ENTRETIEN – Depuis quelques années, le grand public s’est réveillé en sursaut devant l’émergence des manifestations visibles du wokisme. Cependant, loin d’être une lubie tapageuse cantonnée aux marges de l’ultra-gauche, ce phénomène s’inscrit dans le prolongement du « politiquement correct » né de la révolution de mai-1968, lui-même enfant d’une patiente et méthodique entreprise de subversion marxiste de la civilisation occidentale, explique Évelyne Joslain, dans Guerre Culturelle (Éditions Presses de la délivrance). De l’émergence de l’État technocratique à la stratégie lexicale des théoriciens marxistes, de l’influence insidieuse de l’École de Francfort aux bouleversements civilisationnels provoqués par la loi américaine sur l’immigration de 1965, du sans-frontiérisme au Great Reset, l’essayiste spécialiste de l’Amérique retrace avec une rigueur érudite et une plume sans concession l’histoire d’une « guerre de Cent Ans qui nous concerne tous », où les mots sont des armes et les institutions, des champs de bataille.
Epoch Times : « C’est avec Wilson que la guerre culturelle commence vraiment », écrivez-vous. Pouvez-vous expliquer pourquoi Woodrow Wilson est à vos yeux le « premier président mondialiste » et en quoi 1913 est une année pivot dans l’ascension du socialisme en Amérique ?
Évelyne Joslain : Woodrow Wilson fut le premier président « progressiste » des États-Unis, c’est-à-dire, le premier chef de l’exécutif de gauche ouvertement acquis aux idées socialisantes, voire socialistes, de son époque. Mais il fut aussi, et surtout, le premier président cosmopolite, ce que l’on appellerait aujourd’hui un mondialiste.
Là où ses prédécesseurs voyaient en l’Amérique une nation à part, exceptionnelle par son attachement à la liberté, Wilson, lui, rompait avec cette tradition : il méprisait la Constitution américaine et considérait les modèles européens comme supérieurs. Sa fascination pour le système parlementaire britannique ou l’État-providence bismarckien en témoigne.
Mondialiste, il le fut aussi par sa politique étrangère, en engageant les États-Unis dans la Première Guerre mondiale, jouant cependant un rôle décisif dans la victoire des Alliés, et en inaugurant une doctrine géopolitique au nom de laquelle l’Amérique se devait d’assurer la liberté du commerce maritime mondial et le libre-échange entre États-nations. Il est à l’origine de la Société des Nations (SDN), ancêtre des institutions internationales supranationales.
Comme je le rappelle dans mon livre, le sénateur Henry Cabot Lodge fut l’un des premiers à comprendre et dénoncer l’idée mortelle pour l’Amérique et les autres nations d’une souveraineté supranationale en devenir. Pour Wilson, c’était « le monde d’abord, l’Amérique en dernier ». Son irénisme foncier l’empêchait de concevoir la corruption inévitable de grands organismes internationaux incontrôlables. Certes, sa SDN échoua. Mais l’idée demeura.
Wilson a aussi définitivement marqué l’Amérique de l’intérieur, par des réformes adoptées en 1913, et imitées dans tout l’Occident : création de l’impôt sur le revenu (impôt direct sur les citoyens, remplaçant les droits de douane qui frappaient les pays étrangers), élection des sénateurs au suffrage universel, et surtout, création de la Réserve fédérale, une banque centrale indépendante du pouvoir exécutif.
Diana West, dans son ouvrage magistral American Betrayal : The Secret Assault on Our National Character, n’exagère en rien en parlant de trahison du caractère national. C’est bien l’esprit des Pères Fondateurs que Wilson a renié.
Il est donc tout à fait amusant que Donald Trump envisage le démantèlement des héritages les plus délétères de cette année 1913, qui fut en réalité l’ouverture officieuse de la Guerre culturelle minant l’Amérique depuis plus d’un siècle.
