Dans un village ukrainien, sur la trace des cadavres de l’occupation russe

Par Epoch Times avec AFP
12 avril 2022 15:48 Mis à jour: 12 avril 2022 15:49

Dans la collecte des corps dans le village ukrainien d’Andriïvka, il y a un rituel: d’abord un point d’interrogation jaune est marqué sur la maison, puis la police arrive pour exhumer la tombe. Enfin, les proches sont confrontés à la triste découverte.

Certains d’entre eux sont stoïques et résignés face aux restes d’un être bien-aimé désormais parti. D’autres se ruent à ses côtés pour le caresser, comme pour tenter de le réveiller d’un profond sommeil.

Tous avaient été tués par les Russes

Les journalistes de l’AFP ont ainsi vu lundi les cadavres de trois hommes en habits civils être exhumés des jardins d’Andriïvka, à plus de 30 kilomètres à l’ouest de Kiev.

Des employés communaux ont mis le corps d’un civil dans un sac en plastique après l’avoir exhumé dans la cour de sa maison du village d’Andriivka, dans la région de Kiev, le 11 avril 2022. Photo de Sergei SUPINSKY / AFP via Getty Images.

Il s’agit de Rouslan Iaremtchouk, 46 ans, Léonid Bondarenko, 68 ans, et Iouri Kravtchennia, 46 ans, selon leurs pièces d’identité et leurs voisins.

Enterré dans un jardin

Selon un responsable local, trois autres corps ont été exhumés plus tôt. Enterrés par leurs voisins, tous avaient été tués par les Russes, précisent les habitants.

Andriïvka, où habitaient 2.000 personnes avant le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février, a été occupée par les forces de Moscou jusqu’à leur retrait de la région fin mars.

Rouslan a été enterré dans un jardin, derrière une maison blanche, vêtu d’un un pullover bleu, de jeans et de chaussures de randonnée grises. Son corps est hissé par trois hommes.

Un policier remplit des papiers près du corps exhumé d’un civil tué enterré dans la cour de sa maison à Andriivka près de Kiev, le 11 avril 2022. Photo de Sergei SUPINSKY / AFP via Getty Images.

Son voisin Viktor Ganiouk, 42 ans, ne connaît que son prénom: Rouslan. C’est lui qui l’a enterré, avec l’aide d’un autre villageois.

A proximité, la police rédige un rapport, munie d’un diplôme qui révèle son nom. Rouslan Iaremtchouk a étudié l’ingénierie électrique à l’Institut Polytechnique de Kiev.

Abattu d’une balle « derrière l’oreille »

Sur le pas de la porte, trois rations de l’armée russe, ouvertes. « Cet homme est allé les voler. C’est probablement ce pourquoi il a été tué », affirme Viktor.

Selon lui, son voisin a été abattu d’une balle « derrière l’oreille ». Le corps de Rouslan est placé dans un sac mortuaire, et la police continue.

Le suivant, Léonid Bondarenko, est enterré près d’une maison rose, une croix mortuaire fleurie déposée avec l’inscription: 6 mars 2022. Le jour de sa mort.

Son corps est enveloppé dans une couette bleue à motifs. Trois hommes le soulèvent, révélant sa tête ensanglantée.

Un travailleur communal exhume le corps d’un homme enterré près de sa maison dans le village d’Andriivka, région de Kiev, le 11 avril 2022. Photo de Sergei SUPINSKY / AFP via Getty Images.

« Ils ont détruit tout le village »

Son fils Oleksandre, 39 ans, se tient devant le portail de la maison avec résignation. Son père a été tué dans un bombardement et un voisin l’a enterré quelques jours plus tard.

« Je ne sais pas comment des gens ordinaires doivent réagir à tout cela. Ils ont détruit tout le village », souffle-t-il.

Artiom Ielisseïev, policier de 25 ans, s’interroge: « Que penser lorsque ce sont des civils qui sont tués, pas des militaires? ». Il a déterré aujourd’hui un homme dans la force de l’âge et un retraité, tués eux aussi. « C’est difficile pour moi de parler de ce que je ressens », dit-il.

Le corps de Iouri Kravtchennia est enterré dans le sol près d’une maison détruite. Alors qu’il est sorti de terre, sa femme Olessia hurle de douleur à l’intérieur des ruines.

Elle jette un œil au dessus de la clôture et voit le corps de son mari être soulevé.

Iouri a été abattu dans la rue 

La dépouille est enveloppée d’un plastique ondulé, et son visage d’un vert pâle. En la revoyant, Olessia se rue à ses côtés mais ses jambes se dérobent soudain, et elle s’effondre. Iouri a été abattu dans la rue alors qu’il tenait ses mains en l’air, assure-t-elle.

« Ça fait 41 jours qu’il n’est plus là et je pleure. Je ne peux pas continuer sans lui », se lamente-t-elle.

Sa voisine, Tetiana Iermakova, 53 ans, vient la réconforter. Elle aussi est veuve. Son mari Igor, 54 ans, est enterré dans le jardin avoisinant.

Trouver encore la force de continuer

Igor a été arrêté par les soldats russes le 2 mars car il faisait circuler des informations sur la présence des forces de Moscou, selon sa belle-sœur Lioudmila Oleksiyenko. Deux jours plus tard, il a été retrouvé mort près des pylônes électriques.

« Ils ont juste dit qu’il y avait quelqu’un là-bas. On m’a dit: +Va voir si c’est le tien+ », raconte Lioudmila Oleksiyenko, 63 ans.

Les mains du cadavre étaient fermement attachées avec un corde derrière son dos, au point qu’elles sont devenues bleues, dit-elle.

« Avec ma sœur, nous l’avons traîné jusqu’au jardin ici, pour l’enterrer. Nous avons creusé le trou nous-même », poursuit Lioudmila.

Son corps sera le septième à être exhumé lundi, si les habitants de ce village trouvent encore la force de continuer.

***

Chers lecteurs,
Abonnez-vous à nos newsletters pour recevoir notre sélection d’articles sur l’actualité.
https://www.epochtimes.fr/newsletter

Soutenez Epoch Times à partir de 1€

Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?

Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.