Témoignage : des femmes livrées aux prisonniers dans les prisons chinoises

2 août 2015 10:23 Mis à jour: 14 mars 2016 22:09

 

Une survivante de tortures et d’abus sexuels a quitté la Chine pour se rendre en Thaïlande, où elle a fait publiquement connaître l’une des pires tortures inventées par le régime chinois. Elle a pu ainsi révéler l’existence d’une cellule, regroupant des femmes pratiquant le Falun Gong, et spécifiquement créée à l’intérieur d’un camp de travail pour hommes. Les femmes sont livrées aux hommes pour y être violées. Cet article est basé sur le témoignage d’une survivante qui a accepté de publier son expérience sur le site Minghui.org.

Le 7 janvier 2000, Yin Liping, alors âgée de 32 ans, a été arrêtée et condamnée à un an et demi d’emprisonnement dans le camp de travaux forcés de Tieling.

Après neuf mois de peine, elle a été transférée dans les camps de Liaoning puis de Masanjia.

Tout au long de son emprisonnement, elle a subi diverses tortures, avec privations de sommeil et des charges quotidiennes de travail considérables. Elle a maigri d’environ 15 kg, passant de 75 à 60 kg, et vomissait du sang tous les jours.

Il lui était promis un traitement plus indulgent, à condition qu’elle abandonne sa pratique du Falun Gong et qu’elle accepte d’être « transformée », selon les mots des autorités. Elle a refusé.

Le 19 avril 2001, Yin Liping avait purgé 15 de ses 18 mois de peine. Elle et trois autres codétenues, qui avaient refusé comme elle d’être transformées, ont été appelées pour être transférées.

L’un des gardiens en chef leur a lancé avec un sourire ironique : « Nous allons vous mettre dans un endroit où vous pourrez mieux pratiquer le Falun Gong»

Yin Liping s’est adressée à un des gardiens responsables de leur cellule et lui a calmement demandé d’arrêter de maltraiter les pratiquants de Falun Gong.

Elle a regardé une autre gardienne, qui avait son âge et qui avait été en charge de la cellule des prisonniers qui avaient tourmenté Yin Liping. Elle a éprouvé de la compassion pour cette gardienne. Elle l’a prise dans ses bras et lui a murmuré à l’oreille qu’elle finirait par payer pour avoir fait du tort à d’autres et qu’elle devait arrêter.

La gardienne s’est mise à pleurer et lui a répondu : « Dites-leur que vous êtes malade. Vous êtes malade. » Yin Liping a réalisé plus tard que cette gardienne savait déjà ce qui allait se passer.

Le camp de travail pour hommes

Un car est venu chercher le groupe de femmes, toutes pratiquantes de Falun Gong, pour les laisser devant le camp de travail pour hommes de Zhangshi.

« On nous a demandé de nous mettre en rang dans la cour », décrit Yin Liping. « Deux policiers particulièrement costauds ont fait l’appel, puis l’un d’entre eux nous a lu le règlement. Il nous a lancé : « si des pratiquants de Falun Gong refusent d’être transformés et meurent, leur mort sera considérée comme un suicide ». On nous a dit que ces ordres provenaient de Jiang Zemin (le chef du Parti communiste de l’époque). Le gardien paraissait vraiment cruel. Je ne me rappelle plus les autres règles qu’il a énoncées. »

Le groupe a été emmené dans un bâtiment blanc pour y mesurer la pression artérielle des détenues. L’une d’entre elles a été emmenée, il n’en restait plus que neuf. Il y avait un bureau de gardien derrière les barreaux métalliques et une porte qui menait à un couloir, desservant des cellules.

Les neuf détenues ont été placées chacune dans une cellule. Celle de Yin Liping possédait un lit double et une armoire pour y ranger des vêtements.

Quatre hommes occupaient déjà la cellule. Quand elle a traversé le couloir pour se rendre à la douche, elle a aperçu une grande pièce où une trentaine d’hommes étaient allongés par terre, en train de dormir. Apeurée, Yin Liping s’est demandé ce qu’elle faisait là.

