Brexit: oignons ou huîtres, exporter sera « plus cher et plus long » et tout le monde n’est pas prêt

Par Epoch Times avec AFP
15 décembre 2020 14:32 Mis à jour: 15 décembre 2020 14:32

Oignon rosé de Bretagne, ratte du Touquet ou huîtres: avec ou sans accord, expédier des produits frais français vers le Royaume-Uni après le Brexit sera « plus cher » et plus compliqué, et tout le monde n’est pas prêt, selon plusieurs entrepreneurs interrogés par l’AFP. 

« Depuis plus de deux mois, nos livraisons vers la Grande-Bretagne représentent 35% de nos exportations hebdomadaires au lieu de 25% en temps normal »: Pour l’instant, le Brexit fait plutôt les affaires de Marc Fichel, directeur export de SolPom, une PME de 15 salariés basée sur le marché international de produits frais de Rungis, au sud de Paris.

Quotidiennement outre-Manche

Les camions partent quotidiennement outre-Manche. « Il doit y avoir un effet psychologique, les Britanniques doivent avoir peur qu’on les lâche » dit le professionnel, qui vend environ 200 tonnes d’échalotes par an outre-Manche, en vantant la « qualité de (ses) légumes et leur calibrage apprécié » par ses clients britanniques, en particulier les échalions du Val de Loire ou les échalotes de Bretagne.

-Un professionnel vend environ 200 tonnes d’échalotes par an outre-Manche des légumes très appréciés par ses clients britanniques. Photo par Sean Gallup / Getty Images.

Commandée le lundi à Rungis, une palette de carottes en bottes arrive le mardi chez un grossiste londonien.

Grâce au marché unique européen, un bon de transport suffit pour le véhicule et un bon de livraison pour le client. La facture est envoyée par mail. Pas de passage en douane. Les contrôles sanitaires ont lieu à Rungis.

Après le 31 décembre, M. Fichel fera appel à deux transitaires, des sociétés de transport britanniques, essentiellement pour les dédouanements des deux côtés de la frontière.

-Le marché international de Rungis, le plus grand marché alimentaire de gros au monde, est le principal marché de Paris. Photo de Philippe Lopez / AFP via Getty Images.

Craint surtout des embouteillages

« On va s’adapter », assure Véronique Gillardeau, une ostréicultrice qui fait de l’import-export avec le Royaume-Uni, en répondant aux questions d’une délégation officielle emmenée par le ministre au Commerce extérieur Franck Riester. Pas trop inquiète de la date-butoir du 1er janvier, elle craint surtout des embouteillages à la frontière qui pourrait rallonger les livraisons. « Quatre ou cinq jours c’est trop long pour un poisson ».

« Chaque marchandise doit avoir un numéro, certifiant son origine, ainsi que des certificats sanitaires: 10 produits, 10 certificats. Et des taxes douanières vont être appliquées sur chaque livraison », explique M. Fichel.

-Anne Marquet récupère les sacs d’huîtres dans sa ferme ostréicole au large du port de La Teste le 1er décembre 2020 dans le bassin d’Arcachon. Photo de Philippe Lopez / AFP via Getty Images.

150 euros de droits de douane par facture

Désormais, la palette de légumes « arrivera le jeudi ou vendredi et ce sera plus cher, on estime environ 150 euros de droits de douane par facture », dit-il, en ajoutant: « cela va réduire les volumes d’échange, rallonger les délais de livraison ». De quoi sérieusement renchérir le prix de la feuille de salade dans le sandwich.

Toujours à Rungis, dans le pavillon des viandes, Caroline Fauchère, à la tête du grossiste Eurodis (53 millions de chiffre d’affaires), sent la pression qui monte, à quinze jours de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne.

« On a créé les numéros +EORI+ (le numéro d’identification en matière douanière, ndlr), on a contacté des +RDE+ (« représentant en douane enregistré », ndlr), mais on travaille à tâtons, on ne sait pas comment ça va se passer au niveau de la TVA, on ne sait pas s’il y aura des droits de douanes, on ne sait pas comment ça va se passer à la frontière… », confie la jeune femme.

« Il faut aussi sensibiliser les chauffeurs routiers » au passage de la « frontière intelligente », conseille le directeur des Douanes.

-Des camions de fret font la queue en attendant d’entrer dans le port de Douvres sur la côte sud de l’Angleterre le 10 décembre 2020, avant de monter à bord d’un ferry pour l’Europe. Photo par Justin Tallis / AFP via Getty Images.

Une identification par code-barre, sur le modèle des télépéages, devrait en effet permettre d’accomplir les formalités douanières automatiquement, et faciliter la fluidité des échanges.

« On a suivi en spectateur au début mais, depuis octobre, on est en mode Brexit. Par exemple, à 8 heures on doit être en position de générer notre facture pour pouvoir faire notre déclaration douanière », explique Florent Hayoun, gérant de Natoora, qui expédie quotidiennement entre huit et dix palettes de fruits et légumes de haute qualité de l’autre côté de la Manche.

La date fatidique approche

Mais à mesure que la date fatidique approche, l’angoisse s’accroît. L’autre jour, « il y avait 50 km d’embouteillages de poids lourds à la frontière » car « toutes les entreprises qui peuvent faire des stocks sont en train d’en faire », souligne le grossiste. Ce qui n’est pas son cas, même si les légumes d’hiver sont, heureusement, moins rapidement périssables que les printaniers.

M. Fichel pense que « le Brexit va disparaitre en juin »: « les transporteurs me le disent, on va revenir au système actuel au printemps, tout va être beaucoup trop compliqué » et les Britanniques, peuple marchand « ne supporteront pas ce retour en arrière ».

Le niveau de préparation est très différent d’une entreprise à une autre, explique à l’AFP le ministre Riester, en passant entre les étals. Il va falloir « redoubler de communication. Qu’on aille chercher ceux qui n’ont pas encore fait les démarches car, quoi qu’il arrive, accord ou pas, au 1er janvier, les choses vont changer radicalement ». 

Le proche voisin britannique sera alors, comme la Chine ou la lointaine Australie, traité en « pays tiers ».

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