Comment l’intestin guérit et crée la maladie

Cultiver notre microbiome intestinal pour lutter contre les maladies (2/3)

Par Amy Denney
23 mai 2023 09:47 Mis à jour: 30 mai 2023 19:21

Dans cette série intitulée « Cultiver notre microbiome intestinal pour étouffer les maladies », nous vous expliquons comment les dernières avancées dans ce domaine médical transforment notre approche de la maladie et proposent de nouvelles stratégies de guérison et de prévention.

Les virus, les champignons et les bactéries qui vivent en nous et sur nous sont essentiels à des fonctions critiques de notre organisme. Les microbes présents dans notre bouche nous aident à créer de l’oxyde nitrique, par exemple, ce qui contribue à éloigner les maladies cardiaques en assurant la fluidité du sang. Cette communauté microbienne, notre microbiome, est à peine comprise, mais ce que nous savons nous indique qu’elle est essentielle pour prévenir et guérir de nombreuses maladies. Cette flore microscopique n’est nulle part plus importante que dans notre intestin.

La santé intestinale va bien au-delà de la simple digestion. Les bactéries bénéfiques qui vivent dans l’intestin nous aident à digérer les aliments dans le gros intestin et à transformer les nutriments en métabolites qui influencent notre santé physique et mentale.

Les métabolites sont généralement de petites molécules produites par le métabolisme. Ce métabolisme peut être effectué par nos cellules ou par nos microbes. Entre autres, « les métabolites microbiens influencent la maturation immunitaire, l’homéostasie immunitaire, le métabolisme énergétique de l’hôte et le maintien de l’intégrité des muqueuses », indique une étude publiée dans Nature Reviews : Gastroenterology & Hepatology. « Certaines bactéries produisent des neurotransmetteurs bioactifs », selon une autre étude publiée dans Nature. Les bactéries de notre intestin apportent des acides aminés, des lipides et des sucres liés à des processus tels que la digestion et la circulation. Les métabolites sont également impliqués dans la synthèse d’hormones.

Notre microbiome intestinal est un environnement dynamique où des trillions de microbes interagissent constamment avec nous et entre eux. Les bactéries ont une courte durée de vie, mais elles s’adaptent rapidement, et leur nombre peut proliférer rapidement pour améliorer considérablement notre santé – ou l’endommager d’une manière que les chercheurs ne peuvent pas comprendre.

Une nouvelle médecine

Le microbiome humain est une frontière de la médecine moderne dans laquelle de nombreux scientifiques et chercheurs espèrent trouver des explications – et peut-être des traitements – à l’augmentation du nombre de maladies auto-immunes. Le corps humain se retournant de plus en plus contre lui-même, le besoin de nouveaux traitements, de remèdes et de réponses se fait de plus en plus pressant.

La composition et les modifications du microbiote intestinal ont déjà été associées à des maladies qui vont des troubles gastro-intestinaux, inflammatoires et métaboliques aux maladies neurologiques, cardiovasculaires et respiratoires.

Nos microbes ont également un impact significatif sur d’autres microbes pathogènes. Chaque microbiome réagit de manière unique lorsqu’il est attaqué par des pathogènes viraux, par exemple. Cela peut expliquer pourquoi certains membres d’une famille tombent malades à cause de maladies telles que le Covid-19 et la grippe, alors que d’autres non.

Pour les médecins et les chercheurs, il s’agit d’un puzzle complexe et prometteur.

« Nous nous intéressons au biome, bien sûr, parce que nous espérons pouvoir promouvoir la santé en modifiant ou en intervenant dans un biome, et c’est en quelque sorte la question centrale », a déclaré le Dr Neil Stollman, président du service de gastro-entérologie de l’Alta Bates Summit Medical Center, lors de la « Malibu Microbiome Meeting » en mars 2023, une conférence sur le microbiome.

Pour l’essentiel, les traitements de précision fondés sur nos microbiomes individuels complexes ne seront pas disponibles avant des années, voire des décennies. Mais l’image du rôle du microbiome dans la maladie est beaucoup moins sombre qu’il y a dix ans.

