Le barrage de Mossoul fragilisé

14 mars 2016 13:10 Mis à jour: 14 mars 2016 10:16

Daech n’est pas le seul danger en Irak, le barrage de Mossoul menace de s’effondrer à tout moment. Il pourrait emporter avec lui des centaines de milliers de personnes sous une vague géante de plusieurs dizaines de mètres.

Le barrage de Mossoul a été construit entre 1981 et 1984 sur le Tigre. Long de 3,65 kilomètres, il génère 750 mégawatts d’électricité, permet l’irrigation de nombreuses terres agricoles et protège Bagdad, 450 kilomètres plus au Sud, des grandes crues du Tigre. De manière aberrante, le consortium germano-italien qui a construit le barrage l’a fait sur un lit de gypse – un minéral poreux qui depuis plus de 30 ans s’imbibe d’eau et s’effrite. Saddam Hussein ne souhaitait pas, à l’époque, dit-on, qu’on perde du temps à sécuriser les fondations de « son » barrage. Muhseen Hasan, un des plus anciens employés du barrage interrogé par Rudaw.net, explique que depuis sa création, du ciment est donc constamment injecté dans les fondations du barrage, six jours par semaine : « Nous avons ici 380 personnes qui travaillent, pour être certains que les fondations ne s’érodent pas ». Rudaw précise que le coût de ce renforcement permanent approche des 30 millions de dollars par mois. Le barrage de Mossoul est donc resté à flot comme un canot qu’on écope constamment, ce qui lui a valu en 2006, le titre peu enviable de « barrage le plus dangereux au monde ».

Plus d’un an d’abandon

La situation a depuis encore empiré : durant l’été 2014, les troupes de l’organisation terroriste État Islamique ont pris le contrôle du barrage pendant deux semaines ; même après que celui-ci a été repris, pendant plusieurs mois aucune injection de ciment n’a pu être faite, d’abord parce que le personnel n’était pas revenu, puis parce qu’il n’était plus possible de se procurer du ciment dans la région. En 2015, après avoir été vigoureusement alertées par les États-Unis, les autorités irakiennes ont finalement contracté un prêt de 200 millions de dollars auprès de la Banque Mondiale qui a permis de faire venir une équipe d’ingénieurs italiens pour travailler sur les fondations et de renforcer les équipes du barrage. Malgré cela, pendant une bonne partie de 2015, peu de travail a pu être réalisé du fait des difficultés à protéger le barrage et ses employés des attaques de Daech. Aujourd’hui, les ingénieurs italiens emplissent à nouveau de ciment ce gruyère dans l’espoir de stabiliser les fondations du barrage, sans que rien garantisse qu’ils réussissent à le faire.

Messages alarmistes de l’Ambassade américaine

Lorsque son réservoir est à pleine capacité, 11 milliards de mètres cubes d’eau sont retenus par le barrage, ce qui fait estimer à l’Ambassade des États-Unis à Bagdad, citée par la BBC, que 500 000 à 1,5 million de personnes vivant proches des bords du Tigre ne survivraient probablement pas à une rupture du barrage. « Le barrage de Mossoul fait face à un risque sérieux et sans précédent d’incident catastrophique et imprévisible. Une rupture catastrophique… aurait pour conséquence la perte d’un grand nombre de vies humaines, des déplacements massifs de population et la destruction de la majorité des infrastructures sur le chemin de la vague », déclarent les autorités américaines citées par The Guardian. Les villes en aval de Mossoul, y compris Tikrit, Samarra et Bagdad, à plus de 450 kilomètres, seraient également touchées. « La vague emporterait tout sur son passage, y compris les corps, les bâtiments, les véhicules, les polluants et les déchets. »

500 000 à 1,5 million de personnes vivant proche des bords du Tigre ne survivraient probablement pas à une rupture du barrage.

Aux Nations unies, après une rencontre avec l’ambassadeur d’Irak aux Nations unies, Mohamed Ali Alhakim, l’ambassadrice américaine Samantha Power a appelé tous les États membres à se mobiliser rapidement : « Il est essentiel que tous les États membres soient rapidement informés de la gravité du problème et de l’importance d’être prêts pour empêcher une catastrophe humanitaire sans précédent », cite NBC News.

Dans un « message de sécurité » à ses ressortissants, l’Ambassade américaine à Bagdad prévient : « Une rupture du barrage causerait une inondation importante et l’arrêt de tous les services dans les zones basses de la vallée du Tigre, de Mossoul à Bagdad. Certains modèles estiment que Mossoul pourrait être inondée par 21 mètres d’eau quelques heures après la rupture […] Nous voulons insister sur le fait que se préparer à une évacuation rapide est le moyen le plus efficace de garantir sa sécurité. L’Ambassade sera extrêmement limitée dans sa capacité d’aide. »

Les mêmes modélisations d’inondations prévoient que Bagdad, 450 kilomètres en aval, soit inondé par près de 4 mètres d’eau. Dans The Guardian cependant, le Premier ministre irakien Haider al-Abadi se veut rassurant : « L’effondrement du barrage est très improbable, en particulier du fait des précautions techniques et administratives prises par les autorités… nous avons développé un ensemble de recommandations de précaution pour éviter tout risque potentiel ». Début mars, un contrat de près de 300 millions de dollars (270 millions d’euros) a été signé avec le groupe italien Trevi. D’après Mahdi Rasheed, Directeur Général de la compagnie des barrages irakiens, cité par NBC News, il faudra cependant encore attendre deux à trois mois avant que leur travail commence.

En 1988, après que le « barrage Saddam » (le premier nom du barrage de Mossoul) a été terminé, le gouvernement irakien a commencé la construction d’un second, au Nord-Ouest de Mossoul, qu’il a abandonnée au moment de la première guerre du Golfe en 1991. L’ouvrage, réalisé à 40%, n’a pas été repris depuis et serait selon certains experts la seule solution pérenne pour supprimer le danger du barrage de Mossoul… si celui-ci ne s’est pas rompu d’ici là.

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