En 1944, lors de la Conférence nationale des Partis communistes, Alexander Trachtenberg, éditeur de journaux marxistes et activiste au sein du Parti communiste américain, a tenu ces mots devenus célèbres : « Lorsque viendra le moment de prendre le contrôle de l’Amérique, nous ne le ferons ni sous la bannière du communisme, ni sous celle du socialisme : ces termes sont trop entachés et repoussants pour le peuple américain. Non, nous nous emparerons de l’Amérique sous des étiquettes que nous aurons rendues séduisantes : le libéralisme, le progressisme, la démocratie. Mais nous la prendrons bel et bien ! » Aujourd’hui, il n’est pas rare d’entendre des figures politiques ou médiatiques défendre des idées traditionnellement classées à gauche ou à l’extrême gauche, tout en se réclamant du libéralisme et de la démocratie. De quelle manière le terme « libéralisme » a-t-il été progressivement vidé de son sens originel et détourné à des fins idéologiques ?
Alexander Trachtenberg, marxiste américain né en 1886, fut un éditeur militant et un révolutionnaire pur, convaincu, à l’instar d’Antonio Gramsci, que la transformation des sociétés passe par le temps long.
Un siècle plus tard, cette stratégie portait ses fruits : deux jours avant son élection à la présidence des États-Unis en 2008, Barack Obama déclara, dans une annonce jubilatoire à ses électeurs : « Nous sommes à deux jours de la transformation en profondeur de l’Amérique », renouant ainsi avec les prédictions de Trachtenberg.
On ne peut, bien sûr, être à la fois marxiste et démocrate – les « démocraties populaires » de l’Europe de l’Est en ont apporté la démonstration. Lorsque la gauche contemporaine, qu’elle soit celle du Parti démocrate ou de l’Union européenne, affirme vouloir « protéger notre démocratie », il faut comprendre : « préserver nos bureaucraties ».
Si aujourd’hui l’ultra-gauche américaine – de Bernie Sanders à Alexandria Ocasio-Cortez – ne cache plus, elle, son adhésion ouverte à l’idéologie marxiste, rappelons-nous qu’elle a dû cacher au public américain la vérité pendant plus d’un siècle. Le terme même de « marxiste américain » n’est désormais plus un oxymore, comme le montre Mark Levin dans son ouvrage American Marxism.
Depuis les débuts du « progressisme », terme choisi pour masquer un socialisme larvé, les théoriciens de gauche ont systématiquement cherché, avec succès, à manipuler le langage pour dissimuler leur identité idéologique véritable et leurs objectifs réels. Ce processus s’est déroulé en plusieurs étapes – que je détaille dans mon livre – et a conduit, dès les années 1970 et l’avènement du politiquement correct, à l’établissement d’une véritable nomenclature codée.
Notons que ce sont les universités qui, bien souvent, ont été à l’avant-garde de cette subversion lexicale, forgeant des expressions nouvelles et détournant le sens des mots afin de produire des versions « acceptables » des réalités, c’est-à-dire conformes à l’idéologie de gauche.
Le terme liberal est sans doute celui qui a subi la plus forte distorsion sémantique. Aux États-Unis, le libéral classique désignait traditionnellement un Américain appartenant à la droite conservatrice attachée aux principes fondateurs de la République, à la liberté individuelle, au marché libre et à un gouvernement limité. Mais depuis les années 1960, le mot a été entièrement récupéré par la gauche.
Désormais, un liberal désigne un gauchiste, souvent interventionniste, favorable à une redistribution massive et à une gouvernance technocratique. Mais le terme est devenu si repoussoir pour une grande partie de l’électorat américain que la gauche a préféré revenir à son étiquette d’origine : progressive.
Quant aux libéraux classiques, évincés de leur propre appellation, ils ont pour partie évolué vers le libertarianisme, un courant qui rapproche d’ailleurs parfois ses membres de la gauche sur certaines questions politiques.
En Europe, les « libéraux », pour leur part, revendiquent encore une filiation avec le libéralisme classique, alors même qu’ils se sont éloignés des principes fondamentaux énoncés par John Stuart Mill, les Pères fondateurs américains ou même des penseurs libéraux français. Les libéraux européens revendiquent leur différence avec les libertariens américains opposés à un gouvernement interventionniste, si bien que cela leur permet d’adhérer pleinement à cette idée d’un super-État européen.
