Pourquoi avons-nous raison d’être optimistes envers la nature humaine ?

Les êtres humains seraient plus coopérants et dignes de confiance que présumé, et les institutions devraient le refléter

Par Jill Suttie
12 septembre 2020 01:20 Mis à jour: 7 avril 2021 20:24

Dans le roman Sa Majesté des mouches (Lord of the Flies), de jeunes garçons font naufrage sur une île et se retournent sauvagement les uns contre les autres. Le livre met en garde contre la cruauté sous-jacente de l’homme et de la nécessité pour l’humain d’apprivoiser ses pulsions les plus sombres – un message qui résonne chez beaucoup de gens aujourd’hui.

Toutefois, ce n’est pas ce qui est arrivé à un groupe de jeunes naufragés en 1965. Contrairement aux personnages fictifs de Sa Majesté des mouches, ces derniers ont plutôt élaboré un plan de survie amusant et pacifique, basé sur la coopération, et ont ainsi noué de grandes amitiés.

En d’autres termes, laissés à eux-mêmes, les garçons ne se sont pas devenus des diables – loin de là !

L’historien néerlandais Rutger Bregman relate cette histoire dans son nouvel ouvrage intitulé Humankind, où il s’oppose à l’image de l’humanité déraisonnablement sombre que dépeint Sa Majesté des mouches. Selon Bregman, laissés à eux-mêmes, les êtres humains seraient plutôt fondamentalement bons.

Cela ne veut pas dire que certains n’agissent pas de manière répréhensible, surtout dans un contexte où ils sont incités (ou manipulés) ou soumis à la contrainte. Toutefois, la grande majorité d’entre nous sommes heureux de coopérer. Il s’agit, écrit-il, de la seule conclusion qu’il est possible de tirer de preuves scientifiques et historiques.

Et, affirme-t-il, il est important de comprendre cela pour travailler ensemble à la création d’une société meilleure.

Comment nous sommes induits en erreur

Une « preuve » connue soutenant une vision pessimiste de la nature humaine est l’expérience de la prison de Stanford réalisée par Philip Zimbardo au début des années 1970. Dans cette expérience, M. Zimbardo a mis à contribution des étudiants dans le cadre d’un laboratoire et leur faisant jouer des rôles de prisonniers et de gardiens. L’expérience a vite tourné au vinaigre. Les gardiens se sont montrés trop rudes envers les prisonniers et l’expérience a dû être interrompue.

Les chercheurs ont conclu que, sous des apparences de normalité, les êtres humains sont en réalité sadiques et peuvent facilement être manipulés pour faire le mal. Or, Rutger Bregman souligne que de tels résultats ont été obtenus parce que les « gardiens » ont dès le début été encouragés à être rudes envers les « prisonniers ». En jouant leur rôle, ils pensaient contribuer à la science – une intention bienveillante et serviable. Par ailleurs, un étudiant « prisonnier », qui aurait « craqué » et dû être renvoyé, a avoué par la suite avoir feint son hystérie afin de pouvoir reprendre ses études. L’ensemble de l’expérience et de ses conclusions ont été dénaturées.

« Fait intéressant : la plupart des gardiens de l’expérience de la prison de Stanford ont hésité longtemps à appliquer des ‘méthodes dures’, même sous la pression croissante », écrit Rutger Bregman. En fait, une « expérience de prison » ultérieure réalisée par la BBC, qui a mis à contribution des gardiens auxquels aucune consigne particulière n’a été donnée, a conduit à des résultats très différents. Les « gardiens » se sont tout de suite montrés réticents à assumer leur rôle autoritaire et se sont plutôt liés d’amitié avec les « prisonniers ».

En fait, les recherches suggèrent que, sans une forte coercition, les gens ne sont pas du tout disposés à faire du mal aux autres – même en situation de guerre. Ceci suggère que laisser les êtres humains à eux-mêmes produirait un dénouement différent.

Rutger Bregman conduit les lecteurs à travers de nombreuses expériences et événements qui semblent relever les faiblesses [du genre humain], et les démystifie une par une. Par exemple, il relève que la tristement célèbre histoire de Kitty Genovese – une femme qui a été brutalement violée et assassinée dans le Queens, à New York, alors que ses voisins n’ont soi-disant rien fait pour l’aider – est en grande partie une fiction perpétuée par la couverture de son décès par le New York Times. Il s’avère que la couverture du New York Times au sujet des 37 témoins oculaires « sans-cœur » était fausse, que des gens sont venus à son secours, dont un individu qui l’a soutenue en attendant l’arrivée d’une ambulance.

