Au milieu des sanctions prévues, les talibans devraient doubler le trafic de drogue

Par Emel Akan
1 septembre 2021 17:20 Mis à jour: 1 septembre 2021 17:20

Alors que le monde observe le déroulement des événements en Afghanistan, beaucoup commencent à se demander si le régime des talibans aura une incidence sur l’avenir de la production d’opium dans le pays.

L’Afghanistan est le premier producteur mondial de pavot à opium, qui est la matière première utilisée pour la fabrication de l’héroïne, l’une des drogues les plus meurtrières au monde. Le pays a fourni près de 83 % de la production mondiale d’opium entre 2015 et 2020, selon les estimations établies par l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC). Ce pays est par ailleurs un fournisseur clé pour les marchés de l’héroïne en Europe et en Asie.

La présence militaire américaine a été incapable de réduire la production d’opium dans les campagnes afghanes. Pendant deux décennies, l’économie des opiacés, qui comprend la culture du pavot, sa transformation en héroïne et son trafic, a été une source majeure de revenus pour l’Afghanistan.

Malgré leur discours anti-héroïne, les talibans ont largement profité de l’économie du pavot à opium pour devenir des acteurs majeurs dans le commerce mondial de la drogue.

Lors de leur première conférence de presse officielle qui s’est tenue à Kaboul, les talibans se sont engagés à mettre fin à la culture de l’opium en Afghanistan, pour tenter de se faire accepter par la communauté internationale.

« Aujourd’hui, lorsque nous sommes entrés dans Kaboul, nous avons vu un grand nombre de nos jeunes, assis sous les ponts ou près des murs, qui consommaient de la drogue. C’est vraiment regrettable », a déclaré le porte-parole des talibans, Zabihullah Mujahid, aux journalistes le 17 août.

« À partir de maintenant, l’Afghanistan sera un pays exempt de stupéfiants, mais il a besoin de l’aide internationale », a-t-il déclaré, en ajoutant que l’aide étrangère sera nécessaire pour permettre aux agriculteurs afghans de passer à des cultures alternatives.

L’Afghanistan est réputé pour ses fruits de haute qualité tels que les grenades, les raisins et les melons. Diverses organisations internationales ont, par le passé, aidé des familles afghanes à cultiver des grenades, par exemple, comme alternative importante à l’opium.

Malgré son secteur agricole et ses riches ressources minérales, le pays a toujours été très dépendant de l’aide étrangère, qui s’est tarie avec la prise de pouvoir des talibans.

Les donateurs internationaux ont apporté 75 % du budget de fonctionnement du gouvernement afghan, a écrit Vanda Felbab-Brown, directrice de l’Initiative sur les acteurs armés non étatiques de l’institution Brookings, dans un rapport du groupe de réflexion international Chatham House, basé à Londres.

L’administration Biden a bloqué près de 9 milliards de dollars de réserves du gouvernement afghan détenues aux États-Unis. Le Fonds monétaire international a également empêché l’Afghanistan de recevoir près de 440 millions de dollars de fonds qui devaient être envoyés plus tôt. Et le gouvernement allemand a annoncé la suspension de 300 millions de dollars d’aide au développement prévus pour cette année.

Des sanctions financières vont également rendre très difficile pour les organisations internationales de fournir une aide humanitaire aux familles afghanes.

Selon les experts, le pays devrait donc bientôt dériver vers une crise humanitaire et financière, ce qui pourrait conduire le nouveau régime à accroître les activités illicites, notamment le trafic de drogue.

« Les effets immédiats des restrictions financières en vigueur pourraient se traduire par une baisse des liquidités en Afghanistan, ce qui entraînera une hausse de l’inflation – y compris des prix des denrées alimentaires – tout en désavantageant les plus pauvres d’Afghanistan et les centaines de milliers de personnes déplacées à l’intérieur du pays », écrit Mme Felbab-Brown.

Comme par le passé, a-t-elle noté, ceux qui essaient d’interdire la culture du pavot dans les zones rurales peuvent « se retrouver confrontés à des pertes importantes de capital politique et à une opposition violente ».

Gretchen Peters, directrice exécutive du Centre des réseaux illicites et du crime organisé transnational, estime que l’on ne peut faire confiance aux talibans lorsqu’ils promettent de lutter contre le trafic de pavot.

« Ils ont fait une manœuvre de ce genre dans les années 90. Ils ont effectivement réussi à interdire aux agriculteurs de cultiver le pavot pendant un an », a-t-elle déclaré à NPR.

« Mais le secret, c’est que les talibans étaient en fait assis sur ces énormes, vastes stocks d’opium. Le prix de l’opium a crevé le plafond, ils l’ont vendu et ont gagné beaucoup plus d’argent que l’année précédente. »

Selon Mme Peters, les talibans auront désormais un accès total aux capacités et aux institutions de l’État, y compris son système bancaire, ses compagnies aériennes et ses postes frontières, ce qui facilitera grandement son trafic de drogue.

Récemment, la culture du pavot s’est étendue dans la plupart des régions du pays, avec une augmentation de 37 % au cours de la seule année dernière, selon l’ONUDC.

Emel Akan est journaliste spécialiste de la politique économique à la Maison-Blanche à Washington, D.C. Auparavant, elle a travaillé dans le secteur financier en tant que banquière d’investissement chez JPMorgan et en tant que consultante chez PwC. Elle est titulaire d’une maîtrise en administration des affaires de l’université de Georgetown.

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