Comme les libertariens, ils restent enfermés dans un carcan doctrinal rigide, refusant toute remise en question. Ainsi, ils défendent un libre-échangisme dogmatique, même lorsque certaines pratiques commerciales ou réglementaires – qu’elles viennent de certains pays ou même de leur chère Union européenne – créent de profondes distorsions du marché.
Ils se montrent tout aussi muets face à l’immigration incontrôlée, en réalité vraisemblablement voulue et donc contrôlée par les idéologues mondialistes. Ils n’émettent jamais non plus de critiques envers les institutions internationales ni les structures globalistes, n’ayant de cesse, en revanche, de mépriser tout ce qui touche de près ou de loin au « populisme », c’est-à-dire, en réalité, aux aspirations des peuples enracinés.
Cette ambiguïté libérale s’étend également aux questions géopolitiques ou sociétales. Contrairement aux libertariens américains, souvent pacifistes assumés, les libéraux européens évitent soigneusement de se prononcer sur ces sujets, sauf, bien sûr, lorsqu’il s’agit de la guerre en Ukraine.
Dans le sillage des idées d’Antonio Gramsci et de Léon Trotsky, un intellectuel communiste hongrois exilé à Berlin, Georg Lukács, participa en 1923 à la fondation de ce qui allait devenir l’École de Francfort. Aux côtés de plusieurs penseurs allemands, juifs pour la plupart qui fuiront par la suite le nazisme pour se réfugier aux États-Unis, Lukács contribua à l’implantation sur le sol américain de cet institut conçu dès l’origine comme un outil de subversion culturelle dans le cadre de la « longue marche à travers les institutions ». Pouvez-vous revenir sur la nature idéologique de l’École de Francfort, sur sa stratégie d’action intellectuelle et sur l’héritage qu’elle a laissé, notamment dans la genèse du phénomène aujourd’hui qualifié de « wokisme » ?
L’École de Francfort fut à l’origine un think tank marxiste installé au sein de l’Université de Francfort. J’ignore ce qu’il en reste aujourd’hui sur place, mais son héritage intellectuel, lui, s’est largement exporté, notamment aux États-Unis, où il s’est naturellement enraciné à l’Université Columbia. Cette institution est devenue, dès les années 1930, l’épicentre de la révolution gauchiste qui, à partir de 1968, s’est diffusée dans la quasi-totalité des campus américains.
Les manifestations pro-Hamas et anti-Israël qui ont suivi l’attaque du 7 octobre 2023 illustrent la permanence et la vigueur des idées issues de cette école. Columbia donne toujours le ton, non seulement aux autres universités américaines, mais également aux institutions françaises comme Sciences Po.
Il est important de rappeler que la violence n’est pas une dérive accidentelle de l’ultra-gauche, mais un outil assumé de son arsenal idéologique. Les penseurs de l’École de Francfort ont toujours revendiqué la désobéissance civile, la subversion, voire la confrontation directe, au nom de la supériorité morale de leur cause. La violence est justifiée parce que les fins seraient nobles, et les adversaires, par définition, coupables.
Enfin, tous les concepts forgés dans les milieux universitaires de gauche depuis les années 1980 – dans le sillage d’Howard Zinn, Edward Saïd, Noam Chomsky – s’inscrivent dans la continuité directe de la Théorie Critique, la marque de fabrique de l’École de Francfort. C’est cette matrice idéologique extrémiste qui a abouti au wokisme, promu d’abord sous Barack Obama, puis sous Joe Biden, et qui continue aujourd’hui à irriguer la gauche radicale occidentale.
Considéré comme le père de la nouvelle gauche, Herbert Marcuse, théoricien marxiste et juif allemand, a lui aussi fui l’Allemagne nazie pour rejoindre les États-Unis. Lui aussi membre de l’École de Francfort, il devint par la suite une figure d’inspiration majeure pour les révolutionnaires gauchistes de Mai 68, parmi lesquels Daniel Cohn-Bendit, lui aussi issu d’une famille juive allemande ayant fui le nazisme. Quel rôle Herbert Marcuse a-t-il joué dans l’émergence du néo-marxisme ?
