Face aux canicules, le combat des Amérindiens Navajo pour l’électricité et la clim
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Un employé de la Navajo Tribal Utility Authority (NTUA) fait un geste alors qu'une équipe installe des poteaux électriques pour les lignes électriques apportant l'électricité aux résidents de la nation Navajo, le 8 juillet 2025 à Tonalea, en Arizona.
En plein désert, à environ deux heures de route du Grand Canyon, des ouvriers plantent des poteaux électriques dans la terre orange et bricolent par 38°C pour faire courir des câbles jusqu’à la maison de Christine Shorty.
Grâce à leur générosité, cette Amérindienne de la Nation Navajo va enfin pouvoir être raccordée à l’électricité. Un luxe dans cette région de l’Ouest où plus de 10.000 familles sont encore privées de courant, et donc de climatisation, pourtant largement répandue aux États-Unis.
Une équipe de services publics travaille sur la connexion de la maison de Christine Shorty, résidente de la nation Navajo, au réseau électrique pour l’électricité à Tonalea, en Arizona, le 8 juillet 2025. (FREDERIC J. BROWN/AFP via Getty Images)
« Il fait de plus en plus chaud »
« C’est le changement climatique, il fait de plus en plus chaud », soupire la retraitée. « Ce serait plus facile pour nous avec un ventilateur et peut-être la climatisation. Et nous attendons cela avec impatience. »
En 70 ans, cette femme placide a vu son hameau isolé de Tonalea, en Arizona, changer de manière drastique.
L’été, les pluies de mousson sont beaucoup plus rares et les températures peuvent atteindre 40°C, ce qui était auparavant impensable sur ce plateau à 1.730 mètres d’altitude. Les lacs saisonniers du coin disparaissent et, certaines années, le bétail meurt de soif.
« Ça va vraiment me faciliter la vie »
Comme beaucoup, Mme Shorty a un groupe électrogène et des petits panneaux solaires pour alimenter un réfrigérateur, faire la cuisine ou regarder la télé. Mais leur puissance reste limitée et elle doit souvent choisir quel appareil brancher.
Christine Shorty, 70 ans, résidente de la nation Navajo, allume une lumière pour la toute première fois dans sa maison après qu’elle a été connectée au réseau électrique, le 8 juillet 2025 à Tonalea, en Arizona. (FREDERIC J. BROWN/AFP via Getty Images)
Avoir du courant continu, « c’est un grand changement, ça va vraiment me faciliter la vie », murmure-t-elle à l’AFP.
La plupart des États-Unis ont été électrifiés dans les années 1930, grâce au « New Deal » du président Franklin Roosevelt.
« Cette région a été négligée »
Mais dans la Nation Navajo, qui s’étend sur l’Arizona, le Nouveau-Mexique et l’Utah, les premiers efforts ont démarré seulement dans les années 1960 et les lignes restent encore insuffisantes.
« Cette région a été négligée », résume Deenise Becenti, de la Navajo Tribal Utility Authority (NTUA), agence qui gère les infrastructures de la réserve. « Cela surprend beaucoup de gens. Ils se demandent pourquoi il existe des situations dignes du tiers-monde ici aux États-Unis. »
Le projet « Light Up Navajo »
Pour combler le retard, le gouvernement semi-autonome de la réserve a lancé en 2019 le projet « Light Up Navajo ». Grâce à ce partenariat humanitaire, des compagnies d’électricité de tout le pays envoient leurs employés effectuer gratuitement des travaux pendant une dizaine de semaines par an.
Chander Valezuela (à g.) et Cole Garcia de Mojave Electric travaillent sur un poteau électrique pour connecter le réseau d’électricité aux résidents de la nation Navajo à Tonalea, en Arizona, le 8 juillet 2025. (FREDERIC J. BROWN/AFP via Getty Images)
La réserve, qui manque de ressources et où le taux de chômage est plusieurs fois supérieur à la moyenne américaine, accélère ainsi ses efforts d’électrification. Depuis 2019, le courant a été acheminé vers 5.000 familles, dont presque 1.000 grâce à « Light Up Navajo », selon Mme Becenti.
Face au réchauffement climatique, « beaucoup de familles sont en mode survie », constate-t-elle.
La chaleur : « Quand on vieillit, le corps ne la supporte plus »
Elbert Yazzie a perdu un membre de sa belle-famille à cause d’une attaque causée par la chaleur.
Elbert Yazzie, 54 ans, résident de la nation Navajo, ajuste une ampoule à l’extérieur de sa petite maison après avoir été récemment raccordé au réseau électrique, le 8 juillet 2025 à Tuba City, en Arizona. (FREDERIC J. BROWN/AFP via Getty Images)
A 54 ans, sa caravane se transforme en fournaise l’été et il s’inquiète pour sa compagne, diabétique comme lui. Car en Arizona, les canicules ont fait des centaines de morts ces dernières années. Plus jeune, « j’aimais la chaleur », se souvient-il. « Mais , surtout si on a des problèmes de santé. »
Depuis qu’il a été raccordé à l’électricité il y a deux semaines, il s’est construit un rafraîchisseur d’air avec système de refroidissement à eau, en récupérant trois appareils cassés dans une décharge.
Elbert Yazzie, 54 ans, résident de la nation Navajo, touche son unité de climatisation récemment installée à côté d’un refroidisseur d’humidité construit par lui-même à l’extérieur de sa petite maison après avoir été récemment connecté au réseau électrique pour l’électricité, le 8 juillet 2025 à Tuba City, en Arizona. (FREDERIC J. BROWN/AFP via Getty Images)
« Maintenant, nous pouvons allumer la clim quand nous le voulons », savoure-t-il. « Nous n’avons plus besoin d’aller chez les autres pour nous rafraîchir, nous pouvons rester chez nous, nous détendre, regarder la télévision, etc. »
Elbert Yazzie, 54 ans, résident de la nation Navajo, allume son lecteur DVD à l’intérieur de sa petite maison après avoir été récemment raccordé au réseau électrique, le 8 juillet 2025 à Tuba City, en Arizona. (FREDERIC J. BROWN/AFP via Getty Images)
Encore 20 ans à attendre
Sans financements supplémentaires de la part du gouvernement américain, raccorder les 10.000 familles Navajo sans électricité pourrait prendre encore 20 ans, selon Mme Becenti.
Gilberta Cortes, 42 ans, résidente de la nation Navajo utilise un générateur pour l’électricité, à Cameron, en Arizona, le 9 juillet 2025, alors qu’elle attend que l’électricité du réseau électrique atteigne sa résidence. (FREDERIC J. BROWN/AFP via Getty Images)
Un horizon beaucoup trop long au goût de Gilberta Cortes, qui n’ose plus laisser ses enfants jouer dehors l’été, sous peine qu’ils saignent du nez.
Un poteau électrique est visible sur le sol, avec des poteaux électriques offrant de l’électricité au loin le long de l’autoroute 89, alors que Gilberta Cortes, 42 ans, résidente de la nation Navajo, qui utilise un générateur pour l’électricité, porte son enfant à l’extérieur de sa maison à Cameron, en Arizona, le 9 juillet 2025. (FREDERIC J. BROWN/AFP via Getty Images)
Un poteau électrique va être planté devant sa maison et une ligne doit être étendue jusque chez elle dans quelques mois. Mais à 42 ans, cette Amérindienne a connu trop de faux espoirs pour être sereine.
« Ma mère et mon père avaient une vingtaine d’années lorsqu’on leur a promis l’électricité, mais rien ne s’est concrétisé depuis », rappelle-t-elle. « Je suis encore en colère. »