Convention citoyenne sur la fin de vie: le feu vert à l’euthanasie et au suicide assisté jugé «nécessaire»

Par Etienne Fauchaire
5 avril 2023 14:33 Mis à jour: 5 avril 2023 14:33

Dans son rapport final livré dimanche, la Convention citoyenne sur la fin de vie, dont la mission était de répondre à la question de la Première ministre (« Le cadre d’accompagnement de la fin de vie est-il adapté aux différentes situations rencontrées ou d’éventuels changements devraient-ils être introduits ? »), s’est prononcée majoritairement en faveur d’un renforcement des soins palliatifs et d’une ouverture à l’aide active à mourir (euthanasie ou suicide assisté) sous conditions. Ce lundi, Emmanuel Macron a indiqué souhaiter une proposition de loi d’ici à la fin de l’été 2023, qui s’appuie sur le travail de cette convention dont les consultations avaient déjà fait polémique : plusieurs membres avaient dénoncé notamment des manipulations qui laissaient penser à une volonté de changer la loi à tout prix.

À l’issue de vingt-sept journées de réunions et de quatre mois de réflexions, 184 citoyens tirés au sort ont rendu dimanche 2 avril le compte rendu de la Convention citoyenne sur la fin de vie. Dans un rapport détaillé, adopté à la quasi-unanimité (92% pour, 3% contre et 5% abstention), la grande majorité (96%) enjoint le gouvernement à mener des « changements profonds » visant à améliorer l’accompagnement des patients en fin de vie et trois-quarts des conventionnels préconisent l’ouverture de l’accès à l’aide active à mourir en France (AAM), qui comprend l’euthanasie et le suicide assisté, avec un certain nombre de garde-fous et de conditions d’accès.

Lancée en décembre, la mission de cette convention citoyenne avait pour objectif de répondre à une question adressée par Elisabeth Borne : « Le cadre d’accompagnement de la fin de vie est-il adapté aux différentes situations rencontrées ou d’éventuels changements devraient-ils être introduits ? ». Quasi unanimement, les participants estiment que le cadre d’accompagnement de la fin de vie se révèle insuffisant en raison, premièrement, d’une « inégalité d’accès » à l’offre de soins et, deuxièmement, d’une « absence de réponses satisfaisantes dans le cadre actuel pour certaines situations de fin de vie ». De ces conclusions, les conventionnels ont établi une liste de 65 propositions collectives.

Améliorer le parcours de soins palliatifs

Pour répondre à la première problématique de façon à garantir une égalité d’accès aux soins palliatifs en application de la loi Claeys-Leonetti, les membres de la convention citoyenne appellent à développer l’accompagnement à domicile et à mettre en place les moyens humains et financiers « adaptés », « ne serait-ce que pour garantir un fonctionnement “normal“ du système de santé », ne manquant pas de souligner que celui-ci se trouve aujourd’hui dans une « situation alarmante ».

Par ailleurs, ils préconisent la définition d’un maillage territorial permettant la couverture des besoins de la population, le renforcement de la formation des professionnels de santé ou encore une intensification de l’effort de recherche et de développement en matière de diagnostics et de traitements.

Un vote majoritaire en faveur de l’aide active à mourir

S’agissant de la réponse à la deuxième thématique, plus épineuse, trois conventionnels sur quatre (76%) se sont prononcés en faveur de l’ouverture de l’AAM, estimant cette mesure « nécessaire » afin de « mieux répondre » à certaines situations de fin de vie et pour « respecter la liberté de choix de chacun ». Un moyen également de répondre aux limites de la sédation profonde jusqu’au décès et de mettre fin à l’inégalité entre les Français qui, par leurs revenus financiers, peuvent se rendre à l’étranger pour recourir à l’AAM et ceux qui sont privés de cette possibilité.

Entre euthanasie et suicide assisté, 40% d’entre eux se déclarent « plutôt en faveur » d’un libre choix entre la première option (l’administration médicalisée d’un produit létal), et la seconde (le geste final est accompli par le patient lui-même). Pour « éviter une implication trop grande des soignants » et pallier des cas de figure où, par exemple, le malade n’est pas en capacité de se donner la mort, une autre partie d’entre eux (28%) souhaiterait que le suicide assisté constitue l’option principale tandis que l’euthanasie resterait l’« exception ».