La Nouvelle Gauche émerge en 1962. À ma connaissance, sa paternité revient à Tom Hayden, entouré d’une cinquantaine d’activistes, avec la fondation du mouvement Students for a Democratic Society (SDS). Mais le terrain avait été soigneusement préparé bien plus tôt par Herbert Marcuse, figure centrale de l’École de Francfort, dès les années 1940.
Marcuse était à la fois un révolutionnaire et un pornocrate piqué de freudisme. Il avait compris que toute révolution est toujours facilitée, sinon introduite, par une subversion morale des mœurs. Il s’appuyait notamment sur l’exemple des « libertins » de la Révolution française, ancêtres idéologiques de nos pornocrates contemporains. Pour ces doctrinaires, la corruption de la jeunesse, et en particulier des enfants, constitue le premier levier du basculement révolutionnaire : une fois les repères abolis, le reste suit naturellement.
Comment analysez-vous les discours ouvertement anti-sionistes de ces figures du gauchisme qui sont pourtant juives ?
Je ne suis pas spécialiste de Cohn-Bendit ni même de Marcuse, dont je n’ai pas lu les œuvres. Mais si tous deux ont, comme vous le suggérez, adopté des postures antisionistes, il s’agit très probablement du même antisionisme que celui professé par des figures juives comme George Soros ou Bernie Sanders, qui manifestent une hostilité profonde non seulement envers le sionisme, mais envers tout ce qui incarne l’identité juive affirmée.
Dans la vision de cette gauche extrême, le Juif-type comme le citoyen israélien s’inscrivent dans la même catégorie fautive : les premiers seraient coupables d’usure et d’accointances capitalistes, les seconds de colonialisme. On retrouve ici la dialectique hégélienne, qui constitue le socle de la pensée marxiste, caractérisée par son simplisme : d’un côté les oppresseurs – banquiers, capitalistes, colons ; de l’autre, les opprimés – travailleurs, peuples colonisés, personnes de couleur.
Notons que l’ultra-gauche ne se remet jamais en question. Et lorsque ses figures victimaires traditionnelles disparaissent, comme le prolétariat industriel, elle en invente de nouvelles à volonté.
Autre marqueur dans cette longue guerre culturelle que vous décrivez : l’immigrationnisme, qui a encouragé l’importation massive de millions d’étrangers en Occident afin de servir, selon vous, l’agenda mondialiste porté par la gauche. À ce titre, vous affirmez que la loi américaine sur l’immigration du 3 octobre 1965 constitue à elle seule « une révolution mondiale », dans la mesure où elle a rapidement essaimé en Europe, alors fragilisée moralement par la décolonisation. Quelle est la genèse de cette loi, et quelles en ont été les répercussions pour l’ensemble du monde occidental ?
La Loi de 1965 sur l’immigration aux Etats-Unis, connue sous le nom d’Immigration and Nationality Act, doit son adoption en grande partie à l’activisme du sénateur Ted Kennedy. Elle constitue l’aboutissement de plusieurs courants idéologiques ayant émergé dans le monde avant de s’implanter et d’émerger en Amérique.
Il faut rappeler le poids symbolique de la conférence de Bandung en 1955 précédant un vent de décolonisation. Ce mouvement sera soutenu par des Américains, qui ont vu d’un mauvais œil des Européens, bénéficiaires de l’aide militaire et financière américaine, s’accrocher à leurs vastes et coûteux empires coloniaux.
À cela s’ajoutait l’essor de l’anti-américanisme porté par les intellectuels progressistes des années 1950, Lionel Trilling en tête : désobéissance civile, non-conformisme et émergence d’un “chic radical”… Vingt ans avant l’universitaire décolonialiste palestino-américain Edward Saïd se dessinait déjà cette préférence pour l’Autre : l’étranger, l’exotique, perçu comme nécessairement opprimé. Il devenait chic et moralement vertueux de se préoccuper de la misère du “Tiers Monde”, appellation nouvellement formée.