Vers 22h, elle a demandé aux hommes de quitter la cellule pour qu’elle puisse dormir. « Dormir ? » lui a demandé un homme moyennement âgé, qui s’est mis à rigoler. « Tu veux aller dormir ? On n’autorise personne à dormir tant qu’il n’a pas été « transformé ». On a entraîné une femme ici pendant 18 jours, et elle n’a pas pu dormir. À la fin, elle est devenue folle. »

« Des cris terrifiants »

Puis Yin Liping a entendu des cris dans le couloir et a reconnu Zhou Guirong, une pratiquante de Falun Gong. « Elle n’arrêtait pas de m’appeler », raconte Yi Liping. « J’ai essayé aussi fort que je pouvais de sortir de la chambre et j’ai vu Zhou qui s’était échappée dans le couloir. J’ai retenu Zhou et l’ai serrée fort pour ne pas la laisser partir. »

« Les prisonniers nous battaient régulièrement. Mon œil droit avait gonflé à cause des coups et mes vêtements étaient déchirés. Zhou et moi étions traînées de force jusqu’à nos cellules. Quatre ou cinq hommes me frappaient jusqu’à ce que je sois désorientée. Pour finir, on m’allongeait de force sur le lit. Un des hommes s’asseyait sur moi pour me frapper. J’avais la tête qui tournait et puis je perdais connaissance. »

« Quand je reprenais connaissance, il y avait trois hommes allongés sur moi, leurs mains et leur corps se baladaient partout sur moi. Deux d’entre eux se tenaient entre mes jambes, l’un filmait et l’autre regardait la vidéo. Ils parlaient grossièrement. Je ne peux pas dire combien d’hommes se tenaient sous mes jambes. Ils continuaient de me chatouiller les pieds, ce qui les faisait rire. Ils disaient sans arrêt des gros mots et l’un d’entre eux répétait continuellement : « N’espère pas la mort. Même morte, tu auras à renoncer au Falun Gong ! »»

« Je n’arrivais pas à croire ce que je voyais », raconte Yin Liping. « Je vomissais du sang et il y en avait partout.

« J’ai entendu les cris terrifiants de Zhou Guirong dans une autre cellule. Elle appelait « Liping ». Ça ressemblait à mon nom. J’avais l’impression d’être dans un rêve. Mais non, ça n’était pas un rêve. J’étais sûre que ce n’était pas un rêve. Ce cri horrible me ramenait à cet enfer absolu sur terre. »

« Soudain, je n’entendais plus de cris et je ne voyais plus rien. Je devais lutter pour me mettre debout et je me tenais à l’affût de cette voix familière. Ma tête a été heurtée contre l’armoire en bois et aussitôt, un liquide tiède s’est mis à couler le long de mon visage. »

« Je me suis démenée, je n’avais plus de notion de vie ou de mort. Rien ne pouvait m’arrêter. Je me suis jetée de toutes mes forces sur la porte de la cellule alors que les prisonniers étaient en train de me frapper. J’ai continué d’appeler : « Zhou Guirong ! » Elle a accouru dans ma pièce, elle m’a tenue et nous avons couru jusqu’à la porte au bout du couloir. »

« On a fait notre possible pour ouvrir la porte métallique en poussant et elle a fini par s’ouvrir. On était toutes les deux gravement blessées. Face à ces policiers nous n’avions plus peur de mourir. On leur a demandé : « Est-ce que c’est un camp de travail ici ? Pourquoi la Chine nous traite comme des voyous ? Vous avez une mère, non ? Peut-être une sœur, une fille, des tantes ? Ces actes peuvent-ils représenter notre pays ? »

« Si ces hommes ne quittent pas nos cellules, je me souviendrai de ce jour, le 19 avril 2001, et c’est vous qui étiez de service cette nuit. Si on s’en sort vivantes, on vous poursuivra en justice. Et si on meurt ici, nos esprits ne vous laisseront jamais en paix. Notre tolérance n’est pas sans limite. »

« La police a rappelé les prisonniers pour leur demander de nous laisser dormir toutes seules cette nuit. On nous a emmenées dans ma cellule avec quatre codétenues qui étaient là pour nous surveiller. On est resté éveillées la nuit entière, se regardant les unes les autres, les larmes aux yeux. On pouvait entendre les hurlements et les coups dans les portes des autres cellules. »

« Étudier »

« Le lendemain, les prisonniers qui m’avaient torturée la veille sont revenus dans la chambre avec une caméra. Cette fois, une femme les accompagnait. Ils ont apporté beaucoup de livres de Falun Gong. Ils lisaient un paragraphe et puis l’expliquaient d’une façon qui était insultante pour le Falun Gong. Ensuite ils lisaient à nouveau un paragraphe et en donnaient une autre explication. »

« Un des hommes qui m’avait violée la veille m’a demandé pourquoi je n’étudiais pas avec eux. Il m’a alors tiré sur le lit et n’arrêtait pas de me frapper tout en me demandant pourquoi je n’étudiais pas avec eux : « Tu ne veux pas être une pratiquante de Falun Gong ? » demandait-il. »

« J’ai répondu que je n’avais commis aucun crime et que ce n’était pas un endroit pour étudier. Pourquoi devrais-je être en détention, si c’est pour étudier ? »