« L’accumulation des volontés individuelles ne fait pas société » 

À l’inverse, un quart de ces citoyens (23%) jugent que « la pleine application du cadre juridique actuel serait suffisante », voyant derrière une autorisation de l’AMM un risque de basculement vers des « dérives » sociétales, dont les personnes vulnérables, dépendantes ou présentant une altération du discernement pourraient devenir les victimes. Il est difficile de pouvoir exprimer un consentement libre et éclairé sans aucune influence familiale, sociétale, environnementale, particulièrement dans des contextes de grande vulnérabilité ou de détresse, expliquent ces citoyens, qui rappellent qu’une volonté de mourir peut en réalité être un appel à l’aide et qu’il y a une part d’inconnu dans l’évaluation et l’évolution de l’état de santé du patient.

Aussi, de leur avis, changer la loi pour adresser des cas particuliers n’est pas « judicieux », car « l’accumulation des volontés individuelles ne fait pas société » : « La légalisation de l’aide active à mourir adresse, selon nous, un mauvais signal aux patients et à la société. En mettant fin à la mission unique de l’hôpital, nous risquons de banaliser la question de l’aide active à mourir. Une loi qui autoriserait celle-ci obligera chaque famille et chaque patient à l’envisager. » En conséquence, sa légalisation remet en question la primauté accordée à la vie alors qu’il serait préférable de commencer par offrir à tous les malades des soins palliatifs adéquats, jugent-ils.

Par ailleurs, ils font valoir le danger de la « déstabilisation » du système de santé, notamment à cause des « réticences fortes d’une partie des professionnels de santé » dont la mission est avant tout de soigner, et d’une remise en cause progressive des conditions d’éligibilité jusqu’à ce que l’AAM soit ouvert à tous sans conditions.

Une AAM sous conditions

Pour la majorité des conventionnels, l’ouverture de l’accès à l’AAM ne devrait se faire que si celle-ci s’accompagne de « conditions d’accès », de « garde-fous » et de « mécanismes de contrôle ». Le modèle-type du parcours d’accès, au cours duquel le patient devrait renouveler à plusieurs reprises son souhait, comprendrait une évaluation du discernement et exigerait la décision d’une « procédure collégiale et pluridisciplinaire ». Quant au personnel soignant, il disposerait d’une clause de conscience lui octroyant la possibilité de ne pas prendre part au processus.

Le principal point de dissensus entre les membres de la Convention se situe sur les critères d’accès : incurabilité, souffrance réfractaire ou physique, ou encore pronostic vital engagé. Les avis sur un accès ouvert aux mineurs et aux personnes atteintes de souffrances psychiques, « voire existentielles », demeurent également très partagés.

Des membres de la Convention soupçonnent une manipulation

Le mois dernier, le Figaro publiait un article relatant les craintes de certains des participants à la Convention s’estimant manipulés par la tournure des délibérations, qui les avaient amenés à penser que les débats et les délibérations étaient pipés de façon à les orienter en faveur d’une modification de la loi à tout prix, ce dès la première question leur ayant été adressée par la Première ministre : « Le cadre d’accompagnement de la fin de vie répond-il aux différentes situations rencontrées ? »

« Les votes ont donné une impression manichéenne, qui ne rend pas justice à la qualité de nos débats, estimait l’un d’eux. Les possibilités ont été schématisées sur un arbre, qui prévoyait d’ouvrir la possibilité de l’aide active à mourir ou de ne pas le faire. Soit c’était la solution, soit ça ne l’était pas, mais nous ne pouvions pas la restreindre à certains cas exceptionnels ». « Des citoyens se demandent s’ils ne sont pas manipulés par le CESE, se posent des questions sur l’orientation imposée, confirmait un autre. Certains d’entre nous pensent que les votes sont conçus pour nous orienter vers l’aide active à mourir. »

Un projet de loi à venir

Ce lundi 3 avril, après avoir reçu les membres de la convention citoyenne sur la fin de vie, le président de la République a déclaré vouloir un projet de loi « d’ici la fin de l’été ». « En lien avec les parlementaires », avec « toutes les parties prenantes et sur la base des conclusions » rendues dans le rapport, Emmanuel Macron a fait savoir son intention de bâtir ce qu’il a appelé un « modèle français de la fin de vie » par le biais de cette nouvelle loi.

Les réactions à droite et à gauche de l’échiquier politique à la suite de la tenue de cette convention ont été variées. À gauche, le député LFI Manuel Bompard s’est déclaré favorable à la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté, saluant cette convention citoyenne. Même son de cloche du côté de la députée macroniste Valérie Hayer, qui voit derrière le projet de loi à venir un « pas majeur pour la dignité humaine ». À droite, le président du RN Jordan Bardella a souligné l’existence d’une « troisième voie française, celle du soin palliatif, celle de la loi Leonetti, qui permet de ne pas choisir entre acharnement thérapeutique et euthanasie », tandis que la Vice-Présidente de Reconquête ! Marion Maréchal a rappelé juger cette légalisation « immorale et irresponsable ».

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