Microbes et maladies

Une analyse publiée en 2019 dans la revue Microorganisms a examiné plusieurs études portant sur la manière dont l’écosystème du microbiome humain évolue avec l’âge. L’étude a cherché à documenter la façon dont le microbiome se modifie en réponse aux habitudes, à l’alimentation, à l’exercice et aux maladies. La conclusion simpliste est qu’un équilibre sain entre les micro-organismes permet à l’organisme d’assurer les fonctions métaboliques et immunitaires qui empêchent le développement de maladies.

Si cet équilibre sain est perdu, cela peut ressembler à un écosystème qui a perdu trop de plantes ou d’animaux essentiels et qui risque de s’effondrer, ou qui ne peut pas faire face à une espèce envahissante causant alors des ravages. Lorsque cela se produit avec le microbiome, on parle de « dysbiose ».

La dysbiose est liée à des maladies allant des affections gastro-intestinales aux troubles métaboliques et neurologiques. La recherche a également établi un lien entre le microbiome intestinal et les maladies cardiovasculaires, l’asthme, les allergies, l’eczéma et la stéatose hépatique non alcoolique, selon un article paru en 2021 dans l’European Journal of Clinical Nutrition.

Il convient d’examiner de plus près si la maladie est à l’origine du déséquilibre ou si le déséquilibre est à l’origine de la maladie. Le nombre de perturbations possibles est également un domaine de recherche en pleine expansion.

Microbes et virus

« Les bactéries commensales calibrent le seuil d’activation de l’immunité antivirale innée », déclare le titre d’une étude (pdf) publiée dans la revue Immunity en 2012. En d’autres termes, ces bactéries préparent le système immunitaire à protéger l’organisme contre la réplication virale, les maladies graves et la mort. L’étude souligne qu’une perte de bactéries commensales est associée à une maladie grave et à la mortalité dans la grippe, et que le traitement par probiotiques est bénéfique en cas de gastro-entérite virale et d’infections respiratoires virales.

Plus récemment encore, la relation entre les microbes et le Covid-19 a illustré le potentiel des bactéries à conférer une immunité protectrice contre les infections virales.

Le Dr Sabine Hazan, gastro-entérologue et chercheuse, a expliqué, lors du Malibu Microbiome Meeting, les résultats de ses recherches qui montrent que des niveaux élevés de bifidobactéries semblent créer un facteur de protection contre le Covid-19.

L’étude « Lost microbes of COVID-19 » (« Perte de microbes liés à la Covid-19 »), qu’elle a dirigée, a examiné les différentes réactions au Covid-19 au sein de familles en contact étroit et a conclu que des niveaux plus faibles de Bifidobacterium étaient associés à l’infection. L’inconnue est de savoir si la baisse des bactéries est due à l’infection ou si les sujets présentaient auparavant des niveaux faibles de Bifidobacterium qui les rendaient sensibles au Covid-19.

Les virus étant connus pour pénétrer dans un biome altéré, Hazan a émis l’hypothèse que la prévalence de microbiomes dysbiotiques (déséquilibrés) aux États-Unis pourrait expliquer pourquoi le Covid-19 a frappé si fort dans ce pays.

« Il s’agit peut-être de la perte des microbes qui nous ont rendus sensibles au Covid. Nous avons perdu ces bifidobactéries et nous devons les reconstituer », a-t-elle affirmé. « Le microbiome raconte l’histoire. C’est de la médecine légale ».

Des études futures pourraient déterminer quels microbes commensaux pourraient être utilisés à des fins thérapeutiques pour renforcer la résistance virale naturelle, comme le suggère une étude publiée en 2020 dans la revue Cell. Les chercheurs envisagent un avenir où le microbiome sera utilisé non seulement comme outil de diagnostic, mais aussi comme moyen d’intervention pour obtenir les effets physiologiques souhaités.

Microbes et santé

Bien entendu, alors que les chercheurs se tournent vers un avenir passionnant et plein de possibilités, ils ont également réalisé l’importance de comprendre comment les microbiomes sont devenus dysbiotiques. De nombreux chercheurs s’interrogent sur les leçons à tirer pour prévenir les maladies.

