Élections américaines, les implications en politique étrangère

8 février 2016 12:42 Mis à jour: 8 février 2016 10:49

Peut-être plus qu’ailleurs encore, les élections présidentielles américaines sont généralement dominées par les questions de politique intérieure et une faible attention accordée à la politique étrangère. En 2016 cependant, l’actualité internationale et les dernières mesures du président Obama – en particulier la signature de l’accord sur le nucléaire avec l’Iran et les engagements pris à Paris sur le climat, donnent un ton plus international aux débats entre candidats des primaires. Entre les propositions de Donald Trump de construire un « grand, grand mur » autour des États-Unis et celles de Bernie Sanders pour qui « les politiques doivent être humaines », que peut-on attendre d’un futur président américain ?

Daesh, le terrorisme, les réfugiés

Les attentats de Paris et de San Bernardino ont laissé leur trace dans les opinions publiques et fait l’objet de tout un débat des candidats républicains – avec comme point focal évidemment la sécurité intérieure et le contrôle de l’immigration. Barack Obama a été violemment attaqué pour sa « mollesse » dans la lutte contre Daesh et pour son plan d’accueillir 10 000 réfugiés syriens en 2016. Le sénateur Lindsey Graham prophétisait ainsi à la mi- novembre 2015 : « Un nouveau 11 septembre arrive, et il arrive de Syrie ».

Marco Rubio, autre candidat républicain, en tirait une conclusion rapide devant la télévision ABC : « Nous ne pourrons plus prendre de réfugiés… ce n’est pas que nous ne pouvons pas. Nous n’avons aucun moyen de vérifier l’histoire d’une personne venant de Syrie ». Pire, pour Rick Santorum accueillir les réfugiés chrétiens, juifs, islamiques modérés équivaut à être complice de Daesh « en les aidant à établir un califat islamique ». La logique étant ici que la fuite de ces victimes laisse le champ libre à Daesh. Pour le camp des candidats républicains dans son ensemble, la question de l’accueil de réfugiés est donc tranchée et Donald Trump ne fait que résumer la pensée collective en parlant du besoin de la construction d’un « grand, grand mur », l’accueil des réfugiés syriens étant l’équivalent d’un « cheval de Troie ». Dans ce grand mur cependant, une toute petite porte reste ouverte par les candidats Ted Cruz et Jeb Bush, mais à destination exclusive de réfugiés chrétiens.

Côté démocrates, les deux candidats restant en lice – Hillary Clinton et Bernie Sanders, sont eux favorables à un accueil contrôlé. « J’ai dit que nous irions jusqu’à 65 000 [réfugiés] », déclarait Mme Clinton à la mi-novembre, « mais seulement si nous avons un processus attentif de sélection ». Pour Bernie Sanders, « ce qu’est le chiffre magique, je ne le sais pas. Parce que nous ne connaissons pas la portée du problème. Mais je pense évidemment que les États-Unis doivent prendre toute leur responsabilité dans l’aide [aux réfugiés]. »

Sur les moyens de lutter contre le terrorisme international, et contre le groupe terroriste État islamique en particulier, là encore les positions sont mesurées, presque « européennes » du côté démocrate, et très tranchées côté républicain. Pour Hillary Clinton citée par CNN lors d’une rencontre des démocrates en Iowa, « ISIS est très agile et expert dans l’utilisation d’Internet pour sa propagande et le recrutement de nouveaux talents. Nous devons l’être tout autant pour défendre nos valeurs, notre identité en tant que peuple. L’attaque de Paris, la ville-lumière, nous a rappelé qu’il n’y a pas de terrain neutre contre ces terroristes ». C’est donc une coalition internationale que la candidate appelle de ses vœux : « Il faut rassembler tous les pays pour qu’ils travaillent avec nous dans cette lutte contre le djihadisme radical ». Bernie Sanders est plus précis : « La Russie doit nous rejoindre. Nous avons des inquiétudes à propos de l’Iran, mais l’Iran doit nous rejoindre. Nous avons des inquiétudes à propos de l’Arabie Saoudite, mais l’Arabie Saoudite doit nous rejoindre. Si ces attaques ont lieu dans le monde entier, le monde entier doit se rassembler ». Donald Trump et la plupart des Républicains n’ont pas la patience du consensus ; Trump « ferait pleuvoir l’enfer sur ISIS », quitte à kidnapper les membres des familles des terroristes du groupe État islamique.

