INTERNATIONAL

La classe moyenne menace la mondialisation

août 9, 2016 11:57, Last Updated: août 9, 2016 11:57
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Le sentiment populiste qui se répand dans le monde s’en prend à l’ordre économique mondial établi par les États-Unis dans les décennies qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale.

Les inégalités qui ne cessent d’augmenter, la polarisation politique et une croyance grandissante que les gouvernements sont à la solde de l’élite fortunée sont en train de saper la confiance et la cohésion sur lesquelles les sociétés saines sont établies.

Les partis d’extrême-droite s’enracinent en Europe, tandis que les partis d’extrême-gauche continuent à prospérer en Amérique latine. Leurs perspectives divergent, mais ils s’en prennent tous deux à l’élite et à son programme de mondialisation.

Aux États-Unis, les électeurs fâchés et cyniques cherchent de plus en plus à faire élire un gouvernement protectionniste qui augmenterait les droits de douane et abandonnerait les accords de libre-échange, mettant un frein à des décennies de libéralisation du commerce.

Les oubliés et les laissés-pour-compte de l’ordre actuel alimentent ce mouvement – la vieille classe moyenne, les travailleurs à faibles revenus, les sous-employés et les sans-emploi – ceux qui n’ont pas profité de la richesse générée par l’intégration économique. Ils ont propulsé Donald Trump à la tête du Parti républicain et ont donné un souffle à Bernie Sanders dans le Parti démocrate.

Tandis que le Brexit a secoué les marchés boursiers, un retrait des États-Unis de l’ALÉNA – ce que Donald Trump a suggéré à plusieurs reprises – pourrait avoir un effet encore plus grave, selon Laura Macdonald, directrice de l’Institut d’économie politique à l’Université Carleton à Ottawa.

« J’estime que cela pourrait causer de graves perturbations économiques et sociales », indique-t-elle. « Nous pourrions constater une régression de l’économie mondiale, elle qui est déjà dans un état précaire. »

Les répercussions sur le Canada pourraient être très sévères, étant donné que 75 % de ses exportations sont destinées aux États-Unis.

Et il n’y a pas que MM. Trump et Sanders qui méprisent l’ALÉNA. Un sondage Angus Reid de juin dernier indique qu’un Canadien sur quatre estime que l’ALÉNA est bon pour le Canada, un sur quatre estime qu’il est néfaste et plus du tiers souhaite sa renégociation.

Shachi Kurl, directrice générale de l’institut Angus Reid, mentionne que le sondage n’a pas abordé directement l’inégalité des revenus en ce qui a trait à l’ALÉNA, mais cette question préoccupe les Canadiens.

« Les Canadiens sont inquiets pour leur avenir. Ils sont stressés par la situation économique de leurs ménages et la sécurité d’emploi – ou les inquiétudes concernant cette sécurité – pourrait être un facteur influençant ces résultats.»

Inégalités et polarisation politique

L’accroissement des inégalités et la polarisation politique arrivent à un moment où beaucoup estiment que les gouvernements sont au service des riches.

Selon le discours populiste, les traités commerciaux et la mondialisation aident les grandes entreprises à augmenter leurs profits en exportant les emplois et en évitant les impôts. Ces entreprises financent ensuite les candidats politiques qui soutiennent leurs intérêts.

Ce discours alimente les mouvements populistes partout dans le monde, bouleversant les économistes qui perçoivent ce mécontentement grandissant comme une menace à la stabilité économique.

« C’est absolument le problème auquel nous ferons face et personne n’a de solution miracle », affirme Edward Alden, un spécialiste de la compétitivité économique américaine au Council on Foreign Relations.

Pour que les traités commerciaux et l’intégration économique évoluent, les entreprises devront être impliquées davantage au sein des communautés locales et les citoyens devront recommencer à faire confiance à leur gouvernement, estime M. Alden.

« Si vous ne pouvez résoudre ces problèmes, alors la situation s’aggravera. »

Des délégués tiennent des pancartes anti-Partenariat transpacifique lors de la Convention nationale démocrate le 25 juillet 2016 à Philadelphie. (Aaron P. Bernstein/Getty Images)

Les mouvements populistes proclament que les bonnes gens, l’homme et la femme ordinaires, sont maltraités par une petite clique élitiste qui peut et devrait être renversée.

Ce sentiment est la racine de la révolution, un précurseur à la révolte et le sol fertile dans lequel Donald Trump a planté sa revendication présidentielle.

C’est avec la même matière que Bernie Sanders a tenté de faire dérailler la nomination d’Hillary Clinton et que les électeurs britanniques ont choisi de sortir de l’Union européenne.

Pas d’argent dans le milieu

La mondialisation est un résultat direct de l’influence de l’argent dans la politique, selon les Trump et Sanders de ce monde.