Nous savons aujourd’hui que le processus de peuplement de notre microbiome commence à la naissance, lorsque les nouveau-nés reçoivent de leur mère des bactéries qui les aident à empêcher les bactéries nocives et opportunistes de coloniser le microbiome du bébé. En vieillissant, nous acquérons des microbes de deux manières : verticalement (par les parents) ou horizontalement (par l’environnement, y compris l’alimentation).

La formation verticale de notre microbiome commence probablement dans l’utérus, bien que les recherches soient préliminaires. En d’autres termes, nous recevons certains microbes de notre mère avant notre naissance. Certaines recherches suggèrent que nous recueillons également d’autres microbes lors de notre passage dans le canal vaginal pendant l’accouchement, mais des résultats récents contestent cette hypothèse. La proximité de nos parents, ainsi que l’allaitement, nous confèrent également des microbes.

La recherche montre que les bébés nés par césarienne ou exposés précocement aux antibiotiques sont plus susceptibles de souffrir de maladies inflammatoires et d’obésité, ce qui est probablement lié à la dysbiose. L’ « ensemencement vaginal » est une stratégie permettant de ramener immédiatement le microbiome d’un bébé à une écologie plus normale, bien que la procédure soit encore sujette à caution.

Au cours de cette procédure simple, une gaze stérile est insérée dans le vagin de la mère avant l’accouchement par césarienne, puis essuyée sur l’ensemble du visage et du corps du nouveau-né afin de reproduire l’exposition aux microbes lors d’un accouchement par voie vaginale.

Cette procédure a suscité une certaine controverse, car la mère pourrait héberger des microbes pathogènes ou même des virus tels que le Covid-19. La Food and Drug Administration des États-Unis considère les sécrétions vaginales comme un « produit biologique », soumis aux nouvelles réglementations sur les médicaments.

Des études sont en cours pour déterminer s’il s’agit d’une stratégie de santé publique efficace pour améliorer les résultats sanitaires. Elle pourrait ouvrir la voie à des « biothérapies vivantes », c’est-à-dire à un produit standardisé destiné aux bébés dont la mère souffre d’une infection ou d’une maladie.

Le Bifidobacterium est l’une des premières bactéries à coloniser le tractus gastro-intestinal et on lui prête de nombreux effets bénéfiques sur la santé. La diversité bactérienne s’accroît rapidement au cours de la première année de vie d’un bébé, puis ralentit à l’âge de 3 ans pour devenir plus proche de celle d’un adulte à l’âge de 5 ans.

Néanmoins, le microbiome intestinal d’un enfant est moins diversifié et remarquablement différent de celui d’un adulte en bonne santé. En vieillissant, nous commençons à acquérir des microbes horizontalement à partir de sources environnementales telles que la nourriture, les autres personnes et les animaux.

Si notre microbiome est exposé aux bactéries et autres microbes qui contribuent à sa formation, il est également façonné par des expositions environnementales qui peuvent tuer une partie de la flore et en faire proliférer d’autres.

Étant donné que nous ne comprenons pas grand-chose au microbiome, il est difficile de savoir à quoi ressemble exactement un équilibre microbien sain. Les chercheurs tentent de déterminer s’il existe un microbiome de référence ou même un microbiome normal.

3eme partie : Les scientifiques sont désormais confrontés à la tâche apparemment impossible de créer une norme pour le microbiome idéal. Scott Jackson, du National Institute of Standards and Technology, explique comment les préjugés humains peuvent compliquer la recherche.

Précédemment : La plupart des avancées médicales les plus importantes des décennies précédentes étaient basées sur l’endiguement de la menace des maladies infectieuses. Malheureusement, des recherches plus récentes ont révélé que cette guerre contre les microbes tuait également des microbes bénéfiques essentiels à la santé humaine. Lire la 1ère partie – Tuer les bactéries à l’aide d’antimicrobiens et d’antibiotiques pourrait être une erreur de jugement, selon de nouvelles données scientifiques sur le microbiome.

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