François Bayrou s’apprête à gravir deux nouveaux « sommets » dans quelques jours : la conclusion très incertaine du « conclave » des retraites, le 23 juin et la présentation, le 14 juillet, du Budget 2026 avec ses 40 milliards d’euros d’économie et la promesse floue d’éviter de nouveaux impôts.
En coulisses, les grandes manœuvres ont déjà commencé. Le chef du gouvernement, qui mentionne la chaîne de montagnes de « l’Himalaya » comme autant d’obstacles à son action, se dit pourtant « confiant » sur la possibilité d’un accord sur les retraites entre partenaires sociaux, malgré leur point de blocage sur l’âge de la retraite à 64 ans. Pour le budget, il mentionne un plan « global » et « hiérarchisé » d’économies, coincé entre une hausse des impôts jugée taboue par la droite et l’impossibilité de diminuer les dépenses sociales pour la gauche.
Le Premier ministre, qui avait obtenu la remise à plat de la réforme des retraites d’Élisabeth Borne afin d’éviter une censure des socialistes, espère un accord avant de le soumettre au Parlement. Pour son prochain budget, le gouvernement dit privilégier la réduction des dépenses à une augmentation de la fiscalité, pour dégager les dizaines de milliards d’euros d’économies, réparties entre État, Sécurité sociale et collectivités locales.
François Bayrou veut éviter de tomber sur l’autel du budget
Le Premier ministre devrait présenter son plan d’économies après la fin de la session parlementaire le 11 juillet, ce qui empêcherait le dépôt d’une motion de censure avant la rentrée des députés le 22 septembre.
« Si je propose un budget avec des économies drastiques, j’ai une censure dans les 15 jours », avait reconnu l’intéressé lors d’une réunion de ses soutiens à Matignon, selon un participant.
Olivier Faure, réélu à la tête du Parti socialiste, en congrès le week-end dernier, reste prudent : « Tout est sujet de censure mais tout est sujet de compromis aussi. »
Côté Rassemblement national, si le député Jean-Philippe Tanguy défend « une pression politique » pour provoquer une nouvelle dissolution, la présidente de son groupe, Marine Le Pen, n’y aurait aucun intérêt puisqu’elle ne pourrait pas se représenter du fait de son inéligibilité.
Au sein du groupe Les Républicains, « le ton se durcit beaucoup sur Bayrou, mais pas au point de le censurer » car comme le rapporte un cadre LR « la question, c’est le changer pour faire quoi ? »
Les ambitions prêtées au Premier ministre
François Bayrou préconise un plan « global » d’économies, qui pourrait notamment passer, selon plusieurs sources, par une « année blanche » (gel budgétaire), sauf pour les armées.
« L’idée ce n’est pas de faire un brûlot (budgétaire) en espérant tomber au champ d’honneur » sous la censure, décrypte un fidèle, mais « d’abord essayer de faire adopter » un texte « parce que la stabilité politique, elle a de la valeur ».
“Après, François Bayrou ne veut pas durer pour durer » ajoute-t-il.
À moins que François Bayrou parte de lui-même en « martyr », comme on peut l’entendre dans certains médias. « Je le vois mal partir sur les municipales à Pau tout en étant Premier ministre », une fonction « éphémère alors que Pau c’est toute sa vie », note un député socialiste. Un cacique du camp présidentiel pense qu’il cherche surtout « une sortie pour se présenter en 2027 ».
C’est un homme politique « insubmersible », souligne une source ministérielle. Alors « s’il fait passer deux budgets » et « tient plus longtemps que Gabriel Attal » – resté 8 mois à Matignon, quand François Bayrou approche des six mois – « il ira » à la présidentielle.
L’épreuve du Budget 2026
Mais comment trouver 40 milliards d’euros en 2026 sans augmenter les impôts et en demandant en même temps un effort à tous les Français ? Si rien n’est encore arrêté pour le prochain budget, dont le Premier ministre François Bayrou se réserve la primeur des annonces mi-juillet, plusieurs pistes circulent.
« Il n’y aura pas de hausse d’impôt d’ensemble », a assuré le 12 juin le ministre de l’Économie, Éric Lombard, après l’alourdissement en 2025 de la fiscalité des grandes entreprises et des ménages les plus aisés.
Mais au ministère de l’Économie et des Finances, on indique qu’a priori, aucune option n’est exclue. Dans un paysage politique instable, la priorité est donnée à la concertation avec les groupes politiques parlementaires et les partenaires sociaux, et les plus aisés pourraient une nouvelle fois être ciblés pour rallier le PS au gouvernement et éviter la censure.
