Budget de la Sécu : le Sénat entame son opération « nettoyage » et propose de rétablir la réforme des retraites
Réforme des retraites rétablie, prestations gelées en 2026... Les sénateurs de la commission des Affaires sociales ont proposé samedi de revenir sur de nombreuses mesures votées à l’Assemblée nationale sur le budget de la Sécurité sociale, dont la très sensible "suspension" de la réforme Borne.

Photo: RICCARDO MILANI/Hans Lucas/AFP via Getty Images
Si les projecteurs étaient tournés ces derniers jours sur l’Assemblée nationale, le Sénat est entré dans le vif du sujet sur le budget, avec l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale en commission.
Cette étape préliminaire a permis aux sénateurs de droite et du centre, largement majoritaires à la chambre haute, de donner le ton sur leurs intentions en vue de l’examen du texte en séance publique, prévu à partir de mercredi. Sans surprise, la majorité sénatoriale a voulu marquer son désaccord majeur sur la mesure phare du projet de loi : la « suspension » jusqu’à janvier 2028 de la réforme des retraites portant l’âge légal de départ à 64 ans. Concédée par le Premier ministre Sébastien Lecornu aux socialistes, elle a été supprimée très largement par les sénateurs en commission, a-t-on appris auprès de plusieurs participants.
Bras de fer autour de la réforme Borne
« C’est de la poudre de Perlimpinpin », a regretté en commission la sénatrice Les Républicains Pascale Gruny, relevant le fait que le financement de la mesure reposerait « sur les retraités eux-mêmes ». « Le Sénat ne peut pas se renier sur une réforme qu’il a soutenue depuis des années », assume auprès de l’AFP la rapporteure générale centriste Élisabeth Doineau.
La gauche a vivement dénoncé cette décision. « La majorité sénatoriale se met dans une posture de refus de tout accord et de tout compromis », a regretté Bernard Jomier (groupe socialiste). Interrogée par Le Parisien, la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, a de son côté appelé les sénateurs à « œuvrer au compromis ». « Il y aura une suspension de cette réforme s’il y a un vote sur le budget », a-t-elle assuré.
Ce rétablissement ne préjuge en rien de l’issue des débats sur ce texte, qui poursuivra son parcours au Parlement jusqu’au début du mois de décembre. Les sénateurs repartiront d’ailleurs mercredi du texte qui leur a été transmis, c’est-à-dire de la version modifiée ces derniers jours par les députés avant l’interruption des débats. Tous les amendements adoptés en commission samedi devront donc à nouveau être soumis au vote du Sénat dans son ensemble.
Mesures sociales : lignes de fracture et arbitrages
Les divergences avec les députés s’annoncent nombreuses. Samedi, les sénateurs ont proposé en commission le gel, en 2026, des prestations sociales, habituellement indexées sur l’inflation. L’Assemblée avait largement supprimé la mesure durant son examen. Le gel des pensions de retraite, supprimé lui aussi par les députés, a également été rétabli en commission, même si les sénateurs ont choisi, à ce stade, de préserver les pensions inférieures à 1 400 euros, selon plusieurs participants. Ces orientations rejoignent les propos d’Amélie de Montchalin, qui a estimé samedi qu’il était « difficile d’imaginer qu’on puisse dégeler toutes les retraites et toutes les prestations sociales ».
Autant de mesures impopulaires que le Sénat se dit prêt à assumer. « Notre ambition, c’est de nettoyer tout ce qui nous paraît aberrant en termes de prélèvements nouveaux et de déficit accru, pour tenir le cap des 17,5 milliards d’euros de déficit » de la Sécu, estime le centriste Olivier Henno. Les travaux de la commission des Affaires sociales du Sénat aboutissent même, à ce stade, à ramener le déficit de la Sécu à 15,1 milliards d’euros, selon la présentation des rapporteurs consultée par l’AFP.
Bataille des chiffres et perspectives de vote
L’objectif de 17,5 milliards, initialement fixé par le gouvernement, est désormais largement caduc après le passage du texte à l’Assemblée, et pourrait dépasser les 24 milliards d’euros, selon des estimations gouvernementales et parlementaires. Plusieurs dizaines d’amendements de suppression de mesures ajoutées par l’Assemblée nationale ont été adoptés samedi matin, laissant présager le vote au Sénat d’une copie du budget de la Sécu assez proche de la proposition initiale du gouvernement.
Les sénateurs se sont par ailleurs opposés en commission à une autre mesure défendue par les députés socialistes : la hausse de la CSG prélevée spécifiquement sur les revenus du capital (dividendes, épargne salariale, plans épargne logement…), qui devait rapporter 2,8 milliards d’euros en 2026.

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