Pourtant, cette couverture de spectateurs insensibles a été maintes fois reprise comme preuve de l’indifférence humaine et, à l’instar de l’expérience de la prison de Stanford, elle a intégré de nombreux manuels de psychologie sociale. Voilà où réside le problème.

Pourquoi est-ce important ?

Le danger de prendre pour acquis de fausses conclusions d’une recherche erronée est que cela alimente un récit qui ne nous sert pas. En adhérant à de telles conclusions, les gens peuvent commencer à croire que des sadiques rôdent parmi eux et que les autres ne sont pas dignes de confiance, alors que la plupart du temps ils le sont. Cela conduit également à l’idée que seul un contrôle social strict exercé par de hautes instances – un État dictatorial ou policier, par exemple – peut éviter aux communautés de sombrer dans le chaos.

Selon Rutger Bregman, il est important de reconnaître que notre véritable nature est (surtout) bienveillante, car cela peut encourager la création d’institutions moins hiérarchiques et d’un leadership moins contraignant. Ce type d’organisation peut conduire à de meilleurs résultats.

Par exemple, ce dernier souligne l’exemple du programme de soins à domicile « Buurtzorg », créé aux Pays-Bas, au sein duquel les infirmières ont allégé le système de gestion et ont créé une coopérative qui s’est avérée rentable et qui fournit des soins aux patients améliorés. Il relève aussi que des gouvernements municipaux du Brésil ont mis en place des processus de budget participatif, au sein desquels les citoyens ont un mot à dire sur la façon dont les fonds municipaux sont dépensés, ce qui a entraîné des investissements supplémentaires dans le secteur de la santé, une diminution de la mortalité infantile et une plus grande participation citoyenne. Enfin, écrit-il, les écoles dont les cursus sont moins punitifs, mais plutôt axés sur la coopération, responsabilisent les élèves vis-à-vis de leur éducation, ce qui les motive davantage – un facteur essentiel à l’apprentissage.

La « tragédie des biens communs » – c’est-à-dire l’idée selon laquelle les ressources communes (telles que l’air, l’eau et la terre) risque de s’épuiser si leur utilisation est centrée sur l’intérêt individuel – exerce depuis longtemps une influence considérable en économie. Toutefois, Rutger Bregman relève les travaux d’Elinor Ostrom, récipiendaire du prix Nobel d’économie, qui se penchent sur la manière dont les gens gèrent réellement les ressources communes mondiales dans un contexte où ils sont laissés à eux-mêmes. Ses recherches suggèrent que lorsque certains facteurs sont présents, la coopération l’emporte et qu’un contrôle social n’est pas nécessaire – une constatation qui fait écho à la pensée de nombreux économistes aujourd’hui.

Le livre regorge d’exemples fascinants d’endroits et de programmes remodelés sur la base de la bonté et de la confiance humaines. Le message de Rutger Bregman est que notre nature bienveillante l’emporte, si nous reconnaissons son omniprésence.

Ceci implique qu’il est essentiel de reconnaître le potentiel de bonté en chacun, y compris celle de personnes qui ont une apparence différente ou qui pensent ou agissent différemment de nous et envers lesquelles nous pourrions tenir des préjugés. Pour y arriver, les recherches suggèrent d’établir des contacts positifs entre les différents groupes de personnes, tisser des relations d’amitié et de travail basées sur la coopération, ce qui augmente la confiance mutuelle.

À la fin de son livre, Rutger Bregman offre des conseils pour voir la bonté dans l’humanité, tels que : « Dans le doute, faites d’abord confiance », « tempérez votre empathie, forgez votre compassion » et « évitez les ragots ». En prenant pour acquis que nous sommes nés pour être bons (Born to Be Good), il est possible de créer une société plus juste et plus libre, dit-il. Il ne s’agit pas d’être optimiste, mais d’être attentif à la science et à l’expérience.

« Croire que les gens sont fondamentalement bons n’est ni sentimental ni naïf. Au contraire, il est courageux et réaliste de croire en la paix et au pardon », écrit-il.

Jill Suttie, Psy.D., est l’éditrice de la critique de livres de Greater Good et contribue fréquemment au magazine. Cet article a été publié à l’origine par le magazine en ligne Greater Good.

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