Pour dégager des économies, la piste d’un « gel budgétaire », surnommé « année blanche », est avancée par des parlementaires, dont le président du Sénat, Gérard Larcher (LR).
Dans le même temps, François Bayrou a demandé fin mai un « effort à tous les Français » pour redresser les finances publiques, en ouvrant la porte à une « TVA sociale » afin de financer la protection sociale. Cette mesure consisterait à compenser des baisses de cotisations pesant sur le travail par une augmentation de la TVA, pour affecter une fraction de cette taxe prélevée sur la consommation au financement de la Sécurité sociale.
Pas de vraies économies à la clé donc, sauf à augmenter, sans baisse des cotisations, la taxe sur la valeur ajoutée, actuellement à 20 % pour le taux normal, ce qui reviendrait à une augmentation d’impôt pour tous pas forcément bien accueillie. Cette éventualité est rejetée par la gauche et le Rassemblement national, ce dernier menaçant le gouvernement de censure si elle venait à être retenue.
L’obstacle du conclave sur les retraites
Pour éviter un échec cuisant après trois mois et demi de concertation, le « conclave » des retraites, qui devait s’achever mardi, a droit à une journée de plus, le 23 juin, même si des partenaires sociaux encore présents – CFDT, CFTC, CFE-CGC côté syndical, Medef et CPME côté patronal – hésitent à s’y rendre.
Impulsé en janvier par le Premier ministre pour éviter toute censure au parlement, le « conclave » des partenaires sociaux est un instant de vérité pour le gouvernement. Mais les discussions entre partenaires sociaux ne progressent pas.
Selon la numéro un de la CFDT, Marylise Léon, « la balle est dans le camp des organisations patronales », notamment sur le sujet de la pénibilité sur lequel il y a « blocage ».
Le processus a déjà connu son lot de portes qui claquent, avec les départs de FO dès la première réunion puis de la CGT et de la plus petite des trois organisations patronales, l’U2P (artisans, commerçants et professions libérales) mi-mars.
Même si ça ne faisait pas grand mystère depuis le début, le Medef a entériné depuis le 10 juin qu’il ne bougerait pas sur l’âge de départ à 64 ans. Cela ne signifie pas forcément une fin de non-recevoir pour les syndicats. Tout dépendra de ce que le patronat lâchera en termes de carrière des femmes, de pénibilité, ou d’augmentation de cotisations sociales.
Et au-delà des aménagements qui pourraient être apportés à la réforme Borne, les partenaires sociaux doivent aussi parvenir à trouver les recettes financières pour permettre le retour à l’équilibre du système des retraites en 2030, alors que la prévision de déficit pour cette échéance est aujourd’hui de 6,6 milliards d’euros.
Le gouvernement confronté à un contexte économique et politique fragile
Le gouvernement affronte également des vents contraires qui compliquent la préparation du Budget 2026.
« Aujourd’hui, le socle gouvernemental semble vraiment trop faible pour pousser des réformes ambitieuses qui permettraient structurellement de rétablir les comptes », constate Julien Lecumberry, économiste au Crédit Mutuel Arkéa.
Or, la France est au pied du mur. Le gouvernement table encore sur un déficit public de 5,4 % du PIB en 2025 et 4,6 % en 2026, avant un retour sous le maximum européen de 3 % en 2029. Plus pessimiste, la Commission européenne les voit plutôt à 5,6 % cette année et 5,7 % l’an prochain, les pires de la zone euro.
Alors que l’heure tourne pour le budget, la mollesse de l’économie française vient compliquer cette équation déjà difficile, dans un contexte de réarmement européen. Le PIB du pays a enregistré une petite hausse de 0,1 % au premier trimestre et l’expansion devrait nettement ralentir en 2025. Après 1,1 % l’an dernier, le gouvernement table sur une croissance de 0,7 %, une prévision identique à celle de la Banque de France mais supérieure à celles du FMI et de l’OCDE (0,6 %).
« On a une économie, effectivement, qui commence à accumuler des vraies fragilités », mais surtout « une grave crise de confiance » avec des craintes sur le chômage ou les défaillances d’entreprises, analyse Julien Lecumberry.
« Les moteurs pour relancer la croissance sont là », assure-t-il, évoquant l’épargne des ménages ou la trésorerie des entreprises. Mais tant que cette crise de confiance perdurera, « ce sera difficile pour l’économie française de redémarrer. La question est de savoir d’où peut venir ce regain d’optimisme ».
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