Une autre idéologie sous-jacente accompagne ce bouleversement : celle des frontières ouvertes, ou plutôt, d’un monde sans frontières, où l’accueil inconditionnel devient un impératif moral, et où les populations de souche sont sommées d’accueillir et d’accorder des droits civiques à tous ceux qui se présentent.
Tout cela s’inscrivait aussi dans le contexte des directives venues du fameux concile Vatican II. Le sénateur Kennedy, catholique par héritage familial sinon par ses mœurs personnelles, était sensible à tout ce fatras intellectuel, en plus d’être désireux de laisser son nom dans l’histoire. Il n’hésita donc pas à mentir outrageusement en affirmant que cette loi « n’apporterait aucun changement indésirable » ou « n’était en rien révolutionnaire », et réussit à l’imposer au Congrès. On connaît la suite.
En soixante ans, sous l’effet de cette loi d’inspiration révolutionnaire, l’Amérique a ainsi connu plusieurs vagues migratoires successives qui ont profondément transformé son ADN fondateur.
L’Union européenne continue à promouvoir cette même politique, et le Royaume-Uni, bien qu’ayant quitté l’Union, continue d’en appliquer les principes avec des effets identiques. La gauche transnationale occidentale ne tolère aucune remise en question de ses politiques migratoires. L’Angleterre de Keir Starmer, trotskiste devenu Premier ministre, en offre une dernière illustration frappante : Renaud Camus, auteur de la théorie du Grand Remplacement, vient tout juste de se voir refuser l’entrée sur le territoire britannique. Son crime ? Avoir qualifié ce processus de remplacement organisé des populations de souche de « génocide culturel et civilisationnel » de l’Europe.
Il convient également de noter que, bien que cet Immigration Act de 1965 précède d’un an la formulation de la doctrine Cloward-Piven – du nom des deux sociologues marxistes enseignant à Columbia –, il est évident qu’elle s’inspirait déjà de leurs travaux en cours. Au cœur de cette pensée : l’idée qu’une crise, savamment provoquée par la saturation des services publics et l’effondrement des institutions – sous l’effet de vagues d’émeutes, de catastrophes orchestrées et d’arrivées massives d’étrangers soigneusement non assimilés – pourrait déclencher une révolution marxiste.
La crise, réelle ou fabriquée, constitue un excellent moyen pour imposer aux populations des mesures impopulaires et totalitaires. C’est d’ailleurs dans ce sillage que Cloward-Piven ont introduit en 1966 le concept de revenu universel, qui germera lentement jusqu’à s’épanouir dans le projet grandiose de Great Reset porté en 2020 par Klaus Schwab, désireux de tirer profit de la crise Covid. Ce dernier appelle en 2020 à une « réinitialisation » du capitalisme, ce qui n’est rien d’autre qu’un communisme capitaliste, un capitalisme de copinage (entre élites) qui allie public et privé, à l’image du capitalisme d’État pratiqué par le Parti communiste chinois.
Dans le cadre de ce mouvement de balancier idéologique entre les États-Unis et l’Europe, vous affirmez que « Lyndon B. Johnson est le premier président responsable de la guerre culturelle », et que sa politique a directement inspiré, en France, la loi Pleven de 1972, première législation antiraciste adoptée dans l’Hexagone. Cette loi, souvent critiquée pour avoir permis un usage militant et judiciaire des tribunaux par certaines associations woke, a aussi préfiguré, rappelez-vous, la loi Gayssot de 1990, portée par un député communiste, qui pénalise le racisme, l’antisémitisme, ainsi que la contestation de crimes contre l’humanité.
Avec Lyndon B. Johnson, la guerre culturelle est devenue une réalité tangible et visible. Il s’est inscrit dans la continuité de ses prédécesseurs démocrates – Woodrow Wilson, qui avait déjà introduit des idées socialistes, et Franklin D. Roosevelt, architecte d’un État profond tentaculaire –, mais ce président-là fut celui qui creusa un fossé définitif entre la droite et la gauche américaines. Un fossé devenu, soixante ans plus tard, irréconciliable.
