Burkina Faso: un deuxième coup d’État en huit mois

Par Epoch Times avec AFP
1 octobre 2022 15:05 Mis à jour: 1 octobre 2022 15:48

Le Burkina Faso a connu vendredi un second coup d’État en huit mois, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, arrivé au pouvoir par un putsch fin janvier, ayant été à son tour démis de ses fonctions par des militaires.

En ajoutant les deux putschs au Mali et celui en Guinée, c’est le cinquième coup d’État en Afrique de l’Ouest depuis 2020.

Après une journée émaillée de tirs dans le quartier de la présidence à Ouagadougou, une quinzaine de soldats en treillis et pour certains encagoulés ont pris la parole, peu avant 20H00 (GMT et locale) sur le plateau de la radiotélévision nationale.

« Le lieutenant-colonel Damiba est démis de ses fonctions de président du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration » (MPSR, organe dirigeant de la junte), ont déclaré les militaires dans un communiqué lu par un capitaine.

Le nouvel homme fort du pays, désigné président du MPSR, est désormais le capitaine Ibrahim Traoré, a-t-il affirmé.

M. Traoré, 34 ans, était jusqu’à présent le chef de l’unité des forces spéciales antijihadistes « Cobra » dans la région de Kaya (nord).

Le sort de M. Damiba restait inconnu vendredi soir.

Les putschistes ont également annoncé la fermeture des frontières terrestres et aériennes du pays à partir de minuit, ainsi que la suspension de la Constitution et la dissolution du gouvernement et de l’Assemblée législative de transition.

« Nous avons décidé de prendre nos responsabilités »

Les militaires invoquent « la dégradation continue de la situation sécuritaire » dans le pays.

« Nous avons décidé de prendre nos responsabilités, animés d’un seul idéal, la restauration de la sécurité et de l’intégrité de notre territoire », ont-ils poursuivi.

« Notre idéal commun de départ a été trahi par notre leader en qui nous avions placé toute notre confiance. Loin de libérer les territoires occupés, les zones jadis paisibles sont passées sous contrôle terroriste », ont-ils encore affirmé.

À son arrivée au pouvoir le 24 janvier, lui aussi par un communiqué lu par des hommes en armes à la télévision, M. Damiba avait promis de faire de la sécurité sa priorité, dans ce pays miné depuis des années par de sanglantes attaques jihadistes. Mais celles-ci se sont multipliées ces derniers mois, notamment dans le Nord.

Les putschistes ont promis de convoquer « incessamment les forces vives de la Nation » afin de désigner un « nouveau président du Faso, civil ou militaire ».

Réactions de la communauté internationale

Dans un communiqué, la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) – dont le Burkina est suspendu des instances depuis le coup d’État de janvier – a « condamné avec la plus grande fermeté la prise de pouvoir par la force qui vient de s’opérer ».

La Cedeao trouve « inopportun ce nouveau coup de force au moment où des progrès ont été réalisés (…) pour un retour à l’ordre constitutionnel au plus tard le 1er juillet 2024 ».

L’Union européenne a exprimé ses « inquiétudes », même sentiment du côté des Etats-Unis qui se sont dits « extrêmement inquiets » par la situation à Ouagadougou et qui ont appelé leurs citoyens à limiter leurs déplacements.

« Nous appelons à un retour au calme et à la retenue de la part de toutes les parties », a indiqué un porte-parole du Département d’État.

Le ministère français des Affaires étrangères a demandé à ses ressortissants à Ouagadougou, estimés entre 4000 et 5000, de rester chez eux.

Fortes tensions dans la capitale burkinabé

La journée de vendredi a été très tendue dans la capitale burkinabé, des tirs ayant été entendus avant l’aube dans le quartier abritant la présidence et le QG de la junte, selon plusieurs témoins, puis à nouveau en début d’après-midi.

Plusieurs axes de la ville ont été barrés toute la journée par des militaires postés sur les principaux carrefours de la ville, notamment devant le siège de la télévision nationale.

Vendredi soir, peu avant l’annonce télévisée, un important dispositif militaire s’est déployé dans certains quartiers de la capitale, ont constaté des journalistes de l’AFP.

Dans la journée, le porte-parole du gouvernement Lionel Bilgo avait évoqué « une crise militaire » sur des « revendications liées à des primes ».

Dans l’après-midi, plusieurs centaines de personnes, dont certaines brandissaient des drapeaux russes, se sont rassemblées sur la grande place de la Nation à Ouagadougou pour réclamer une coopération militaire avec la Russie, rejeter la présence militaire française au Sahel et exiger le départ du lieutenant-colonel Damiba, a constaté une journaliste de l’AFP.

L’influence de Moscou ne cesse de croître dans plusieurs pays d’Afrique francophone ces dernières années et il n’est pas rare de voir des drapeaux russes dans de telles manifestations.

Une situation de crise permanente

Le coup d’État mené en janvier par le lieutenant-colonel Damiba avait renversé le président élu Roch Marc Christian Kaboré, déjà impopulaire face à la hausse des attaques jihadistes.

Mais ces derniers mois, des attaques meurtrières, touchant des dizaines de civils et de soldats, se sont multipliées dans le nord et l’est, où des villes sont désormais soumises à un blocus des jihadistes, qui font sauter des ponts à la dynamite et attaquent les convois de ravitaillement qui circulent dans la zone.

Deux de ces convois ont notamment été attaqués en septembre, avec à chaque fois un bilan lourd.

Trente-cinq civils, dont de nombreux enfants, sont morts dans l’explosion d’un engin improvisé le 5 septembre. Et lundi, onze soldats ont été tués et 50 civils portés disparus dans l’attaque de leur convoi.

Le 13 septembre, le lieutenant-colonel Damiba avait limogé son ministre de la Défense pour assumer lui-même ce rôle.

D’autres attaques ont particulièrement marqué l’opinion publique, comme le massacre de Seytenga (nord) en juin, au cours duquel 86 civils ont été tués.

Depuis 2015, les attaques récurrentes de mouvements armés affiliés aux jihadistes d’Al-Qaïda et du groupe État islamique, principalement dans le nord et l’est du pays, ont fait des milliers de morts et provoqué le déplacement de quelque deux millions de personnes.

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