Quel changement climatique ?

Bernie Sanders est le seul, parmi tous les candidats, à placer la lutte contre le réchauffement climatique au centre des préoccupations internationales. Dans l’émission « Face the Nation » sur la chaîne CBS, le rival démocrate d’Hillary Clinton et sénateur du Vermont est aussi le seul à connecter terrorisme et problèmes climatiques : « Quand vous faites face aux sécheresses, quand les gens ne peuvent faire pousser leurs cultures, ils partent pour les villes. Et quand ils arrivent dans ces villes et qu’ils n’y trouvent pas de travail, l’instabilité grandit, le chômage augmente et ces personnes deviennent sensibles à la propagande qu’Al Qaida et ISIS utilisent », détaille Sanders. « Là où il y a mécontentement, il y a instabilité, le problème est là. Et il n’y a aucun doute sur le fait que le changement climatique mène à cela. »

Côté Républicain, la doctrine ne change pas et l’accord sur le climat de Paris est vu comme un acte anti-patriote. Les engagements de réduction des gaz à effet de serre pris par le président Obama sont non seulement violemment critiqués mais attaqués en justice par certains États américains et groupes industriels. Si les Républicains ne sont plus capables de nier le réchauffement climatique, ils continuent de douter de son origine humaine, voire de la nier. Les candidats Marco Rubio et Ted Cruz ont ainsi signé la « no climate tax pledge » (promesse de ne pas créer d’impôts climatiques) promue par un groupe conservateur climato-sceptique. « Vous voulez un air pur. Vous voulez de l’eau pure. C’est très important pour moi », tente Donald Trump. Mais, « le climat change, il y a des tempêtes, il y a de la pluie, et il y a aussi de belles journées. Je ne crois pas que nous devions mettre en danger les entreprises de notre pays ». Pour Ted Cruz, les scientifiques qui parlent de changement climatique « trafiquent les données. En réalité ils modifient les chiffres ».

Le refus par l’administration Obama du projet d’oléoduc Keystone XL pourrait cristalliser une partie des débats à venir : le projet, qui doit ajouter près de 2 800 km d’oléoduc pour le transport de pétrole de sables bitumeux en provenance du Canada, a été voté début 2015 par le Sénat, mais bloqué par le veto du président. Pour les Républicains, l’exemple illustre la capacité des Démocrates à sacrifier l’emploi pour une défense supposée de l’environnement. Parmi les autres sujets à anticiper, l’éventualité d’une taxe carbone, les subventions pour la recherche sur les énergies renouvelables, l’exploration minière en Alaska.

La zone Asie-Pacifique

Le 3 février a été adopté l’accord de partenariat transpacifique (TPP), qui crée la plus grande zone de libre-échange au monde et, surtout, crée un contrepoids majeur aux volontés hégémoniques de la Chine dans la région. Peu présent dans les débats des primaires aux États-Unis, cet accord devrait pourtant impacter de façon majeure le quotidien des citoyens. D’ici à 2020, deux tiers des forces navales américaines seront redéployées dans la zone Asie-Pacifique, ce qui illustre puissamment le fait que, derrière l’accord économique, la géopolitique et la montée des tensions avec la Chine sont bien présentes. États-Unis, Australie, Japon, Brunei, Canada, Chili, Malaisie, Mexique, Nouvelle-Zélande, Pérou et Singapour partageront, après ratification par leurs parlements, non seulement une zone ouverte de commerce, mais également un ensemble de pratiques – allant jusqu’aux règles du droit du travail – qui forceront à plus de libéralisme tous les membres présents et futurs du TPP. Si les candidats républicains ont du mal à le critiquer puisqu’ils en sont les plus ardents promoteurs, ils peuvent cependant, comme Ted Cruz, considérer qu’on aurait pu « négocier un accord bien meilleur avec un président conservateur fort que [cela n’a été le cas] avec Barack Obama ». Hillary Clinton, qui a d’abord soutenu – et même porté – le TPP, considère aujourd’hui qu’il présente de fortes zones de risque, en particulier de manipulation des devises. C’est Bernie Sanders, là encore, qui porte la vision la plus prudente et la moins mondialiste. Pour lui, « le TPP est la continuité des politiques de commerce désastreuses qui ont coûté à notre pays des millions d’emplois décemment payés et nous ont conduits dans une course du nivellement par le bas ».

 

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