Les traités internationaux comme l’ALÉNA et le Partenariat transpacifique ou les mécanismes internationaux, comme l’Organisation mondiale du commerce (OMC), le Fonds monétaire international (FMI) et l’UE, sont donc des outils des mondialistes.

Les gens se sont peut-être moqués de Donald Trump au début, mais la levée de boucliers contre la mondialisation doit être prise au sérieux, estime Darrell West, vice-président et directeur des études en gouvernance au Brookings Institution.

L’élite doit se pencher sur la perte de confiance qu’utilisent les populistes pour s’attaquer au libre-échange, indique-t-il.

« Si les gens ne font pas confiance au gouvernement, ce sera difficile pour les électeurs de faire confiance aux dirigeants politiques pour qu’ils négocient un meilleur traité », ajoute M. West.

« C’est devenu un environnement politique toxique, autant à gauche qu’à droite, pour tout genre d’accord commercial. »

Cette toxicité s’est déversée sur le plancher lors de la première soirée de la Convention nationale démocrate, alors que les partisans de Bernie Sanders et d’autres agitaient des pancartes et chantaient des slogans contre le Partenariat transpacifique.

Les populistes, sur un niveau, répondent à une tendance révélée par l’ex-économiste de la Banque mondiale Branko Milanovic, actuellement professeur invité à la City University de New York et chercheur principal au Luxembourg Income Study Center.

M. Milanovic a documenté une tendance du milieu des années 1980 à aujourd’hui qui démontrait comment les riches s’enrichissaient, tout comme les pauvres dans les pays moins développés. La classe moyenne aux États-Unis, toutefois, a très peu profité. Tandis que les revenus de la classe moyenne ont plus que doublé dans des pays comme la Chine et l’Indonésie, les niveaux de vie ont stagné pour la classe moyenne américaine.

« Les retombées pour ce groupe ont été minimes, je pense que c’est ce qui cause ces griefs », avance Edward Alden.

Ce sont les gens qui paient des impôts, font marcher les entreprises et qui élisent les gouvernements qui ont libéralisé le commerce. Bill Clinton a promis la prospérité à ces gens quand il a milité pour l’ALÉNA et normalisé les relations commerciales avec la Chine dans les années 1990.

Malheureusement, on croit souvent pouvoir répondre par la bande aux inquiétudes de la classe moyenne en aidant la communauté d’affaires d’un certain pays. Laura Macdonald estime que les gouvernements doivent changer cette approche.

« Ils se concentrent sur l’ouverture des marchés et répondre aux demandes des grandes entreprises, mais ils n’ont pas trouvé des mesures qui pourraient répondre aux situations qui surgissent lorsque les marchés sont libéralisés. »

Parmi ces situations, on retrouve les restrictions sur la réglementation et un taux de chômage plus élevé.

Confiance et éducation

Des chercheurs d’emplois font la queue lors d’un salon de l’emploi à New York. (Chris Hondros/Getty Images)

Ce n’est pas seulement que les riches sont devenus plus riches ; dans la classe moyenne, certains ont gagné et d’autres ont perdu, ce qui a divisé davantage les gens sur le plan économique.

L’éducation est devenue le facteur déterminant dans un nouvel ordre social où la politique, la culture et la richesse sont de plus en plus polarisées.

« La classe moyenne élevée américaine se sépare, lentement mais sûrement, du reste de la société. Cette séparation est plus évidente en ce qui a trait au revenu, le quintile supérieur prospère tandis que la majorité est à la traîne », a écrit Richard V. Reeves pour le Brookings Institution l’année dernière.

Pour ceux qui avaient les habiletés et l’éducation pour s’ajuster à l’économie mondiale actuelle, la prospérité était là. C’est la nouvelle classe moyenne.

Entre-temps, les gens sans éducation poussée, qui gagnaient autrefois un salaire raisonnable avec un diplôme secondaire en travaillant à l’usine locale, font face au chômage et au sous-emploi grandissant.

Trevor Thrall, chercheur principal au Defense and Foreign Policy Department du Cato Institute et professeur agrégé à la School of Policy, Government, and International Affairs de l’Université George Mason, affirme qu’il y a un fossé qui sépare ces deux groupes dans leur perception de la mondialisation.

Les gens de la classe moyenne élevée sont plus enclins à souscrire aux théories économiques du libre échange et à accepter qu’elles sont positives pour l’économie américaine. Ce n’est pas le cas pour ceux qui n’ont pas profité de la mondialisation.

« Alors, lorsque vous dites que la mondialisation est bonne pour l’économie, ils répondent : “Ouais, mais pas pour moi. Et les gens qui disent qu’ils vont m’aider et me protéger, que diable font-ils ?” »

Version originale : Middle Class Threatens Globalization

 

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