Johnson ne s’est pas contenté de politiques sociales : il mit en place un arsenal de lois qui instituèrent un traitement préférentiel de certains citoyens au détriment d’autres, jugés moins « méritants ». À travers un système redistributif d’allocations, de privilèges et de « droits » spécialement créés par le gouvernement – en rupture avec les droits universels garantis par la Constitution –, il posa les fondations d’un clientélisme systémique.
Parallèlement, il amorça la militarisation idéologique de la justice, désormais à deux vitesses, à partir notamment de la Loi sur les droits civils de 1964, qui permit à certains groupes de bénéficier de cabinets d’avocats gratuits.
Son influence fut déterminante à l’international. En Grande-Bretagne, elle inspira le travailliste Harold Wilson, et quelques années plus tard, en France, les lois Pleven et Gayssot, deux législations liberticides, furent adoptées sous couvert d’antiracisme criminalisant toute préférence ou expression jugée contraire aux nouveaux dogmes.
Il ne faut jamais perdre de vue que la gauche est fondamentalement transnationale, organisée et unie autour d’un projet mondialiste, dans la lignée de la Première Internationale socialiste. Ses idées circulent entre l’Ancien et le Nouveau Monde, à une vitesse fulgurante, portées par une conscience aiguë du but commun. Alors qu’il y a émulation et collaboration en son sein, à l’inverse, les conservateurs des nations occidentales, eux, peinent à coopérer, s’ignorant souvent les uns les autres.
Vous abordez également longuement l’écologisme, dont vous situez le coup d’envoi idéologique en 1972 avec le rapport Meadows du Club de Rome. Vous vous indignez que le scandale du Climategate, survenu en 2009, n’ait pas « définitivement révélé l’imposture planétaire » que constitue la « lutte contre le changement climatique ». En quoi est-elle devenue, à vos yeux, « le cheval de Troie de la gauche marxiste et un pilier central du wokisme » ?
La lutte contre ledit changement climatique est un exemple éclairant des extrémités auxquelles la gauche néo-marxiste est prête à recourir pour atteindre son objectif fondamental : la destruction du capitalisme et des sociétés traditionnelles. Ce sujet est devenu le Cheval de Troie par excellence de cette gauche, et ce que je considère comme le pilier central du wokisme, avant même celui de l’immigration.
Pourquoi ? Parce que les deux autres piliers du wokisme – les obsessions identitaires sexuelles et les questions raciales obsessionnelles – ne font pas l’unanimité au sein de la gauche elle-même. En revanche, la cause climatique, elle, rassemble. Elle se présente comme une croisade universelle, une urgence planétaire, un idéalisme vert qui séduit particulièrement les jeunes générations, toutes cultures confondues. C’est le sujet vertueux par excellence, celui qui vous place instantanément dans le camp du Bien.
C’est aussi un sujet parfaitement compatible avec la dialectique marxiste : la Terre, idéalisée puis déifiée, est décrite comme une victime exploitée et pillée par l’homme, figure de l’oppresseur capitaliste, destructeur par ses activités et coupable par sa démographie.
Plus encore, les néo-marxistes les plus radicaux vont jusqu’à établir un lien direct entre le climat et l’immigration : les populations du Sud global ne fuiraient plus seulement la misère ou les conflits, mais les conséquences environnementales des exactions des anciens colonisateurs du Nord. L’immigré devient ainsi « réfugié climatique ». Il fallait y penser. Le pape François et Greta Thunberg ont largement œuvré pour légitimer cette vision.
Ce sujet rallie également toutes les élites mondialistes : têtes couronnées, institutions internationales, politiciens, financiers, médias, artistes, universitaires, scientifiques subventionnés, milliardaires rouges et lobbies mondialistes… tous trouvent un intérêt très concret à entretenir l’alarmisme climatique. Et, dans cette grande mécanique idéologique, c’est l’Union européenne, bien plus que les États-Unis, qui apparaît aujourd’hui comme la surface du globe la plus dramatiquement atteinte par le catastrophisme climatique.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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