balles de riz, le reste étant de l’argile, du ciment et une colle sans produits chimiques », montre-t-il à l’AFP.
Une vue de l’installation de production de blocs de construction en riz, faits principalement de balles de riz – un sous-produit de la transformation du riz, dans la région de Batken, dans le sud du Kirghizistan, le 22 mai 2025. (GULIZA URUSTAMBEK KYZY/AFP via Getty Images)
Dans son atelier artisanal où s’envole la poussière de riz, des ouvriers se protégeant le visage compressent les briques, courent les faire sécher et aide des clients à les charger.
Un ouvrier traite le riz dans une ferme rizicole de la région de Batken, dans le sud du Kirghizistan, le 22 mai 2025. (GULIZA URUSTAMBEK KYZY/AFP via Getty Images)
Aussi solides que du ciment
Sèches, elles seront aussi solides que du ciment grâce à la silice, un oxyde minéral. Et côté sécurité incendie, un responsable régional du ministère des Situations d’urgence a indiqué à l’AFP ne voir « aucun danger particulier avec ces maisons ».
Une vue de l’installation de production de blocs de construction en riz, faits principalement de balles de riz – un sous-produit de la transformation du riz, dans la région de Batken, dans le sud du Kirghizistan, le 22 mai 2025. (GULIZA URUSTAMBEK KYZY/AFP via Getty Images)
Pour Noursoultan, la matière première est à portée de main : la région de Batken, où il vit, produit un tiers du riz kirghiz.
Une vue aérienne montre des rizières dans la région de Batken, dans le sud du Kirghizistan, le 22 mai 2025. (GULIZA URUSTAMBEK KYZY/AFP via Getty Images)
« Les paysans sont ravis que nous emportions les déchets de riz »
« Les déchets de riz sont jetés dans les champs, se consument lentement, nuisent à l’environnement et ne sont pas utilisés comme engrais. Nous avons donc décidé de les recycler », explique l’entrepreneur.
Ce problème se pose encore plus sérieusement chez les gros producteurs de riz comme l’Inde, où « 31,4 millions de tonnes de balles de riz remplissent les décharges et causent des problèmes environnementaux », d’après une étude de novembre 2024, publiée par la société d’éditions scientifiques Springer Nature.
« Environ 40% de déchets que nous n’avons aucun moyen de traiter »
« Les paysans sont ravis que nous emportions les déchets de riz car leur accumulation créé un risque d’incendie » dans les granges en cas de mauvaise ventilation, poursuit Noursoultan.
Comme chez le fermier Abdimamat Saparov, qui montre les monticules.
L’agriculteur Abdimamat Saparov montre les déchets de riz après le traitement des grains dans sa ferme rizicole de la région de Batken, dans le sud du Kirghizistan, le 22 mai 2025. (GULIZA URUSTAMBEK KYZY/AFP via Getty Images)
« Après avoir récolté et séché le riz, il reste environ 40% de déchets que nous n’avons aucun moyen de traiter », dit M. Saparov, situation symptomatique de « l’absence d’atelier organisé de transformation » dans le secteur du riz, selon les autorités.
Moins chères que les briques en ciment
Cette abondance de riz rend ces briques moins chères que celles en ciment, argument crucial dans le sud du Kirghizstan où le salaire moyen mensuel avoisine les 200 euros.
D’autant que le ciment au Kirghizstan est le plus onéreux d’Asie centrale et pourrait être inscrit sur la liste des produits socialement sensibles, comme le pain ou l’huile, pour en contrôler les prix.
« Des briques avec des roseaux et de la paille broyés » au Kazakhstan
Désormais, Noursoultan rêve d’automatiser la production pour se lancer à l’international et réaliser d’autres projets.
« Je veux aller au Kazakhstan pour faire des briques avec des roseaux et de la paille broyés ».