Voici ce que les Russes, qui obtiennent leurs informations des soi-disant « technologues de l’information » du Kremlin – lire « propagandistes » – entendent dire sur la guerre avec l’Ukraine. Déjà tout au début de l’invasion russe, une série de tromperies préparées à l’avance a été diffusée par l’agence de presse d’État TASS (en 2014, cette agence a repris le nom qu’elle portait à l’époque soviétique – l’acronyme russe de l’Agence télégraphique de l’Union soviétique).
La première tromperie présentait la guerre sous l’image d’une pièce de moralité sur le combat entre le bien et le mal. Les « bons » combattants provenaient des républiques autoproclamées (et reconnues par la Russie) de Donetsk et de Louhansk. Ils ont été décrits comme combattant courageusement des « formations » néo-nazies soutenues par Kiev (et non l’armée ukrainienne qui a été attaquée sur plusieurs fronts à la fois). Ces petites républiques ont dû demander l’aide des forces de maintien de la paix russes (à qui il ne manque que les casques bleus portés par les troupes de maintien de la paix de l’ONU) pour repousser les nationalistes ukrainiens fous qui voulaient les assassiner. Gagner la guerre du Donbass était vital. Si les formations nazies ukrainiennes l’emportaient, elles attaqueraient la Mère Russie elle-même – et ce, malgré le fait que cela semblait très peu probable. Les nouvelles sur cette « guerre juste » de la Russie ne manquaient pas. Les lecteurs recevaient d’heure en heure des comptes rendus de la retraite des nazis ukrainiens, vaincus par les forces du bien.
La deuxième tromperie répandue par TASS a été réalisée en forme d’omission de faits importants. Cette agence officielle faisait à peine mention du fait que les forces russes attaquaient l’Ukraine depuis trois directions, dont le nombre atteignait près de 200 000 soldats qui encerclaient le pays. De toute façon, ce qui comptait, c’était la « guerre juste » mentionnée plus haut. L’assaut sur l’ensemble de l’Ukraine n’était mentionné qu’en passant. Les lecteurs curieux de TASS auraient été donc bien confus en trouvant des reportages sur la prise de Tchernobyl par les soldats russes, leur débarquement à Odessa ou la destruction de 83 installations militaires par les troupes russes. Ils avaient été amenés à penser que la guerre se limitait à la région du Donbass.
La troisième façon dont TASS induisait ses lecteurs en erreur était de rapporter que l’armée professionnelle russe menait les opérations par des frappes chirurgicales ciblées sur des sites militaires. Selon l’agence, il n’y avait aucune attaque contre des cibles civiles, tandis que la propagande russe affirmait que les Ukrainiens eux-mêmes pourraient tuer leurs propres citoyens dans le cadre des opérations sous fausse bannière visant à blâmer l’armée russe. En effet, TASS prévenait que le service de sécurité ukrainien prévoyait de mettre en scène des vidéos tournées dans différentes villes ukrainiennes montrant de prétendus « décès de civils en masse ». Cependant, selon TASS, personne en Ukraine ne devait craindre la Russie : les troupes russes ne bombardaient pas les villes et ne tuaient pas les civils.
Avec sa quatrième tromperie, TASS informait ses lecteurs que l’invasion de l’Ukraine n’était pas vraiment une bataille entre Russes slaves et Ukrainiens slaves. Les perfides États-Unis et l’OTAN ont recruté des mercenaires professionnels pour combattre les Russes. Les Russes bien disposés à l’égard de leurs amis et parents ukrainiens ne doivent pas s’inquiéter, selon l’agence de presse russe. Les Russes tuent des mercenaires, pas leurs frères slaves.
La cinquième tromperie affirmait que l’action militaire russe ne vise en aucun cas le peuple ukrainien. Elle vise plutôt à l’émanciper d’un gouvernement illégitime composé d’ultranationalistes et de néo-nazis. Le peuple ukrainien est sous ce joug depuis l’éviction de leur ancien président et marionnette russe Victor Ianoukovytch. Comme le soulignait l’agence TASS à ses lecteurs, la Russie est là « pour libérer les Ukrainiens des néo-nazis ».
La sixième tromperie des propagandistes du Kremlin consistait à qualifier l’administration ukrainienne de fasciste et de génocidaire. D’après TASS, la Cour pénale internationale (CPI) a annoncé qu’elle surveillait les activités militaires en Ukraine pour des crimes contre la population civile. Cependant, TASS ne disait pas à ses lecteurs que la Russie s’était retirée de la CPI après que cette organisation a enquêté sur le génocide russe en Crimée occupée.
De plus, les lecteurs de TASS entendent tout le temps que l’armée ukrainienne est en train de s’effondrer (bien qu’elle continue à résister). Que ses soldats se rendent, et qu’ils sont bien traités lorsqu’ils le font. Il n’y a aucun succès militaire ukrainien. Au début de l’invasion, TASS a informé ses lecteurs qu’un avion russe s’était écrasé à cause d’une erreur de pilotage, et non à cause de missiles ukrainiens. Pour son petit cercle de lecteurs ukrainien, le message est clair : le combat est sans espoir. Déposez vos armes et rentrez chez vous.
La propagande du Kremlin accuse ses adversaires des comportements de la Russie elle-même. C’est le Kremlin qui entretient des relations de travail bien pratiques avec les ultranationalistes qui sont représentés aussi dans le Parlement russe. Les organisations néonazies sont les bienvenues dans la politique et l’armée russes. L’utilisation de corps sous fausse bannière afin de blâmer les opposants est une astuce russe classique. Placer des cibles militaires dans des zones résidentielles des républiques autoproclamées de Donetsk et de Louhansk était une pratique courante de la guerre de 2014. Appeler les troupes russes qui dirigent les opérations militaires des « soldats de la paix » est une ruse essayée en 2014 lors des pourparlers de paix organisés à Minsk.
Les sondages montrent qu’une majorité de Russes ordinaires croient le ramassis de tromperies décrites ci-dessus et complétées par celles qui les ont suivies. Tant qu’ils les croiront, Vladimir Poutine aura les mains libres.
Article de RealClearWire
Dr Paul Roderick Gregory est professeur émérite d’économie à l’université de Houston, chercheur à la Hoover Institution de l’université de Stanford et chercheur à l’Institut allemand de recherche économique de Berlin. Il écrit sur la Russie, l’Ukraine et l’économie comparative. Il est l’auteur de Women of the Gulag (Les femmes du Goulag), entre autres ouvrages.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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