« Les détenus écrivaient tout ce que je disais et me demandaient si ce qu’ils avaient noté était juste. Quand l’heure de manger est venue, je ne pouvais rien avaler. Mon corps était très faible. »

« Le soir est arrivé et il s’est produit la même chose que la veille. Ils ont commencé à me torturer et m’ont violée. Les gardiens avaient changé- ce n’était plus l’équipe de la veille. »

« Zhou Guirong a été battue et a couru jusqu’à ma cellule. Je me tenais debout et je vomissais du sang. À ce moment, il n’y a plus eu aucun bruit. Zhou Guirong s’est mise à pleurer et à hurler mon nom. Les gardiens ont alors rapporté l’incident au chef d’équipe et ont autorisé Zhou Guirong à rester avec moi pour me veiller. »

« Mais cela ne les a pas empêchés de persécuter Zhou et de continuer à étudier les enseignements de Falun Gong avec elle de façon déviée. Zhou n’avait pas vu de livre de Falun Gong depuis longtemps, elle allait en prendre un quand je lui ai dit : « Nous ne pouvons pas étudier ici, c’est une humiliation. » Puis elle a reposé le livre. « Quand on rentrera chez nous, on étudiera bien les enseignements de Falun Gong », lui ai-je dit. »

« Les démons ne nous ont pas laissées en paix cette nuit-là. Puis un homme a dit : « Sa tête et son corps sont brûlants, ne la laissez pas mourir. » Chacun des hommes est venu évaluer ma température et ils se sont tous tenus tranquilles. Je ne me souviens pas comment j’ai pu  passer cette nuit. »

« Le troisième jour, Zhou et moi nous nous sommes souvenus tout à coup de Ren Dongmei, qui n’était pas encore mariée. Elle était enfermée dans la cellule la plus confinée. À ce moment-là, on ne pensait plus à la mort, on s’est rué dans le couloir pour crier le nom de Ren. J’ai vu les gardiens et leur ai dit que Ren était vierge. Je les ai suppliés de l’épargner : « Vous devez avoir des filles vous aussi, non ? » leur ai-je lancé. »

« Pendant des années je n’ai pas pu écrire en détail tout ce par quoi j’étais passée là-bas. Je m’effondrais quand j’essayais. Je n’osais pas et je ne voulais pas y penser. Chaque fois que ça me revenait à l’esprit, j’étais saisie par une profonde horreur et douleur. »

« Plus tard, j’ai su qu’il y avait eu 33 pratiquantes avant nous qui avaient été envoyées là-bas pour y être « transformées » de cette façon. Certaines ont fait des dépressions. Pendant des années, ils n’ont pas arrêté cette persécution brutale contre les pratiquants de Falun Gong. »

Du groupe des neuf codétenues qui ont subi les viols à répétition au camp de travail pour hommes de Zhangshi, Yin Liping a appris que Zhou Guirong et Su Juzhen étaient mortes de torture. Su Juzhen, la première, avait sombré dans une dépression avant de mourir.

Épilogue

Le Dr Jingduan Yang est un psychiatre de Philadelphie qui a traité les survivantes de torture des camps de travail en Chine. Il s’est entretenu avec plusieurs survivantes du fameux camp de travail de Masanjia.

Il a souligné que la difficulté éprouvée par Yin Liping pour raconter son histoire est courante chez les victimes de si graves abus.

« C’est ce qu’on appelle les troubles de stress post-traumatiques », précise-t-il. « Entre autres symptômes, il y a l’engourdissement, l’évitement, ne pas écouter ou regarder ce qui pourrait lui faire rappeler ce qu’on lui a fait. Elle vit constamment dans la terreur et l’anxiété. Ce sont des symptômes courants. »

« L’impact de ce type d’abus sur quelqu’un est horrible », confie Yang. « Vous pouvez difficilement imaginer l’ampleur de ce qu’on leur a fait subir. Ça détruit toute estime de soi ;  ça inculque la peur et la terreur chez la personne, aussi bien aux niveaux corporel, émotionnel que cognitif. »

« Cette peur existe en permanence à l’intérieur de la personne et peut se réactiver à n’importe quel moment, si la moindre chose lui rappelle le traumatisme. Ça change définitivement la façon dont la personne va réagir dans ses relations. Même si elle déménage de l’endroit où elle a été abusée et qu’elle vit dans un endroit sécurisé, elle connaîtra des cauchemars, des flashbacks et des terreurs. »

 

Traduit du chinois par Leo Chen, Hsin-yi Lin, et écrit en anglais par Stephen Gregory.

En anglais : Gangs of Male Prisoners Sexually Abuse Women in Chinese Labor Camp

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