Temples de dieux vénérés à Taïwan, rue commerçantes typiques et usines prospères : à Kunshan (est de la Chine), la présence des investisseurs taïwanais reste marquée, malgré les départs liés à la guerre commerciale et aux tensions inter-détroit.

Les hommes d’affaires taïwanais – appelés « Taishang » en mandarin –, ont massivement investi en Chine depuis les années 1990 et la reprise des relations entre les deux rives, contribuant au décollage économique chinois.
De moins en moins de Taïwanais travaillent en Chine
Mais leur nombre a plongé : seuls 177.000 Taïwanais travaillaient en Chine en 2022, contre 409.000 en 2009, selon des estimations transmises à l’AFP par la Fondation pour les échanges entre les deux rives du détroit (SEF), un intermédiaire officieux entre Taipei et Pékin.

Le « ralentissement de l’économie » chinoise et la guerre commerciale sino-américaine expliquent en partie ces départs, déclare à l’AFP Luo Wen-jia, vice-président de la SEF.
Il « faut faire très attention à ce qui est dit »
Mais la « politique » est également une des raisons invoquées par James Lee, un industriel taïwanais de 78 ans, pour expliquer sa décision de fermer en 2022 son usine de câbles et prises électriques dans la province manufacturière du Guangdong (sud de la Chine).
Aujourd’hui, il « faut faire très attention à ce qui est dit » en Chine, affirme James Lee à l’AFP. « Nous, les hommes d’affaires taïwanais, nous avons peur », ajoute-t-il. Aidés par la maîtrise du mandarin et des mesures préférentielles, les Taishang ont joué pendant des décennies le rôle d’intermédiaire entre les clients étrangers et l’outil de production industriel chinois.
La chance passée des entreprises taïwanaises
Beaucoup ont fait fortune, à l’image du milliardaire Terry Gou, patron du géant de l’électronique Foxconn, qui assemble notamment les iPhone d’Apple.

La ville de Kunshan, située en périphérie de Shanghai, a été un des bastions de ces investissements. « A l’époque, c’était un champ de riz », se souvient Annie Wang, industrielle taïwanaise arrivée à Kunshan en 1996.

La cheffe d’entreprise est aujourd’hui à la tête d’une usine de fabrication de produits électroniques et plastiques, d’un petit parc technologique et d’une marque d’appareils pour le café.
« Les entreprises taïwanaises ont eu la chance de coïncider avec les 30 années les plus glorieuses de la production manufacturière chinoise », déclare-t-elle à l’AFP devant son usine.

Chute du nombre d’entreprises taïwanaises
Au début des années 2010, plus de 100.000 Taïwanais résidaient à Kunshan, selon des chiffres non officiels transmis par la diaspora locale.
Mais le nombre d’entreprises taïwanaises a aujourd’hui chuté en-dessous de 5000, contre plus de 10.000 à l’époque, selon la même source.
Les Taishang ont notamment été pris dans l’étau de la pression grandissante de Pékin envers Taïwan.
Durcissement du Parti communiste chinois ces dernières années
Le Parti communiste chinois – qui revendique Taïwan mais ne l’a jamais contrôlé – a durci le ton ces dernières années contre ce qu’il qualifie d’ « indépendantistes taïwanais », recommandant par exemple depuis l’an dernier des peines allant jusqu’à la mort pour certaines activités de « sécession ».
Ces nouvelles règles ont un grand impact psychologique sur les hommes d’affaires taïwanais, déclare M. Luo de la SEF.
« Nous n’envoyons plus d’employés taïwanais en Chine »
Les Taishang craignent notamment que des accusations politiques soient utilisées dans le cas de disputes commerciales, explique-t-il.
« Nous n’envoyons plus d’employés taïwanais en Chine car nous ne savons pas comment garantir leur sécurité », témoigne l’industriel James Lee, citant plusieurs cas de détention provisoire d’hommes d’affaires taïwanais lors d’un séjour en Chine.
Les difficultés économiques de la deuxième économie mondiale, la guerre commerciale et l’augmentation des coûts de production représentent d’autres freins. « Nous pensions que l’économie chinoise continuerait de s’améliorer parce que son marché est immense », note Leon Chen, dont la famille gère une usine de composants de batteries dans la province chinoise du Jiangxi (centre). « Mais nous n’avons pas vu cela se concrétiser en raison de problèmes, comme la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis, ou la pandémie » ajoute-t-il.
Vers des destinations plus rentables
En réaction, une partie des Taishang se tournent vers des destinations plus rentables – et moins sensibles politiquement. « Certains sont allés au Vietnam, d’autres en Thaïlande, en Indonésie et aux Philippines, certains sont aussi revenus à Taïwan », énumère M. Luo.
Les investissements taïwanais vers le Vietnam approuvés par le ministère taïwanais de l’Économie ont ainsi grimpé de 129 % entre 2016 et 2024 (de 452 à 1033 millions de dollars).
Chute des investissements taïwanais en Chine
Sur la même période, ils ont chuté de 62 % vers la Chine continentale. Cette hémorragie pourrait porter un coup à la stratégie de Pékin visant à s’appuyer sur les Taishang pour promouvoir l’intégration politique de Taïwan. « Aujourd’hui nous avons surtout des commandes domestiques en Chine, donc c’est toujours mieux d’opérer au niveau local », relativise Leon Chen.
« C’est incomparable avec l’âge d’or, même si on arrive toujours à joindre les deux bouts », ajoute-t-il. Mais « si l’environnement des affaires devient de pire en pire, alors nous n’aurons pas d’autres choix que de partir ».
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